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DIAL 2544

BRÉSIL - La lutte pour la terre et les droits humains dans l’État du Paraná

Jelson Oliveira

lundi 1er avril 2002, mis en ligne par Dial

Le problème de la terre reste toujours sans solution au Brésil, tout au moins pour ceux qui en sont chassés... Les paysans sans terre sont nombreux dans l’État du Paraná, au sud du Brésil, et sont l’objet de répressions particulièrement dures et sanglantes. Jelson Oliveira, secrétaire exécutif de la Commission pastorale de la terre et coordinateur de la Commission dominicaine brésilienne Justice et paix, fait pour nous le point de la situation.


L’État du Paraná a une population de 9 003 804 habitants, dont 7 011 990, c’est-à-dire 77 % de la population, résident dans les centres urbains et dont 1991 814, soit 22,1 %, résident en zone rurale. C’est le septième État en ce qui concerne le niveau de pauvreté du Brésil. Il a une des plus importantes concentrations foncières et une des pires distributions de la richesse. Les plus riches (10 % de la population) détiennent 44,98 % du revenu, alors que les plus pauvres (40 % de la population) n’en détiennent que 9,7 %. Durant les cinq dernières années, le Paraná est devenu pour le gouvernement un « champ d’expérience » du traitement réservé aux travailleurs qui luttent pour la terre au Brésil. Depuis août 1997, quand les organisations des grands propriétaires fonciers comme l’Union démocratique ruraliste (UDR), ainsi que la Société rurale du Paraná, commencèrent à encourager les grands propriétaires à s’armer et à utiliser la violence contre les travailleurs dans le but de « défendre » leurs propriétés, a commencé dans le Paraná une tragédie qui devait laisser des centaines de familles terrorisées, des travailleurs blessés, torturés ou tués.

En mai 1999, le secrétariat de la sécurité publique du Paraná commença une série d’expulsions de familles logées dans des campements, politique dont l’un des objectifs était le démantèlement des organisations de travailleurs et la criminalisation de la lutte pour la terre par l’identification, la poursuite et l’emprisonnement de travailleurs et de leaders du Mouvement des travailleurs ruraux sans-terre, ainsi que de tous ceux qui soutenaient la réforme agraire, tout comme à l’époque des dictatures. Le résultat de tout cela fut le renforcement de l’alliance entre la police, directement sous les ordres du secrétariat de la sécurité publique, et les milices armées ainsi qu’une bonne partie du pouvoir judiciaire, les grands propriétaires, l’Institut national de colonisation et de réforme agraire (INCRA) et les députés « ruralistes ». Il s’agissait d’organiser une stratégie de répression envers les mouvements sociaux qui luttent pour la terre ainsi que la disparition de la réforme agraire elle-même. Cette stratégie a généré un climat de violence sans précédent dans l’histoire de la lutte pour la terre dans le Paraná. Sous le gouvernement Lerner, qui figure dans l’histoire comme un des principaux ennemis de cette lutte, nous pouvons comptabiliser depuis 1995 (début de son mandat) : 16 assassinats, 31 tentatives d’assassinats, 489 emprisonnements, 7 cas de torture, 324 blessures, 47 menaces de mort lors de 134 actions d’expulsions.

Les familles expulsées illégalement sont des milliers : les actions se passent à l’aube, les gens sont humiliés, torturés, on incendie les maisons avec les meubles et la nourriture, et les cultures sont détruites. Les scènes filmées par la police militaire elle-même, les témoignages de travailleurs, de journalistes, de prêtres, d’évêques et de politiques qui ont visité les victimes, sont impressionnants. Pour en finir avec cette vague de violence, les sans-terre ont entrepris une grande marche vers la capitale, Curitiba, et ont campé plus de six mois devant le Palais du gouvernement, en espérant (en vain) une réponse. À l’aube du 27 novembre 1999, les sans-terre ont été chassés par environ un millier de policiers, avec la violence et la terreur habituelle. Le 2 mai 2000 fut marqué par un autre épisode de violence quand un fort déploiement de police empêcha l’accès à Curitiba à près de deux mille travailleurs. Cette nouvelle action se solda par plus de deux cents travailleurs blessés et par l’assassinat du sans-terre Antônio Tavares Pereira.

Ces actions d’expropriations répétées, ces poursuites et cette répression des travailleurs ont crée un climat de terreur dans l’état du Paraná. Face à la gravité de la situation des violations des droits humains contre les travailleurs ruraux, d’innombrables organismes nationaux et internationaux de droits humains ont mis en place le 2 mai 2001, à Curitiba, le « Tribunal international des crimes des grands propriétaires et de la politique gouvernementale de violation des droits humains ». Dans ce tribunal, des noms comme Adolfó Perez Esquivel, et James Petras, parmi d’autres autorités de renom mondial, ont condamné le gouvernement de l’État à l’unanimité.

Après la mise en place de ce tribunal, le gouvernement s’est vu obligé de repenser sa politique de violence et a dû signer un accord dans lequel il s’engageait à reloger les familles expulsées, à faire cesser la vague de violence et à remettre en route le processus de réforme agraire. Aujourd’hui, presque un an après, rien ou presque rien n’a été fait et le processus semble complètement bloqué malgré de nombreuses revendications de la part d’organisations nationales comme le Mouvement des sans-terre et la Commission pastorale de la terre, et malgré la pression des travailleurs et des travailleuses qui, au Paraná, représentent actuellement près de 4 000 familles dans l’attente d’une terre où elles pourraient vivre et travailler.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2544.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Commission dominicaine brésilienne Justice et paix

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