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AMÉRIQUE CENTRALE - Le laboratoire de l’Empire

Fabio Luis Barbosa Dos Santos

jeudi 27 juillet 2023, mis en ligne par Françoise Couëdel

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27 mai 2023 - Il y a plus de 150 ans, les États-Unis se sont imposés comme puissance impériale en Amérique centrale. Aujourd’hui la région concentre en elle toutes les contradictions d’un empire à la dérive.

Tout au long du XXe siècle, l’Amérique centrale a été perçue comme un « laboratoire de l’empire » selon la formule de l’historien Greg Grandin. Les prémisses de son ambition ont fait que, entre la guerre contre le Mexique, la découverte de l’or en Californie et la présence de flibustiers tel que Wiliam Walker au Nicaragua, la région a souffert, avant toute autre, de l’impact de l’ expansionnisme états-unien. Avec l’accélération de l’industrialisation, après la Guerre de Sécession (1861-1865), les États-Unis ont intégré le monde impérialiste. L’intervention à Cuba, déguisée en guerre hispano-états-unienne (1898), et la scission avec Panama ensuite qui a été à l’origine du canal (1903-1904), ont laissé présager des interventions incessantes dans la région : c’est la « politique du gros bâton » qui s’était implantée et pour y rester.

Dès lors, en Amérique centrale ont été expérimentées des formes de domination politique et de dépendance économique qui se sont globalisées, orientant les relations des États-Unis avec le Tiers monde. En ce sens, on peut dire que la région a été à l’avant-garde de l’impérialisme. Cependant ces formes implacables de domination ont fait naître des formes radicales de rébellion : les révolutions sont devenues « inévitables », comme l’a écrit Walter La Feber. Et la contre-révolution, aussi. À la radicalité du défi guérillero a répondu un terrorisme d’État sans équivalent : à El Mozote (Salvador), à Rabinal (Guatemala) ou à Comalpa (Mexique), les Auschwitz se sont multipliés. L’Amérique centrale est ainsi devenue non seulement le laboratoire de l’empire mais sa caricature en Amérique latine, ce distinguant par ses atrocités sur le sous-continent.

Le terrorisme d’État en Amérique centrale a été l’épisode centre-américain de la contre-révolution pendant la Guerre froide. Tandis qu’en Amérique du sud les guérillas se calmaient dans les années 70, à quelques exceptions près, en Amérique centrale la lutte armée s’est prolongée. Comme si la région se battait désespérément pour échapper à un destin qui finirait par s’imposer. Entre la défaite de la réforme incarnée par le renversement de Jacobo Arbenz, au Guatemala en 1954, et la fin de la révolution marquée par la mort du sandinisme dans les urnes en 1990, tout l’horizon s’est assombri : celui de la possibilité de faire de ces peuples de vraies nations. Car entre la période de William Walker et celle de Ronald Reagan, au sein du système capitaliste, un changement brutal s’est opéré qui conditionne encore le présent de la région. La domination impérialiste, ainsi que la résistance qu’elle a engendrée depuis le dix neuvième siècle a eu pour toile de fond un système capitaliste en expansion sur lequel s’est construit le pouvoir des États-Unis

Mais dans le dernier quart du XXe siècle cette dynamique a changé. Depuis lors, le système fait face à une crise structurelle qui s’exprime par l’impossibilité de reprendre les cycles de forte accumulation. La financiarisation et l’extractivisme sont les réponses diverses à la même crise : dans le premier cas on anticipe la valeur future ; dans le second le caractère déprédateur du système s’intensifie.

Si la domination impériale en Amérique centrale s’est implantée et a évolué dans le cadre de l’expansion du système capitaliste, que se passe-t-il quand le système imposé par l’Empire n’offre plus aucune promesse de civilisation ? Que reste-t-il alors que le développement auquel aspirait des personnalités comme Arbenz a perdu son importance historique, alors que la révolution ne fait plus partie de l’agenda ? Que signifie parler d’impérialisme dans un monde où le capitalisme ne s’étend plus et où l’empire est sur la défensive.

