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DIAL 2490

COLOMBIE - Accompagner les personnes déplacées par la violence

Secours catholique

lundi 16 juillet 2001, mis en ligne par Dial

Au milieu des dégâts provoqués par la violence en Colombie, il existe un travail positif de reconstruction. Tel est le cas de l’action menée par un service aux réfugiés, organisé par les jésuites, dans la région du Magdalena Medio. Il s’agit d’un projet d’accompagnement à différents niveaux des personnes déplacées. Le Secours catholique, qui soutient financièrement ce programme, est à l’origine du document ci-dessous.


La Colombie est un des pays les plus violents au monde, avec un taux d’homicide oscillant entre 75 et 85 cas pour 10 000 habitants. On a officiellement recensé plus de 30 000 meurtres en 1999. C’est dans ce contexte que se développe une violence politique caractérisée par des affrontements entre guérillas (entre 10 000 et 12 000 insurgés présents dans plus de 600 municipalités), paramilitaires (environ 10 000 hommes présents dans quelques 450 municipalités) auxquels s’ajoutent les Coopératives de Sécurité CONVIVIR (plus de 600 groupes dans 28 départements du pays) et l’armée colombienne (forte de 350 000 hommes). Cette situation de violence, expression d’une guerre civile non déclarée, entraîne des morts par actions de guerre (1 437 en 1999 pour 762 combats) et un nombre croissant de personnes déplacées, que l’UNICEF a chiffré à 750 000 de 1985 à 1995, 181 000 en 1996, 257 000 en 1997, 308 325 en 1998 et 288 127 en 1999.

Les principales causes de ce déplacement sont la dispute de territoires entre les différentes factions, les positions respectives du gouvernement, des FARC (guérilla de tendance marxiste) et de l’ELN (guérilla de tendance "guévariste") qui négocient aux sommets de Caguán (FARC) et de Diálogos (ELN), la lutte pour contrôler les cultures de coca et de pavot (paramilitaires, ELN et FARC), le développement de mégaprojets économiques et enfin la peur d’être associé à l’un ou l’autre des acteurs armés.

L’ampleur des déplacements

Les principales victimes du déplacement sont des paysans chassés de leurs terres, là où les accrochages et affrontements entre les différentes factions armées sont les plus violents : dans les provinces d’Antioquia ( 51 854 déplacés en 1998, plus spécialement les zones de l’Uraba et du Magdalena Medio), Santander (27 150 déplacés), Córdoba ( 13 350 déplacés, surtout à la frontière avec l’Uraba Antioqueño), Bolívar (28 870 déplacés), Cesar, Valle del Cauca (13 325 déplacés) et Cauca. La situation est également critique dans certaines villes, en particulier à Barrancabermeja (Magdalena Medio) où trois quartiers (la Paz, Simon Bolivar et Premier Mai) sont contrôlés par les paramilitaires qui ont aussi coupé le téléphone dans 9 quartiers et menacé des organisations civiles de femmes.

Les effets prévisibles du Plan Colombie

La mise en œuvre du Plan Colombie devrait entraîner une escalade de la violence dans toute la Colombie au cours des 3 prochaines années (2001 à 2003), en particulier dans le Putumayo (région choisie pour éradiquer la culture de coca), le Magdalena Medio (compte tenu de son importance géopolitique, énergétique et économique), l’Urabá Cordobés (essai de reconquête par les FARC de cette zone sous contrôle de l’AUC), le nord de Santander (contrôle des cultures de coca et du corridor du trafic d’armes avec le Venezuela) et le centre du Valle (méga projets et contrôle des cultures de coca). La reconnaissance explicite et publique des agriculteurs et éleveurs colombiens appuyant financièrement les paramilitaires des AUC (Autoféfenses unies de Colombie) - "parce que le gouvernement ne les protège pas" - et de la taxation (300 000 US $ par mois pour le seul département du Guaviare) par le chef des AUC, Carlos Castaño, met le peuple face à un acteur armé qui a des ressources illimitées pour faire la guerre. Il en est de même pour les guérillas avec l’impôt sur le poids de coca commercialisée. Tout cela fait que la population souffre de manœuvres d’intimidation de plus en plus atroces.

