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DIAL 3415

EL SALVADOR - C’est la première fois qu’un pays d’Amérique latine vote une loi qui interdit l’exploitation minière des métaux

Carmen Rodriguez

mardi 27 juin 2017, mis en ligne par Dial

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Si, dans l’ensemble, les textes publiés ces dernières années autour du thème de l’extractivisme dressent un panorama plutôt sombre, malgré les résistances, il y a aussi ici et là de bonnes nouvelles – des luttes victorieuses –, comme ici avec le vote en El Salvador d’une loi interdisant l’exploitation minière des métaux en avril 2017. Article de Carmen Rodriguez publié par le Programme des Amériques le 21 avril 2017.


Oui à la vie !

Dans l’un des pays les plus violents d’Amérique latine, ce slogan est devenu réalité en mars dernier. La lutte conduite par des communautés paysannes pendant plus de 12 ans, a porté ses fruits en El Salvador, avec le vote d’une loi qui interdit partiellement ou totalement l’exploitation minière des métaux sur tout son territoire.

« La victoire est une réaffirmation des objectifs que s’étaient donnés les communautés rurales quand elles ont commencé leur lutte pour la vie. Les communautés paysannes célèbrent aujourd’hui la possibilité d’avoir et de construire un environnement sain, car l’exploitation minière aurait été le coup de grâce pour les écosystèmes de la zone nord d’El Salvador », a déclaré au Programme des Amériques, Alejandro Labrador, représentant des communautés au sein de la Mesa Nacional Frente a la Minería Metálica (Table nationale face à l’exploitation minière des métaux), organisation qui accompagne depuis longtemps la lutte paysanne.

La loi, qui ne comporte que 11 articles, interdit l’exploration et l’exploitation par des entreprises nationales ou étrangères ou par des personnes qui pratiquaient l’extraction de métaux dans le pays. Elle interdit en outre l’usage de substances toxiques qui mettent en danger la santé des communautés paysannes et de l’environnement.

« Pour nous qui avons travaillé à ce que la loi soit approuvée, c’est un événement extrêmement important car cela touche à la protection de la vie. Les communautés paysannes en sont les principales bénéficiaires car désormais les conditions sont réunies pour éviter plus de dommages à la vie et à l’environnement », explique Saúl Baños de la Fondation des études pour l’application du droit (FESPAD) qui a travaillé en étroite collaboration avec la Mesa Frente a la Minería.

La pression sur le parlement salvadorien pour qu’il vote la loi a été très forte. Au cours des premières semaines du mois de mars, l’Église catholique s’est jointe à la lutte des paysans ; l’évêque de San Salvador, José Luis Escobar Alas, avec ses évêques auxiliaires et d’autres religieux se sont présentés devant les députés pour leur remettre un document avec 30 000 signatures dans lequel ils exposaient la nécessité de voter la loi.

Maintenant, explique Saúl Baños, le gouvernement doit créer les conditions pour que cette loi commence à porter ses fruits. Les ministères de l’environnement et de l’économie sont chargés des décrets d’application de la loi et les organisations paysannes et sociales seront les garants de la mise en œuvre des conditions puis de l’application de la loi.

L’entreprise canadienne Pacific Rim qui effectuait déjà des travaux d’exploration en El Salvador devra fermer boutique, cesser ses opérations et démonter ses installations. Elle devra en outre réparer les dommages causés à l’environnement par ses opérations et payer aussi une dette millionaire à l’État d’El Salvador après avoir perdu un procès à la Cour internationale, en raison du non-respect des normes exigées par El Salvador sur ses chantiers.

Un chemin difficile

Après la fin de la guerre dans le pays, au début des années 90, les paysans ont commencé à repeupler les zones qui avaient été des zones de conflits entre la guérilla et l’armée salvadorienne, au nord de San Salvador.

En 2005, les paysans organisés ont constaté la présence d’entreprises qui cherchaient à initier des explorations pour l’extraction de métaux dans cette zone. Ils se sont renseignés rapidement et ont cherché le soutien d’organisations de défense de l’environnement nationales et internationales.

