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HONDURAS - Les États-Unis et le retour des migrants

Javier Suazo

lundi 20 novembre 2017, par Françoise Couëdel

Tegucigalpa, District central, 15 novembre 2017.

Le président Donald Trump maintient sa promesse d’expulser des États-Unis celles et ceux qui ont émigré vers le pays du nord pour fuir la violence et la pauvreté qui, comme c’est le cas de la majeure partie des pays d’Amérique centrale, sont depuis longtemps des problèmes structurels.

Un des engagements qu’il veut mettre à exécution prochainement est l’expulsion de près de 70 000 jeunes citoyennes et citoyens des pays latino-américains qui jouissent de la protection de l’Action différée pour les arrivés d’enfance (DACA), créée en 2012, et qu’il a annulée. L’annulation du Statut de protection temporaire (TPS) est aussi une mesure récemment prise à l’encontre des citoyennes et citoyens d’Amérique centrale, qui touche tout particulièrement le Nicaragua et le Honduras. En ce qui concerne ce dernier, le TPS est désormais limité à 6 mois et non 18 comme c’était la règle précédemment.

La préoccupation des organisations qui défendent les droits des migrants vivant aux États-Unis et ceux d’Amérique centrale est évidente, de même que leur combat pour rétablir ce régime de protection dans les plus brefs délais (avant son expiration). Une de leurs stratégies est la pression qu’ils exercent sur le Congrès pour arrêter Trump dans sa croisade, mais aux yeux du Président c’est une politique d’État qui ne peut s’inverser, et les gouvernements des pays concernés sont priés de se préparer à recevoir les expulsés dans les meilleures conditions possibles.

Après la crise économique internationale de 2008, la région de l’Amérique centrale dans son ensemble a fait face à une vague de migration, surtout d’enfants, seuls ou accompagnés par leurs mères. La réponse du Président Obama avait été le soutien aux familles pour qu’elles retournent dans leurs pays d’origine, particulièrement les enfants, tant que n’étaient pas réunies les garanties nécessaires pour héberger ces populations. Aux États-Unis des mesures ont été prises pour protéger la frontière, renvoyer les migrants vers leurs pays d’origine et les aider à se réinsérer dans la vie économique et sociale de leurs régions, communes ou villes d’origine.

Cette crise était liée à une autre de plus grande envergure : la crise de la démocratie, menacée par le narcotrafic et la violence manifeste dans la région, ce qui a incité les États-Unis à approuver le Plan de l’alliance pour la prospérité des pays du Triangle nord qui comprend le Guatemala, le Salvador, et le Honduras. En outre, ces mêmes pays ont pris en interne, diverses mesures pour faciliter le retour des migrants, et mis en place une nouvelle législation dans ce domaine.

Dans le cas particulier du Honduras, on relève l’approbation du Décret n° 106-2013 du 15 février 2014, qui établit la Loi de protection des Honduriens migrants et leurs familles, complétée par l’Accord n° 001 DGACPM-2015 d’avril 2016, relatif aux modalités d’application de cette loi. Dans ce cadre, il s’agit désormais d’institutionnaliser la prise en charge des migrants, en conformité avec la Direction générale de protection du migrant hondurien, le Bureau d’assistance au migrant revenant (OFAMIR) et le Conseil national pour la protection du migrant hondurien (CONAPROHM).

« L’organisation internationale pour les migrations (OIM) a ouvert, dans deux communes honduriennes, le Guichet d’information sur la migration, une initiative qui vise à informer de leurs droits fondamentaux les personnes migrantes ou revenantes. L’initiative s’inscrit dans le programme régional pour renforcer la protection et l’assistance aux migrants en Amérique centrale et elle est financée par le Département d’État des États-Unis ».

Un Fonds de solidarité en faveur des migrants honduriens a également été créé (FOSMIH), d’un montant maximum de 5 millions de dollars, financé par le différentiel de l’achat et la vente de devises qui bénéficie à la Banque centrale du Honduras. Ces fonds financeront le rapatriement des corps de Honduriens décédés à l’extérieur, des Honduriens en précarité économique et sociale, à la demande des Consulats, et le fonctionnement des Centres d’attention aux migrants rentrés au pays.

Autant les institutions que le Fonds ont révélé des dysfonctionnements. D’une part, on ignore les règles de fonctionnement du fonds et le montant des ressources qu’il gère actuellement, y compris celles qui ont été transférées, produit de la liquidation du Fonds social du migrant hondurien (FOSOMIH). D’autre part, les migrants se plaignent de l’absence de stratégie efficace pour mettre en œuvre des projets de développement et d’insertion dans le marché du travail de façon durable, raison pour laquelle l’option de traverser la frontière demeure, avec tous les risques qu’elle implique. La solution est viable quand on réintègre les migrants dans les quartiers et les communautés d’où ils sont issus mais un élément est à prendre en compte : la présence des maras [1] et le recrutement de nouveaux membres, y compris de jeunes garçons et filles.

D’autre part, les sommes allouées par les États-Unis pour soutenir l’Alliance pour la prospérité du Triangle nord n’ont toujours pas été versées, raison pour laquelle les ressources sont inexistantes pour combattre la violence par des programmes et des projets de développement productif dont les principaux bénéficiaires seraient les migrants revenants ou ceux qui envisagent de quitter le pays en raison de leurs conditions de vie désastreuses.

Il ne fait aucun doute que les plus grands bénéficiaires de cette politique du retour du migrant à tout prix sont les États-Unis car, pour ce qui est du Honduras, entre 2013 et mars 2017, un total de 135 916 migrants, parmi lesquels plus de 50% sont des hommes, les autres des femmes et des enfants, sont rentrés au pays. Le manque de garantie d’aide aux migrants et l’absence de volonté politique pour assurer leur réinsertion au sein de la société hondurienne explique que repartir devienne une nécessité.

Ce manque de volonté politique est évident si on relève : le faible investissement public que le gouvernement de la République du Honduras destine à soutenir la création d’emplois durables et de qualité dans des secteurs tels que celui de l’agroalimentaire, le secteur forestier, ou de la construction et la création de PMI, dans lesquels il existe un potentiel important ; également, le bas niveau d’investissements étrangers directs (IED), même si, selon le président Juan Orlando Hernández (JOH), nous redevenons un des pays les plus sûrs de la région centraméricaine et selon le FMI un des plus stables du point de vue économique et financier (grâce à un ajustement néolibéral).

Les migrants et les organisations ont une lueur d’espoir, car ils espèrent que le nouveau gouvernement du Honduras [2] définira des politiques claires de développement du pays alors qu’aux États-Unis les organisations estiment que les décisions du président Trump sont appelées à se durcir dans les années à venir.


Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://www.alainet.org/es/articulo/189245.

responsabilite


[1Bandes armées – NdT.

[2Le mandat du président actuel, Juan Orlando Hernández, d’une durée de quatre ans, se termine le 27 janvier 2018, quand le vainqueur des élections de novembre 2017 entrera en fonctions. JOH a annoncé qu’il briguerait sa réélection en 2017 – NdT.

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