Attirance et répulsion

Au vingtième siècle, les États-Unis et leurs entreprises ont pillé les richesses de la région. La United Fruit company a été le symbole de cette réalité. Au XXIe siècle, cette situation n’a pas totalement changé mais il existe d’autres éléments qui la rendent plus complexe. Il est maintenant fréquent qu’il soit difficile de connaître la nationalité d’une entreprise minière ou agro-industrielle où se mêlent les acteurs transnationaux et les nationaux. En même temps les traités de libre commerce restreignent encore davantage la souveraineté limitée des États nationaux.

En 1952, le gouvernement d’Arbenz a lancé une réforme agraire qui menaçait les affaires de la United fruit. Celle-ci a du conspirer pour la contrecarrer. En 2017, le Salvador est devenu le premier pays du monde à interdire l’exploitation minière à ciel ouvert, après une lutte communautaire qui a connu un retentissement national. L’entreprise mise en cause n’a pas menacé le gouvernement mais a condamné l’État. Certes, la plainte a été déposée à Washington car l’entreprise en question étant étasunienne. Mais il s’est agit de toute une architecture juridique conçue pour défendre le capital transnational avant tout intérêt national. Pacific Rim Cayman a exigé de l’État salvadorien une indemnisation de 250 millions de dollars pour la perte de bénéfices potentiels. La plainte a été déposée devant le Centre international d’Enregistrement de contentieux concernant les investissements de la Banque mondiale à Washington, devant laquelle le Salvador – selon une clause du Traité de libre commerce de l’Amérique centrale (CFTA) – est dans l’obligation de répondre.

En résumé, l’État salvadorien a du défendre, devant un tribunal de la Banque mondiale, son droit à refuser le permis d’exploitation d’une mine à une entreprise qui avait prouvé son incapacité à respecter les obligations légales pour le faire, en déboursant 12 millions de dollars pour le procès. Grâce à un jugement inhabituel l’État salvadorien a gagné son procès. Mais il existe d’autres procès similaires en cours, intentés par des entreprises énergétiques (comme la TECO, états-unienne, qui est en procès avec le Guatemala) ou des banques (comme HSBC britannique qui a déposé plainte contre le Salvador). Le coût élevé de ces procès internationaux pénalise les États d’Amérique centrale, sans compter les indemnisations exorbitantes exigées.

Les traités internationaux ne remplacent pas les canons mais leur pouvoir d’intimidation est comparable. Dans la pratique c’est une violation de la souveraineté par des moyens différents. Les TLC ont dynamisé l’industrie maquiladora [1] qui, comme nous le savons, base sa rentabilité sur l’exploitation de la main d’ œuvre bon marché et est très faiblement contrôlée. À son tour la création de zones économiques réservées a radicalisé la logique des plantations bananières du passé, en les transformant en enclaves économiques qui contribuent peu aux revenus de l’État et ne génèrent pas de chaînes de valeurs dans l’espace national. Dans les zones rurales, comme cela a été le cas au Mexique avec le Traité de libre commerce de l’Amérique du nord (TLCAN), l’agriculture familiale et communautaire s’en est trouvée gravement affectée. La région importe de plus en plus d’aliments (jusqu’au maïs des tortillas). Entre la surexploitation par les maquilas et l’endettement du secteur rural, vivre de son travail est de plus en plus difficile.

Le résultat est que le principal « produit d’exportation » du Guatemala, du Honduras et du Salvador (et de plus en plus du Nicaragua) ce sont les personnes. La migration de plus en plus nécessaire, est devenue une autre source de commerce qui exploite la misère. D’un côté elle représente une soupape aux tensions sociales nationales. De l’autre les émigrants contribuent par leurs remesas (envois d’argent) nécessaires à l’équilibre d’économies de plus en plus déficitaires.

Dans l’actualité, le volume des remesas au Guatemala est presque équivalent à celui des exportations du pays et représente presque le cinquième du PIB. Le Honduras et le Salvador sont dans une situation similaire. Si au XXe siècle l’élite centre-américaine servait à l’empire pour se maintenir au pouvoir, au XXIe siècle les centre-américains moyens travaillent pour l’empire, pour survivre, tout court.