« Les bénéfices qu’apporteraient les entreprises seraient bien inférieurs aux dommages causés à l’environnement et aux communautés, l’Amérique centrale est vulnérable face au changement climatique. Les entreprises qui cherchaient à exploiter les réserves minières n’ont jamais démontré leur capacité technique à protéger l’environnement, il a été prouvé qu’elles n’apporteraient aucun type de développement durable dans les communautés », explique Labrador.

Une année plus tôt, dans le département de Cabañas, avait été fondé le Comité environnemental pour la défense de l’eau et la culture, sur les lieux mêmes où l’entreprise canadienne Pacific Rim avait déjà entrepris des explorations et noué des alliances avec les mairies et d’autres entreprises pour bénéficier d’appuis et accroître sa présence.

« En 2012, le ministère de l’environnement a conclu que les fleuves de cette zone étaient dans des conditions désastreuses, qu’aucun n’avait une qualité d’eau excellente et que rendre ces eaux potables serait extrêmement coûteux », déclare Alejandro Labrador.

De 2005 à 2017, cinq activistes, membres d’organisations environnementalistes et paysannes ont été assassinés. L’événement le plus triste a eu lieu en 2009 quand, au cours d’une embuscade, ont été assassinés par des hommes armés Ramiro Rivera, Felicita Echeverría et une enfant de 13 ans.

Pour Saúl Baños, de la FESPAD, la loi est aussi un hommage rendu à ces victimes qui sont mortes en défendant les communautés paysannes qui s’efforçaient de protéger leurs terres et les ressources naturelles de la zone.

En octobre 2014, les habitants du village de San José las Flores, dans le Chalatenango, ont voté en faveur de l’élaboration d’une loi locale pour interdire l’exploitation minière des métaux dans cette zone. L’initiative a été soutenue par la mairie, par des organisations locales et nationales, ainsi que par des organisations internationales.

Cela a constitué une avancée importante et a encouragé davantage les organisations à continuer la lutte et à la porter jusqu’au congrès pour que soit approuvée une loi nationale.

La surprise pour beaucoup a été que l’Église catholique se joigne à la lutte contre l’exploitation minière. Quelques semaines auparavant que la loi ne soit votée, la curie catholique organisa une manifestation imposante jusqu’au parlement pour exiger des députés qu’ils votent la loi.

La dette de Pacific Rim envers l’État d’El Salvador

En octobre 2016, le Centre international pour le règlement des différends relatifs à des investissements (CIRDI) a tranché en faveur de l’État salvadorien contre l’entreprise canadienne Pacific Rim, dans un litige qui durait depuis plus de sept ans.

Selon ce qui a été déterminé par le procès, l’entreprise qui se livrait à l’exploitation minière en El Salvador n’a pas respecté les conditions légales du pays concernant la protection de l’environnement et des ressources naturelles.

En mars dernier, le CIRDI a en outre ordonné à l’entreprise le paiement de sa dette, soit 8 millions de dollars, plus 2% d’intérêts annuels sur le montant dû à l’État salvadorien qu’elle n’a encore pas commencé à payer.

Durant le procès, Pacific Rim a tenté de déposer plainte contre l’État d’El Salvador, associée à une demande d’indemnisation pour un montant de 315 millions de dollars, arguant que l’État n’avait pas respecté les conditions établies pour les investissements étrangers et l’exploration des mines de métaux, entraînant pour l’entreprise des pertes de plusieurs millions de dollars.

« Une fois gagné le dernier procès, les conditions étaient réunies pour mener le débat sur l’interdiction légale de l’exploitation minière. L’interdiction de facto ou les actions entreprises jusque-là interdisaient seulement les projets miniers. L’Église catholique s’est engagée auprès de la population et cela aussi a constitué une aide importante », résume Alejandro Salvador.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3415.
 Traduction de Françoise Couëdel pour Dial.
 Source (espagnol) : Programa de las Américas, 21 avril 2017.

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