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AMÉRIQUE LATINE - L’importation vers l’Europe d’enfants footballeurs

lundi 1er octobre 2001, mis en ligne par Dial

Il est clair que la passion du sport et la passion de l’argent font bon ménage. Mais le lien n’a pas forcément le même sens pour tous les protagonistes. Certains parents pauvres voient une issue possible à leur situation dans les perspectives alléchantes que leur présentent des impressarios sans scrupules. Ceux-ci s’enrichissent aisément en spéculant sur l’avenir des enfants qu’ils sélectionnent et « exportent » en Europe. Quant aux enfants eux-mêmes, ils ne peuvent qu’être séduits par les offres faites, quitte à se retrouver à la rue s’ils ne répondent pas aux espoirs mis en eux. Texte de Andrés Aires, Noticias Aliadas, 2001.


Des voix s’élèvent depuis divers secteurs, pour dénoncer le trafic croissant d’enfants sportifs qui, avec l’Italie pour épicentre, touche les mineurs du Cône Sud et particulièrement l’Argentine, le Brésil et l’Uruguay.

« Des impresarios sans scrupules, sous couvert de l’extrême pauvreté, se consacrent au trafic de mineurs footballeurs emmenés hors de leur pays contre la promesse de remettre de l’argent à leurs parents », c’est ce qu’ont dénoncé au début de l’année passée, les députés argentins Alfredo Bravo et Jorge Rivas dans une demande d’enquête urgente transmise au gouvernement et dont le président Fernando de la Rua n’a pas tenu compte à ce jour.

Les législateurs ont formulé cette dénonciation après avoir eu connaissance du fait que six enfants de 12 à 14 ans, originaires de Monteros, une petite localité de la province de Tucuman, au nord de l’Argentine, se refusaient à retourner en Italie où ils avaient été achetés par le club Arezzo, contre la promesse, non tenue, du paiement de 100 dollars mensuels à leurs parents. Ils n’étaient pas maltraités mais leurs familles leur manquaient.

Dans ce pays européen, le fait avait déjà provoqué la réaction du député Saro Petinatto, ex-président de l’Atletico Catania, qui avait lancé un cri d’alarme : « Quelqu’un m’a téléphoné pour me dire que son beau-frère, en Argentine, pouvait m’envoyer des gamins au prix de 5000 dollars l’un. Il ne m’offrait pas ses droits à titre sportif mais directement les gosses. »

« Ils investissent à peine plus que le prix du voyage et ils emmènent en Europe des milliers d’enfants sud-américains et africains. Si un seul d’entre eux réussit ils gagneront des millions » a dit l’ex-joueur Guillermo de la Peña, actuellement enseignant dans une école de football pour enfants.

« Ceux qui ne sont pas performants on les jette à la rue où ils finiront leur vie à ouvrir des portes de voitures ou à travailler douze heures par jour dans des exploitations agricoles » ajoute Petinatto.

Selon une enquête de l’agence officielle d’information Télam dans la seule année 2000 pas moins de 200 enfants de 12 à 16 ans, dont 50 Argentins et les autres Brésiliens, ont été emmenés en Italie. Dans la mesure où le prix à payer pour passer des contrats avec des athlètes de catégorie mondiale est devenu exorbitant ces dernières années, les clubs européens sont à la recherche de jeunes talents. Ils sont également encouragés dans cette recherche par l’éventualité de tomber sur un joueur au potentiel élevé qui, par la suite, pourrait être vendu des millions de dollars.

« Il y en a des milliers venus du monde entier. Les enfants vivent mal, parce qu’on les éloigne de leurs familles. Ils arrivent en Italie où les dirigeants ne se préoccupent ni de leur éducation, ni de leur développement, ni de leur apporter un soutien affectif a dit à Télam le président de la Fédération des footballers italiens, Sergio Campana.

Leandro de Petris n’avait que 11 ans lorsqu’il fut emmené en Italie pour jouer en division débutants du Milan, un des grands du football italien. Ce petit Argentin de 1,32 mètre et 33 kilos a été « découvert » par un représentant de la multinationale International Sport Management (ISM), Sebastian Braum, qui a acheté son talent en échange de la promesse de 20 000 dollars « s’il se comporte bien dans le cadre du club » ont dit ses parents, avec l’illusion que « si ça se trouve le gamin va se révéler bon et assurera le salut de toute la famille ».

La situation de Leandro se reproduit multipliée au point d’atteindre des chiffres astronomiques, avec Ariel Huguetti, un autre petit Argentin de 14 ans que se disputent à coup d’offres de 1 million de dollars deux des grands du foot espagnol, le Real Madrid et le Barcelone. Ils croient avoir trouvé les champions du monde du XXIème siècle, les successeurs du Brésilien Edson Arantes do Nascimento, Pelé, et de l’Argentin Diego Armando Maradona. Mais les cas de Leandro et Ariel sont sans équivalent. Selon l’estimation des impressarios du foot, un seulement sur 4 500 enfants amenés en Italie réussira, si l’on considère que l’on entend par réussite « une bonne paye reçue à un âge où l’on devrait être auprès de sa famille à s’amuser comme le font tous les enfants de 12 à 14 ans » a dit le représentant des joueurs Michel Basilevtich.

En Argentine, l’Inter de Milan met en jeu davantage encore. Le 23 novembre dernier le club italien a inauguré sa première école de foot à Monteros, le village pauvre d’où on avait emmené en Italie les six enfants qui ont refusé de revenir à l’Arezzo. Elle s’appelle Intercampus, comme les autres écoles de sport pour les enfants des bidonvilles de Rio de Janeiro.

Les familles des enfants argentins qui ont été sélectionnés pour passer huit heures par jour à Intercampus, reçoivent la nourriture et l’assistance médicale en échange de la cession de leurs « droits sportifs » sur leurs enfants « si à la fin ils sont choisis »selon les termes du contrat qu’on leur a fait signer.

Deloitte & Touche, une des cinq parmi les plus grandes agences de consultants au monde a décidé d’investir en Argentine, au Brésil et en Uruguay. Eduardo de Bonis, un de ses directeurs, a dit qu’« il s’agit d’une entreprise des impresarios nord-américains et européens ». Il a ajouté : « On cherche à développer une sorte de pépinière de joueurs de foot. »

« Nous ne cherchons pas un Maradona mais plutôt 10 à 20 joueurs de bon niveau qui, additionnés, vaillent ce que valait Maradona. Nous avons des contrats avec des clubs de l’intérieur. Nous investissons dans les infrastructures et l’équipement sportif » a dit de Boris. De son côté le fonds d’investissement The Exxel Group, dont la présence dans les secteurs de l’alimentation, les communications et les loisirs est très importante en Argentine, Uruguay et Brésil, a déjà constitué un fonds de 40 millions de dollars pour acheter et vendre des gamins de 12 à 18 ans. Exxel a obtenu ce capital dans les centres financiers des États-Unis et d’Europe.

Gerardo León responsable du secteur sports chez Exxel a admis que « la cible » ne dépassera pas les 18 ans chez les joueurs, de façon à ce que leur cotation n’aille pas au delà de 400. 000 dollars. Nous visons d’abord l’Uruguay et le Brésil, ensuite l’Argentine, trois mines où nos investisseurs savent qu’il y a de grands joueurs en puissance. León a ajouté : « À celui qui fait l’apport de fonds, nous lui garantissons un revenu au taux de 25 % dans un délai de temps de quatre ans. »


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2500.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 2001.
 
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