Il est choquant de constater que même la violence extraordinaire engendrée par le terrorisme d’État pendant la Guerre froide et par la contre-révolution au Nicaragua n’avait pas expulsé les gens de cette façon et à une telle échelle. Il est difficile d’imaginer un témoignage plus éloquent du pouvoir corrosif du néolibéralisme, qui dans ce cas s’est accompagné des accords de paix. Du point de vue du peuple, la paix a été une continuation de la guerre mais avec d’autres moyens. Le néolibéralisme et la globalisation incarnés par les TLC ont détruit le tissu social tant en ville qu’à la campagne. Mais il a aussi crée des comportements individualistes, des rivalités. En même temps le désenchantement après les promesses de paix a jeté le discrédit sur la politique comme voie de changement social.

Le phénomène migratoire nous montre une jeunesse qui se mobilise pour changer complètement de vie. Au Guatemala chaque jour quelques 300 jeunes abandonnent le pays pour partir vers le nord. Si pendant la Guerre froide les jeunes s’engageaient massivement dans une démarche politique – qui pouvait prendre la forme de syndicat, de parti ou de guérilla – aujourd’hui leur malaise les oriente selon un choix individuel et une sorte de défi qui est celui de l’émigration. Les jeunes qui dans le passé ont lutté pour changer leur pays luttent maintenant pour changer de pays.

Comment une lutte anti-impérialiste peut-elle s’organiser quand l’empire est l’objet du désir ? Quand l’ambition qui pousse les jeunes est celle de s’intégrer dans l’empire, même si c’est dans une position de subordination, au lieu de le combattre ? L’objectif est-il de s’intégrer plutôt que de se libérer ? Et, dans le cas de ceux qui restent, comment critiquer un pays d’où parviennent les remesas pour une famille qui sans elles n’aurait aucune aide ? Il est vrai que ce désir est très ambigu et s’accompagne aussi de nombreux sentiments d’impuissance, de privations et d’humiliations inhérentes au racisme. Sans oublier la nostalgie. Mais, en règle générale, ce qui domine est le désir d’intégration, qui fait office même de stratégie de défense face aux humiliations pour ceux qui se sentent abandonnés.

Ce désir s’accompagne aussi de l’adoption des valeurs de l’empire connues globalement par le biais de l’industrie culturelle. De là l’intérêt de Nayib Bukele pour la légalisation du vote de la diaspora salvadorienne qui n’éprouve pas la violence domestique dans sa chair mais qui se sent fière de ceux qui ont fait figurer leur pays sur la carte, même si la dictature cool ou le bitcoin comme signes de modernité mériterait d’être remis en question.

Accélération et retenue

Attirance et rejet se conjuguent de manière intéressée dans la relation des États-Unis avec l’Amérique centrale. Là il n’est pas question de victimes mais d’intérêts : le travail des migrants, les importations des maquilas, le pillage des richesses naturelles et la consommation de drogues sont également de bonnes affaires pour l’empire. L’ambivalence des États-Unis envers l’Amérique centrale est structurelle. Et en conséquence influence sa politique.

Les États-Unis ont soutenu le coup d’État qui a renversé Manuel Zelaya en 2009, au Honduras, pour conjurer le fantôme du bolivarisme dans la région, incarné par un président libéral qui manifestait son attirance pour l’ALBA et les changements constitutionnels qui ouvriraient la voie à la refondation du pays. À l’inverse le coup d’État a crée les conditions pour que la narco-politique s’empare de l’État. Sous la gouverne de Juan Orlando Hernández, le Honduras est devenu un territoire de trafic de drogue et un exportateur massif de migrants.

Pour cette raison, treize ans plus tard, les États-Unis ont vu d’un bon œil la victoire électorale de l’épouse de Zelaya, Xiomara Castro. L’espoir est que ce gouvernement mette en place des politiques sociales, limite le narcotrafic et la migration. Le narco-politicien, qui a dirigé le pays durant deux mandats après le coup d’État, est sur le point d’être arrêté aux États-Unis, comme cela a déjà été le cas de son frère, condamné à perpétuité. Également, des fonctionnaires proches de JOH, tel son bras droit Ebal Díaz, sont réfugiés dans le Nicaragua de Daniel Ortega, qui les protège de l’extradition. Dans cet anti-impérialisme à l’envers, la tyrannie de « gauche » protège les narco-criminels de « droite » de la justice états-unienne.