Le SJR, Service jésuite aux réfugiés, accompagne les déplacés dans le Cordoba, le Magdalena Medio et, en collaboration avec l’Institut paysan, à Buga. Il chemine avec les déplacés pour les aider à reconstruire leur projet de vie. L’objectif est d’aboutir à leur intégration positive. Les déplacés choisissent parmi différentes alternatives : l’aide d’urgence ponctuelle (de 3 à 6 mois) qui leur permet de survivre, l’accompagnement du SJR pour la gestion de ces secours, et pour la connaissance et l’exigence de leurs droits en tant que citoyens. Pour accompagner et appuyer dans la durée les personnes déplacées, une dynamique de concertation inter-institutionnelle est nécessaire. Trois plans d’action sont prévus pour cela :

 un plan d’urgence pour fournir un accueil aux déplacés et l’établissement de réseaux coordonnés avec les organismes nationaux et internationaux, privés et publics, religieux et laïcs pour améliorer l’efficacité de l’aide ;

 un plan de transition qui vise à accompagner ensuite les familles déplacées dans la reconstruction de leur projet de vie, les former et les conseiller à cet effet pour entreprendre des activités productives et favoriser le développement communautaire ;

 un plan de prévention pour rechercher, à partir de la perspective du déplacement forcé, les solutions aux causes du conflit armé, au travers de l’analyse permanente de la réalité et la participation aux dynamiques régionales pour la paix.

Toutes les activités prévues n’ont pas pu être réalisées, notamment pour les volets transition et prévention, mais les objectifs ont été maintenus. Le modèle d’intervention avec les personnes déplacées a été systématisé et les alliances inter-institutionnelles consolidées avec l’État, les ONG nationales et internationales et les gouvernements des autres pays.

Des auberges pour les déplacés

Au cours de l’année 2001, 3 "auberges" pour accueillir les déplacés ont déjà été ouvertes à Barrancabermeja : Maria Eugenia (commune 7), la Normal (déplacés de Cienago del Opón) et Idema (Yanacue et Cimitarra). Elles permettent d’évacuer, avec l’aide de la Croix Rouge Internationale, 10 familles par semaine. Le travail d’accompagnement a commencé à Buga et à Tierralta à la fin janvier 2001.

Les différents niveaux d’accompagnement

L’accompagnement de la population déplacée sera effectué à plusieurs niveaux :

 spirituel, grâce à un processus d’attention pastorale adapté à leur histoire personnelle et sociale et à leur expérience de la foi en Dieu, dans l’Esprit du Christ ressuscité ;

 psychique, pour vaincre leurs frustrations et angoisses, grâce à des processus de valorisation et d’estime de soi susceptibles d’établir de nouvelles relations d’équité entre les cultures, les ethnies, les sexes et les générations ;

 économique, pour assurer la survie au début du déracinement et ensuite le développement de projets productifs, ce qui exige d’élever le niveau de formation à la production et la gestion par une information sur les circuits économiques, l’identification des offres gouvernementales ou non de formation, l’offre de bourses d’études et de microcrédits pour les projets productifs, et une aide à la gestion et à la commercialisation ;

 social, pour reconstituer le tissu social et les formes d’organisation et d’association dans chaque communauté, ce qui implique d’accompagner les recherches de solutions pour l’habitat, l’eau courante, les moyens de transport terrestre et fluvial, la santé, l’éducation des enfants et des adultes et l’accès aux services publics de la zone, soit lors du retour au lieu d’origine des déplacés, soit dans leurs campements provisoires ou permanents ;

 culturel, pour que les déplacés récupèrent leurs propres coutumes, leur langue, leurs traditions et leur folklore, d’où la mise en place d’activités festives et sportives en tant que formes d’expression de leur culture ;

 juridique, pour permettre à la population déplacée de s’identifier comme sujets de droits et de devoirs, d’où une nécessaire formation aux droits de l’homme, au droit civil, au droit international humanitaire et à leurs droits propres tels que définis dans la Loi 387:97 et ses décrets complémentaires, le Plan Colombie et les décrets de l’État.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2490.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : secours catholique, juillet 2001.
 
En cas de reproduction, mentionner au moins les auteurs, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
 
 

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