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DIAL 2987

NICARAGUA - « La priorité est à la production intérieure de denrées alimentaires », entretien avec le ministre de l’agriculture et des forêts, Ariel Bucardo

José Carlos Bonino

samedi 1er mars 2008, mis en ligne par Dial

Nous publions cet entretien en complément et contrepoint de la lettre de Jean Loison publiée dans le numéro de février.


Le programme « Faim zéro » constitue l’un des axes de l’action du gouvernement du Front sandiniste de libération nationale (FSLN), qui a repris les commandes après un intermède de 16 ans et qui s’emploie à lutter contre l’extrême pauvreté et l’insécurité alimentaire. Sur ce programme et sur les effets des traités commerciaux passés avec les États-Unis et l’Europe dans le secteur agricole, José Carlos Bonino, collaborateur de Noticias Aliadas, s’est entretenu avec Ariel Bucardo, ministre de l’agriculture et des forêts.

Comment le secteur agricole est-il structuré au Nicaragua ?

Le Nicaragua est un pays de petits producteurs ; on dénombre près de 200 000 petites ou moyennes exploitations et un peu moins de 1 300 grands producteurs, qui possèdent plus de 500 manzanas (350 hectares). La grande majorité se compose de producteurs dont le domaine couvre entre 20 et 50 manzanas. C’est, pour l’instant, la garantie d’une répartition équilibrée de la terre au Nicaragua malgré une tendance à la concentration.

D’un autre côté, un problème structurel se pose : avec les technologies existantes, un exploitant de 500 manzanas au Nicaragua produit autant qu’un exploitant de 100 manzanas à El Salvador.

Non à la gratuité des aliments

Quels sont les changements introduits par le gouvernement actuel en matière de sécurité alimentaire ?

Il est encore un peu tôt pour parler de changements dans le domaine parce que nous avons hérité d’une décennie et demie de néolibéralisme. C’est pourquoi il faut plus de temps pour changer la structure du système alimentaire du pays.

Ce que l’on peut assurer, c’est que le gouvernement suit une politique qui nous permet d’espérer pour l’avenir une amélioration de la situation alimentaire de la population, surtout dans le monde agricole, qui est le plus pauvre.

Ces 16 dernières années, le pays a énormément puisé dans ses ressources économiques, en ponctionnant le budget de la République comme celui de la coopération internationale, au titre de la lutte contre la pauvreté. Les résultats obtenus sont déplorables parce que, jour après jour, les pauvres sont plus pauvres et les riches plus riches. Autrement dit, toutes les ressources employées à lutter contre la pauvreté sont revenues d’une certaine manière aux élites qui en avaient contrôlé la distribution.

Aujourd’hui, en revanche, nous œuvrons à la production d’aliments, par ceux et celles qui les consomment, principalement dans le secteur rural. Nous sommes en train de développer le programme « Faim zéro » pour que la population n’ait plus à réclamer de nourriture. On ne compte plus les programmes de lutte contre la pauvreté et la faim qui se résument à distribuer gratuitement de la nourriture aux gens, ce qui rend les familles dépendantes et de plus en plus pauvres.

Dans cet esprit, nous fournissons des biens d’équipement aux familles pour qu’elles puissent produire ; la priorité du gouvernement est la production de denrées alimentaires destinées à la consommation nationale, puis, en deuxième lieu, l’exportation. Nous avons abandonné l’orientation suivie par les gouvernements précédents, qui consistait à concentrer tous les efforts de production sur l’exportation. Nous avons préféré la voie qui mène à garantir d’abord une nourriture suffisante aux Nicaraguayens, c’est-à-dire la sécurité alimentaire du pays.

Quelle a été l’incidence de l’Accord de libre-échange des États-Unis avec l’Amérique centrale et la République dominicaine (TLCAC+RD, pour son sigle en espagnol) sur le secteur agricole ?

L’entrée en vigueur du TLCAC+RD date déjà d’un an et nous ne pensons pas qu’il ait une incidence positive sur le secteur agricole parce qu’il s’agit d’un traité qui, à la base, avantage totalement les États-Unis. Le Nicaragua accuse un énorme retard technologique sur les États-Unis ; dans notre pays, nous connaissons des coupures de courant, nous n’avons pas de réseau d’irrigation, nous manquons de matériel, de routes, et nos paysans sont presque analphabètes.

En plus, les États-Unis subventionnent leurs producteurs et il est difficile de lutter contre les technologies modernes qu’ils possèdent. Ce qu’il nous faudrait, c’est un traité commercial qui nous permette de lutter au moins à armes égales, ce qui n’est pas le cas avec le TLCAC+RD.

Pour des relations commerciales plus justes

Que pensez-vous de l’Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) défendue par le président vénézuélien Hugo Chávez ?

Nous en attendons, plus qu’un accord commercial, une politique orientée vers des échanges commerciaux, mais aussi des investissements, plus justes. Nous voulons tisser une alliance stratégique dans laquelle les intérêts de ces nations pauvres ou émergentes soient mus par la solidarité et non par la concurrence, par l’opportunisme économique, comme cela se passe avec les traités commerciaux classiques.

Notre intention est de nouer des alliances dans lesquelles nous puissions nous sentir comme une seule nation, traitée sur un pied d’égalité, et c’est une dynamique que l’on observe déjà dans le domaine du pétrole.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2987.
 Traduction de Gilles Renaud pour Dial.
 Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 23 janvier 2008.

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