En même temps, le gouvernement de Xiomara Castro cherche un soutien international – c’est à dire des États-Unis – pour créer une commission d’enquête analogue à la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), désormais close. Comme ce fut le cas, au Guatemala, l’objectif est de créer un organisme avec le soutien de L’ONU, capable d’agir avec isonomie face à la corruption qui atteint le pouvoir judiciaire. L’objectif est de démanteler cet État parallèle que constituent les liens entre les entreprises, la délinquance et la politique. Le progressisme hondurien cherche un soutien international pour poursuivre les criminels que l’anti-impérialisme orteguiste protège.

Pillage et conservation

Une ambivalence comparable entoure le travail des Organisations non gouvernementales (ONG) et la coopération internationale. Dans les pays où le financement social par l’État est minime et la philanthropie aussi, la résistance sociale dépend en grande part de la coopération internationale. Mais avec des inégalités tragiques : alors qu’au Guatemala les États-Unis collaborent à l’élaboration de la mémoire du terrorisme d’État dont ils ont été responsables, au Salvador, pays où ils ont réprimé les tentatives de démocratisation venant de la base, ils soutiennent maintenant la résistance à l’autoritarisme hérité d’un passé mutilé.

En dépit de ces contradictions, les consultations et les initiatives des mouvements populaires les plus combatifs de la région comptent souvent sur le soutien de la coopération internationale. Il en est de même avec le meilleur journalisme d’investigation indépendant qui remplit une fonction citoyenne cruciale. Cette situation créé des frictions avec les gouvernements. Le cas extrême est celui de l’orteguisme qui, en 2022, a supprimé la personnalité juridique à plus de 900 organisations de la société civile. Les entités affectées vont des associations médicales à la fondation des frères mythiques Mejía Godoy, interprètes du chant révolutionnaire de 1979.

Cette même année, le président maffieux du Guatemala a menacé d’expulser la USAID, accusée de « promouvoir l’indigénisme » dans le pays et de conspirer pour implanter un État plurinational « comme au Chili ». Bizarrement, un autre État plurinational a expulsé la USAID : la Bolivie en 2013. Alors que la USAID était accusée d’indigénisme au Guatemala, la Presse communautaire du pays, combative, publiait un message qui rappelait que l’ex-président Jacobo Arbenz avait été renversé avec le soutien de la CIA en 1954. Message auquel a répliqué à son tour le voisin Bukele au Salvador, une sorte de mise en scène de l’autonomie qui, comme toute sa politique, s’appuyait sur la désinformation. Plus au sud, Ortega insiste sur le discours anti-impérialiste, alors que les deux tiers du commerce extérieur du Nicaragua se font avec les États-Unis, alors que le FMI n’a jamais déçu le régime. Indépendamment de la manière de décrire ces régimes, la désinformation ne les différencie pas les uns des autres.

Réforme et barbarie

Le drame de l’Amérique centrale est que son exclusion de la compétitivité capitaliste ne la libère pas du système. Au contraire, dans une région qui a peu de valeur à offrir mais où la reproduction de la vie est arbitrée par l’argent, la course à l’enrichissement se déchaîne avec une grande violence. Face à l’extractivisme qui expulse les populations de leurs territoires, les organisations du Honduras défendent le droit pour les populations à rester chez eux. Leurs compatriotes réclament la possibilité d’émigrer, le droit de quitter le pays. Mais les centre-américains ne semblent avoir aucune de ces deux alternatives. Sans pouvoir rester dans leur pays et sans pouvoir le quitter, quelle est leur place au XXIe siècle ?

Dans un monde où d’autres mondes n’ont pas leur place, la politique impériale s’inquiète de plus en plus de devoir sauver les siens. Incapable de recréer la mission civilisatrice de l’époque de Kipling – quand la mission de l’homme blanc supposait de forger un monde à son image et qui lui ressemblait (mais aussi à son service) – se limitait à défendre ses propres intérêts. Face au délabrement de la sociabilité bourgeoise à l’échelle mondiale, l’empire n’a pas d’autre alternative que de construire des murs. Et il lui reste peu d’ennemis à combattre si ce n’est la drogue et le « terrorisme », à combattre dans une lutte sans début, ni milieu ni fin.

