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EL SALVADOR - Les neuf mois de grève contre la privatisation de la santé ont pris fin. Retour victorieux des grévistes dans les hôpitaux

mercredi 16 juillet 2003, par Dial

Les médecins et les fonctionnaires de la santé publique d’El Salvador ont rejoint leurs postes de travail lundi 16 juin, après avoir signé un accord pour mettre fin à la grève de pratiquement neuf mois qui a stoppé la privatisation et a porté un coup dur au gouvernement. C’est un exemple particulièrement remarquable en Amérique latine d’opposition à la privatisation d’un service public essentiel. Article de Néfer Muñoz, paru dans IPS, 13 juin 2003.


SAN JOSE, le 13 juin (IPS) - Le pacte conclu entre le gouvernement de Francisco Flores et les syndicats de l’Institut salvadorien de Sécurité sociale (ISSS), organisme d’État, permettra à plus d’un million de Salvadoriens d’avoir à nouveau accès aux soins gratuits grâce à un plan spécial d’heures supplémentaires et de visites spéciales aux communautés rurales.

La grève commencée le 18 septembre, date à partir de laquelle seules les urgences ont été traitées, laisse un goût amer aux deux parties, mais surtout au gouvernement, auquel la majorité de la population attribue la responsabilité du conflit, d’après diverses enquêtes.

« Le succès essentiel de cette grève est le fait que nous avons réactivé le mouvement social et que nous avons réussi à stopper une privatisation », a déclaré à IPS le secrétaire général du syndicat des médecins de l’ISSS, le chirurgien Isaías Cordero del Cid.

Les délégués syndicaux et le gouvernement ont signé un document, présenté par un groupe de médiateurs, selon lequel il est établi que les grévistes réintégreront leurs postes, que la moitié des salaires non touchés sera payée et que 125 employés qui avaient été licenciés retrouveront leurs emplois.

Les syndicalistes n’ont pas pu inclure l’engagement écrit du gouvernement de ne pas remettre en scène la privatisation de l’ISSS, mais la réelle paralysie des activités et les manifestations avaient obligé le pouvoir exécutif à retirer trois projets de loi à ce sujet qui avaient été présentés par le Congrès.

« Nous sommes conscients que nous n’avons pas obtenu tout ce que nous voulions, mais c’est un bon début car nous avons réveillé un peuple qui était endormi et qui, maintenant, s’opposera à la privatisation des secteurs de l’eau, de l’éducation et des travaux publics », a ajouté Cordero del Cid.

La grève de pratiquement neuf mois a été un coup dur pour El Salvador, l’un des pays ayant une importante densité de population en Amérique Latine. Dans ce pays de 21 000 kilomètres carrés vivent 6,2 millions de personnes.

On a calculé que pendant la paralysie des activités des 11 500 fonctionnaires de l’ISSS, qui a la charge de la plupart des grands hôpitaux publics du pays, des milliers de consultations externes, d’interventions chirurgicales et de diagnostics ont été perdus.

Cordero del Cid a spécifié que, pour récupérer le temps perdu pour les soins, les médecins et les employés de l’Institut vont faire des heures supplémentaires sans toucher de paye et vont former des brigades pour visiter les communautés rurales.

Les syndicats de médecins et de fonctionnaires ont appelé, au cours de ces neuf derniers mois, à diverses manifestations appelées « marches blanches », au cours desquelles ils ont réussi à mobiliser quelques 250 000 personnes.

Le directeur de la communication de l’ISSS, Marvin Quinteros a déclaré à IPS : « C’est un soulagement que cette grève se termine. En tant que gouvernement, nous déclarons qu’en vérité cet accord ne nous convient pas, mais nous l’acceptons pour que tout cela se termine. » Le fonctionnaire a expliqué que les projets que le gouvernement avait adressés au Congrès législatif ne visaient pas à privatiser l’ISSS, mais à maintenir la sécurité sociale publique, mais avec une ouverture sur d’autres entreprises privées.

« L’intention était d’éliminer ce monopole (...) et ce qui s’est passé, c’est que les syndicalistes ont manœuvré en fonction de tendances politiques et, bon, ils ont réussi. Mais nous répétons que nous ne voulons pas privatiser », a-t-il ajouté.

Quinteros a indiqué que, après la grève, il n’y avait pas d’acteurs sociaux gagnants ou perdants car, en réalité, les grands perdants ont été les usagers.

On espère maintenant que l’ISSS va étendre la couverture santé, qui comprend actuellement à peu près un million de Salvadoriens. En outre, le gouvernement s’est engagé à investir plus d’argent dans les infrastructures et les équipements.

Le secrétaire général des travailleurs de l’ISSS, Ricardo Monge a déclaré à IPS : « Cette grève est un exemple pour toute l’Amérique latine. Nous envoyons un message à la région pour qu’elle sache qu’on peut effectivement lutter contre le néolibéralisme. »

Le prix à payer a été élevé pour les grévistes car ils ont arrêté de soigner des milliers de patients et n’ont pas reçu de salaire pendant plus de huit mois, a-t-il souligné. « Malgré tout, a insisté Monge, nous sommes très contents que le Congrès ait classé les projets de privatisation dont les entreprises privées nationales et transnationales, qui avaient applaudi à la vente de l’ISSS, ne tireront donc pas profit. »

Cependant, les experts pensent que l’une des principales victimes politiques de la grève a été le parti dirigeant, l’Alliance républicaine nationale (ARENA), comme l’indiquent les résultats des élections législatives et municipales du mois de mars. Le nombre actuel de sièges de députés du parti de droite ARENA est passé de 29 – ce qui lui permettait, avec des accords, d’obtenir une majorité absolue - à 27 sur les 84 sièges au Congrès unicaméral, ce qui entraîne des difficultés pour se mettre d’accord avec des groupes opposés.

Le revers de la médaille dans cette querelle politique, avec la grève en toile de fond, est le parti de gauche, le Front Farabundo Martí pour la libération nationale (FMLN), qui, depuis le début, a soutenu publiquement le conflit de la santé et qui en récolte aujourd’hui les fruits. Le nombre de sièges du FMLN au Parlement est passé de 25 à 31 et son image de gagnant progresse tellement qu’il est donné comme favori dans les sondages relatifs aux élections présidentielles de 2004.

Le gouvernement de Flores fait remarquer que le FMLN a favorisé la création d’un climat d’anxiété autour de la présumée privatisation de l’ISSS pour gagner des points politiques et que les chefs des grévistes ont répondu à cette force de gauche.

L’avocat Rubén Zamora, qui était à la tête du groupe de médiateurs qui a rédigé la proposition pour arrêter la grève, a déclaré qu’il était convaincu que la grève de la santé publique aurait pu être arrêtée bien des mois plus tôt.

« Le problème, a indiqué Zamora à IPS, est qu’en El Salvador les conflits ont tendance à trop se politiser. Pour faire le point, nous pouvons dire que le pays y a beaucoup perdu car cela a touché les soins à apporter à des milliers de patients, mais le pays y a également gagné car cela a freiné un projet de privatisation. »

Zamora maintient que la grève de l’ISSS est un exemple de la polarisation à laquelle ce pays fait face. La réinsertion des médecins et des employés va coûter environ 1,5 millions de dollars à l’État.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2656.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : dans IPS, 13 juin 2003.

En cas de reproduction, mentionner la source francaise (Dial) et l’adresse internet de l’article.

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