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DIAL 2785

VENEZUELA - Relance de la réforme agraire : « La lutte contre la grande propriété doit être effectuée dans le plein respect de la Constitution et des lois en vigueur. »

PROVEA

mercredi 16 février 2005, mis en ligne par Dial

Lundi 10 février, le président Hugo Chávez, dans le cadre d’une relance de la réforme agraire, a signé un décret qui donne aux gouverneurs régionaux un droit de regard sur les terres agraires dans leurs régions respectives. Quelques jours auparavant et avec l’appui de l’armée, le gouverneur de l’Etat de Cojedes avait procédé à une intervention dans le domaine El Charcote, propriété d’un groupe britannique depuis 1903. Ce domaine est le siège d’un conflit entre l’entreprise et des paysans qui l’occupent depuis quelques années.

Il faut rappeler qu’en novembre 2001 entrait en vigueur la Loi sur les terres et le développement rural, point de départ d’une crise aiguë qui, cumulée à d’autres facteurs, a abouti au coup d’Etat raté de février 2002. Actuellement, les grands propriétaires terriens possèdent 80% des terres du pays dont 42% des terres exploitées, le double qu’il y a quarante ans. Paradoxalement, le Venezuela doit importer plus de 70% de l’alimentation de base comme les céréales, l’huile et une grande partie de la viande consommée dans le pays. Par ailleurs, quelque 100 dirigeants paysans ont été assassinés dans le cadre des conflits de terre après l’entrée en vigueur de la loi de novembre 2001. Ci-dessous, nous publions un communiqué de presse du 25 janvier 2005 émis par l’organisation des droits humains PROVEA, qui, d’une part, salue la volonté politique de faire avancer la reforme agraire, et d’autre part, met en garde sur les dangers de polarisation de la société et de non-respect des lois.


Le Programme vénézuélien d’éducation et d’action pour les droits humains (PROVEA), face au débat déclenché dans le pays par l’application de mesures prises par l’Etat dans le cadre de la réforme agraire, fait connaître son point de vue dans les termes suivants :

1- Nous évaluons de manière positive la volonté politique exprimée par le gouvernement national et les gouverneurs des Etats, tant de l’alliance gouvernementale que de l’opposition, d’adopter des mesures orientées à combattre la grande propriété et à démocratiser la propriété de la terre, parce que cela est cohérent avec le droit à la terre et à la sécurité alimentaire. Considérant les antécédents d’extrême polarisation politique vécue ces dernières années, nous saluons l’accord entre le gouvernement et les secteurs de l’opposition sur la conception et l’exécution d’une politique publique aux dimensions nationales, entre autres choses.

2. Nous rappelons qu’une vieille aspiration des secteurs paysans pauvres est de bénéficier de l’attribution de terres pour travailler, car ils ont ainsi de plus grandes possibilités pour améliorer leurs conditions de vie. La démocratisation de la propriété de la terre peut être un pas important pour une modification de la structure économique et sociale agraire du pays.

3. Toutefois, cette distribution de terres ne suffit pas. Comme l’expérience l’a démontré, l’amélioration des conditions de vie de la population paysanne dépendra aussi de la garantie accordée aux bénéficiaires en matière d’assistance technique et de crédit pour que les terres reçues puissent devenir des unités de production. Il en va de même pour la satisfaction d’autres droits : santé, éducation, sécurité des citoyens, entre autres.

4. Nous affirmons que le processus de lutte contre la grande propriété doit se dérouler dans le cadre de l’Etat de droit. En ce sens, nous rejetons la possibilité que des organismes autres que ceux établis dans la Loi pour la terre et le développement agraire (LTDA), procèdent à l’affectation ou à des expropriations futures de terre agricole. Les gouverneurs peuvent promouvoir et faciliter les mesures qui relèvent de l’Institut national des terres (INTI). Ils peuvent donner un appui technique et faciliter l’organisation des producteurs et des paysans, mais ils ne peuvent pas attribuer des terres, ni remettre des titres de propriété, ni effectuer des expropriations, fonctions qui appartiennent uniquement et exclusivement à l’INTI.

5. L’Etat dans ses différentes instances et composantes, doit garantir à tous les propriétaires leurs droits à la propriété, aux procédures judiciaires et administratives justes et transparentes et le paiement d’une indemnisation juste en temps voulu au cas où il y aurait des mesures d’expropriation. De la même manière, dans le cas de terres inexploitées, ils doivent garantir aux propriétaires la remise des « Certificats de terre à améliorer » [1], comme il est établi à l’article 52 de la LTDA.

6. Le gouvernement national ne doit pas accorder des titres de propriété sur des terres privées si on n’effectue pas préalablement les procédures d’expropriation conformément à la Constitution et à la loi. Si, pour des raisons d’utilité publique ou d’intérêt général, l’exécutif national considère qu’une certaine surface de terre doit être expropriée, nous encourageons à le faire conformément à l’article 115 de la Constitution qui établit que « l’expropriation des terres agricoles pourra être effectuée seulement après la sentence définitive, et une compensation comprenant le paiement opportun d’une indemnisation juste ».

7. Nous considérons nécessaire que l’exécutif national et les gouverneurs promeuvent des instances où les divers secteurs intéressés puisent intervenir dans le processus de réforme agraire, ainsi que ceux qui pourraient être affectés par celle-ci. Ces instances doivent garantir la participation des organisations paysannes, des organisations de grands et moyens producteurs, des universités qui donnent des formations dans le secteur agricole, sans discrimination quelconque, en particulier, pour des raisons d’orientation politique. Plus grand sera le consensus dans l’élaboration et l’exécution des politiques concernant le secteur rural vénézuélien, plus grandes seront les chances de diminuer la violence politique et sociale et de transformer la structure agraire du pays.

8. Nous demandons au ministère public plus de rapidité dans les enquêtes sur les nombreux meurtres commis contre des militants ruraux. La punition des coupables de ces meurtres est indispensable pour créer en matière de justice des précédents qui découragent ceux qui considèrent que la violence est un instrument pour régler tout conflit ou différend.

Carlos Correa, Coordinateur général

Marie Isabel Bertone, Coordinatrice Education

Marino Alvarado, Coordinateur Actions en justice

Antonio J ; Gonzalez Plesmann, Coordinateur Recherche


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2785.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : PROVEA, 25 janvier 2005.

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[1Certificados de finca mejorable : certificat octroyé par l’Institut national de terres au propriétaire d’un domaine rural inexploité et par lequel il s’engage à améliorer et adapter son domaine aux consignes de la réforme agraire dans un délai de deux ans.

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