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BOLIVIE - Les querelles des cavaliers de l’Apocalypse

Ollantay Itzamná

samedi 1er février 2020, mis en ligne par Françoise Couëdel

Lundi 27 janvier 2020.

Il était une fois un pays vilipendé et appauvri (par presque deux siècles de République en déroute), qui grâce à l’action/au sacrifice presque « miraculeux » de ses mouvements sociaux remarquables a recouvré sa dignité et a progressivement atteint une croissance économique au-dessus de 4% annuels (quand ses voisins atteignaient à peine une moyenne de 2%) et pendant plus d’une décennie continue.

Il a atteint une stabilité politique inédite. Il est parvenu à être reconnu et étudié comme un phénomène ou un miracle économique régional. Tandis que, dans le monde, des millions de personnes de la classe moyenne tombaient dans la pauvreté, à cette même époque, presque 3 millions de Boliviens sortaient de la pauvreté … Le pays cessait d’être habité par des analphabètes et des mendiants.

Grâce à des actions concrètes et symboliques, le pays est devenu un modèle de « développement inclusif » pour la région et pour le monde.

Mais, quatre cavaliers de l’« Apocalypse bolivienne » (Camacho, Mesa, Albarracín et Pumari), en subjuguant une jeunesse naïve et une classe moyenne traditionnelle avide, ont réussi à réaliser ce coup d’État civique-chrétien-militaire contre ce remarquable processus bolivien et en quelques mois ont fait de la Bolivie le pays de la honte.

Ils ont convaincu la grande majorité des Boliviens, grâce aux réseaux sociaux et aux moyens corporatifs, de ce qu’« Evo Morales tentait de s’éterniser au pouvoir par une fraude électorale… » et de ce que « c’était Dieu qui les avait envoyés pour renverser Evo Morales et restaurer la démocratie et la République bolivienne »…

Ils ont réussi le coup d’État, ont instauré un gouvernement de facto qu’ils ont appelé de « transition » pour qu’il « convoque des élections générales, libres et transparentes ». Ils ont incarcéré les principaux magistrats de l’Organe électoral antérieur sans fournir aucune preuve d’une fraude électorale supposée. Mais, une fois constitué le nouvel Organe électoral, présidé ni plus ni moins que par le délégué de confiance désigné par Jeanine Áñez, cette dernière s’est autoproclamée officiellement Présidente et candidate à la présidence aux prochaines élections générales du 3 mai.

Avec ce coup d’État ils ont humilié la Bolivie au niveau international. Ils ont massacré 36 Indiens qui résistaient contre le coup d’État, les accusant d’être des terroristes (sans aucune preuve). Ils poursuivent et criminalisent des centaines de dirigeants sociaux et / ou du Mouvement vers le socialisme (MAS). Ils ont fermé près 60 radios communautaires (les accusant de sédition). Ils ont placé les membres de leurs familles et leurs amis aux postes clés de l’État et dans les entreprises publiques. Ils ont supprimé les subventions de l’État assignées aux secteurs marginaux. Tout cela au nom de la « restauration de la démocratie » ! Le plus honteux est que des intellectuels, des écrivains, des académiciens, disent même que, en Bolivie, il n’y a pas eu de coup d’État !

Luis Camacho a avoué que c’était son père qui avait négocié avec la police et l’armée pour renverser Evo Morales. Deux ex-présidents du pays affirment que « maintenant que la présidente transitoire a officialisé sa candidature à la présidence pour le 3 mai, personne au monde ne croira qu’il y a eu un coup d’État ».

Dans ce contexte, au-delà des différends concernant le récit des évènements du 10 N récent, la Bolivie vit un séisme politique similaire à celui du début du siècle présent. Occasionné celui-ci par une bataille sans vergogne entre les putschistes en fonction dans le gouvernement de facto qui plonge les boliviens dans l’angoisse et l’expectative. Peut-être la différence est-elle que, maintenant, il existe une structure socio-politique, MAS-IPSP (Mouvement vers le socialisme – Instrument politique de la souveraineté des peuples) qui freine ou limite la colère sociale avec la promesse de « nous allons les battre à nouveau dans les urnes », ce qui évite la convulsion sociale permet de se remettre du coup d’État.

Personne ne sait avec certitude ce que sera le destin de la Bolivie ni ne peut présager de ce qu’il sera dans un futur proche. La seule chose certaine est que l’usurpatrice n’abandonnera pas facilement le pouvoir, ni de bon gré, ni par les urnes. Encore moins maintenant que, grâce au magistrat qu’elle a désigné (Salvador Romero, président de l’Organe électoral), elle contrôle tout l’Organe électoral plurinational de Bolivie.

Souvenez-vous qu’elle a reçu l’écharpe présidentielle de la main du chef de l’armée pour terminer le mandat constitutionnel. Cette période a pris fin le 22 janvier passé mais la présidente auto-proclamée, loin d’accélérer sa sortie du pouvoir, « s’accroche » au siège présidentiel. Et, pour « s’attaquer à la campagne électorale », réorganise tout son cabinet ministériel pour en faire son équipe de campagne, et cela, avec l’argent public.

Les cavaliers de l’« Apocalypse bolivienne », maintenant exclus par l’usurpatrice en exercice, n’ont pas beaucoup d’options : soit ils s’allient, soit ils persistent à présenter séparément à l’élection présidentielle leurs candidatures dévaluées, ou bien abandonnent le processus électoral… Malheureusement, l’opportunité pour le MAS dépend encore de la faiblesse des putschistes…


Ollantay Itzamná est un défenseur latino-américain des droits de la Terre Mère et des droits humains

Traduction française : Françoise Couëdel

Source (espagnol) : https://ollantayitzamna.com/2020/01/27/bolivia-bajo-el-trifulca-de-los-jinetes-del-apocalipsis/.

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