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DIAL 2595

MEXIQUE - Un an après l’assassinat de l’avocate Digna Ochoa

vendredi 1er novembre 2002, par Dial

IIl y a un an, nous avions signalé l’assassinat de Digna Ochoa, avocate fortement engagée dans la défense des droits de l’homme au Mexique (cf. Dial D 2512). Depuis lors, l’enquête sur ce meurtre qui avait soulevé une émotion considérable, n’a fait que de maigres progrès et a connu d’étranges péripéties. À l’occasion du premier anniversaire de cet assassinat, 54 associations , regroupées deans le réseau « Tous les droits pour tous » ont tenu à faire le point et à intervenir publiquement. C’est aussi pour elles l’occasion d’attirer l’attention sur la situation précaire des défenseurs des droits humains. Nous publions ci-dessous le communiqué diffusé le 18 octobre 2002 par ce réseau.


Un an après l’assassinat de notre camarade Digna Ochoa y Placido, le Réseau d’organismes civils de défense des droits de l’homme « Tous les droits pour tous » se dit préoccupé par les maigres progrès des recherches effectuées sur cette affaire et rend publique son appréciation sur l’état actuel de l’enquête :

1. Le Réseau national déplore une nouvelle fois le manque de professionnalisme qui s’est manifesté tout au long de l’enquête comme en témoignent les fuites observées et les conclusions hâtives des responsables de ce travail. Nous lançons un appel au procureur spécial chargé de l’affaire, Mme Margarita Guerra y Tejada, pour qu’elle mène une enquête objective, sérieuse et professionnelle, pour que les personnes directement responsables et toute l’équipe d’enquêteurs, indépendamment de la charge administrative qui est la leur, fassent preuve d’un jugement indépendant, possèdent les compétences et l’expérience voulues, et pour que l’on s’assure notamment que ces personnes jouissent d’une autonomie suffisante pour agir à l’abri de toute pression politique ou administrative nuisible au déroulement des recherches. C’est la seule façon de garantir que tous les moyens d’enquête disponibles seront utilisés.

2. A propos de cette affaire, dans laquelle il y va de l’intérêt de la communauté nationale et internationale des défenseurs des droits de l’homme, le Réseau national juge primordial de mettre en application les recommandations émises par M. Pedro Díaz, consultant agissant pour le compte de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH).

En l’espèce, il est capital de concrétiser le plus rapidement possible dans les faits la mesure de vérification de la preuve par des experts internationaux en diverses matières criminelles, dont la participation a été recommandée dans le rapport du consultant en question. Cependant, pour que ces experts puissent travailler efficacement, il faut une volonté politique du chef du gouvernement et du procureur du District fédéral afin que cette équipe dispose des ressources et des moyens nécessaires à l’accomplissement de sa tâche et contribue à garantir que l’acte incriminé ne restera pas impuni. Nous exhortons le procureur spécial chargé de l’affaire à accepter les conclusions desdits experts et à en faire l’axe central de son plan de travail.

3. Un an s’est écoulé depuis les événements regrettables qui ont coûté la vie à notre camarade, avocate et défenseur des droits civils. Nous avons rencontré trois enquêteurs et plus de deux mois et demi se sont passés depuis l’entrée en fonction du procureur spécial actuel. Autrement dit, il s’est écoulé suffisamment de temps pour établir les erreurs commises par les équipes d’enquêteurs précédentes et pour reprendre le cours des recherches. Par conséquent, il est impératif que Margarita Guerra élabore un plan de travail pour mener à bien les investigations correspondantes, entre autres en développant les propositions de la Commission interaméricaine, et qu’elle se fixe des délais pour présenter les résultats obtenus à l’issue de chaque étape, sans précipitation ni mesures prématurées, mais en évitant tout retard inutile. Il n’est pas souhaitable d’attendre un an de plus pour remédier aux fautes constatées, appliquer les propositions de la Commission interaméricaine et tirer des leçons crédibles des actions engagées.

4. En tant que collectif de défenseurs civils des droits de l’homme qui intègre 54 organismes, le Réseau national veut souligner que, au cours de l’année écoulée, les actes de harcèlement et les agressions à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme sont demeurés une pratique courante sur une bonne partie du territoire national, dont ont été victimes des groupes comme l’ACAT, Tlachinollan, la Commission indépendante des droits de l’homme de Morelos, le Centre Miguel Agustín Pro et le secrétariat technique du Réseau lui-même. Depuis le 19 octobre de l’an passé, 19 cas de harcèlement ont été enregistrés comprenant des menaces au téléphone ou par voie électronique, des attaques directes, des campagnes de diffamation et une nouvelle forme d’intimidation téléphonique consistant à annoncer des séquestrations supposées ou à déclarer d’une façon mensongère que le défenseur ou ses proches ont subi un accident, ce qui témoigne de la pratique illégale des appels téléphoniques qui relèvent de l’abus de pouvoir. Ces actes de violence, dont au moins trois présidents ou ex-présidents de commissions d’Etat des droits de l’homme ont également été la cible, sont commis contre des militants du District fédéral et des Etats de Guerrero, Chiapas, Jalisco, Hidalgo, Querétaro et Morelos, entre autres.

5. Au regard de ce qui précède, la déclaration de Mme Mary Robinson, anciennement Haut Commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme, garde toute son actualité, déclaration selon laquelle la situation des défenseurs des droits de l’homme est un thermomètre de l’état des démocraties. Par conséquent, un déroulement rapide et appliqué de l’enquête sur la mort de Digna Ochoa y Placido et la disparition de toute agression contre les défenseurs des droits de l’homme seraient un signe concret de ce que la justice peut l’emporter sur la loi de l’impunité qui caractérise la société mexicaine et qui fait obstacle à la transition vers un Etat véritablement démocratique, propice à l’exercice des libertés publiques, y compris du droit de défendre les droits humains.

En conclusion, le Réseau « Tous les droits pour tous » rappelle avec force le droit de connaître la vérité sur les faits survenus le 19 octobre de l’an passé, tant pour la famille Ochoa y Placido que pour la communauté des défenseurs civils et la société mexicaine en général.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2595.
 Traduction Dial.

En cas de reproduction, mentionner au moins la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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