Dans ce contexte, la politique des États-Unis envers l’Amérique centrale ne s’occupe plus des marchés ni de la révolution mais des drogues et de l’immigration. Les deux supposent le contrôle des corps et la militarisation des espaces : si l’Amérique centrale continue à être un laboratoire, il n’est que celui de cette nécro-politique en mouvement. De la main droite il s’agit de la tactique de la punition qui construit des murs et remplit les prisons. De la main gauche il s’agit de soustraire les jeunes à la tentation de migrer et de sombrer dans la drogue pour qu’ils soient moins dangereux. Dans une région invivable, en terme de hiérarchie de valeurs, les relations avec les États-Unis ne peuvent être qu’ambiguës.

Dans le meilleur des cas la politique étasunienne prétend sauver le monde des blancs à l’échelle globale. Cela signifie préserver la carapace libérale dans un monde de moins en moins libéral. De là le paradoxe en Amérique centrale, où il est possible d’assister à une coopération internationale aux côtés des « bons » dans le bang bang régional. La lutte contre la corruption, la politique anti-drogue, la liberté de la presse, la pensée critique, la militance écologiste, l’indigénisme et même les droits humains sont les valeurs qui s’inscrivent à l’agenda libéral de sauver leur propre monde. Sauver le monde des blancs au niveau global, en définitive, signifie défendre les institutions et les valeurs libérales que la dynamique même du néolibéralisme dégrade. Cela explique l’ambivalence permanente des États-Unis qui ne peuvent éviter la dégradation inhérente à cette forme sociale qu’ils prétendent en même temps préserver (après tout leur royaume est en ce monde).

Cette dynamique corrosive fluctue entre l’accélération de la crise (comme cela fut le cas sous le mandat de Trump) et les tentatives de la contrôler, entre la subversion – pour le pire – des valeurs libérales et leur défense anachronique. Dans un monde où la subversion est incarnée par la droite, les libéraux souvent s’accordent avec la gauche pour défendre ce qui reste de la sociabilité d’autrefois.

Et c’est sur le bras international de cette politique de retenue que s’appuient les diverses causes démocratiques centre-américaines. Les États-Unis qui ont annulé la réforme agraire d’Arbenz, ont soutenu il y a quelques années un projet de réforme agraire intégrale au Guatemala, que le Congrès a finalement annulé. L’élection même de Xiomara Castro peut être vue à la lumière de cette dynamique : l’accélération de la crise sous Juan Orlando Hernández exigeait ce blocage. Ainsi, le département d’État lui même, qui a soutenu le coup d’État en 2009, a accueilli Xiomara Castro treize ans plus tard. Dans un contexte où Giammattei, Bukele et Ortega – bien que pour des motifs divers – ont des relations tendues avec les États-Unis, le gouvernement de gauche du Honduras devient un allié possible dans la région.

La crise systémique du capital érode le tissu social, l’environnement et les valeurs libérales à des rythmes et des niveaux différents selon la situation de chaque pays au sein du système global. Et en Amérique centrale, dans une région en marge du système, se révèlent aujourd’hui les effets de cette corrosion à un haut niveau. Exclue d’un système totalisant qui n’admet pas les étrangers, l’anomie centraméricaine ne peut pas être isolée et elle pénètre au cœur de l’empire par ses pores, en adaptant sa politique en termes très différents de ceux employés dans le passé. C’est ainsi que la région qui a vécu un des chapitres les plus sanglants de la contre-révolution mondiale durant la Guerre froide vit maintenant un des chapitres les moins prometteurs du défi bourgeois : sauver son propre monde …ou en accélérer la fin.


Fabio Luis Barbosa Dos Santos est professeur dans le Département des relations internationales de l’Université fédérale de São Paulo.

Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : Jacobin América latina,
https://jacobinlat.com/2023/05/27/el-laboratorio-del-imperio-2/?mc_cid=02e284203c&mc_eid=d99d06a78b.

Ce texte a d’abord été écrit en portugais avant d’être traduit en espagnol par Florencia Oroz.

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[1Les maquiladoras sont des usines de montage qui assemblent, dans un pays tiers, en exemption de droits de douane, des biens destinés à être intégralement réexportés – Ndlt.

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