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DIAL 2534
PÉROU - Les femmes et la santé
Isidora Medina
samedi 16 février 2002, mis en ligne par
Cet article est écrit par une femme et traite des problèmes des femmes en matière de santé, ce dernier mot, utilisé dans un sens global, étant l’équivalent de ce qu’on pourrait sans doute appeler le bien-vivre. L’auteur, Isidora Medina, qui est infirmière, dresse un constat de la situation des femmes péruviennes en matière de “santé”, et fait un certain nombre de propositions concrètes en vue d’améliorer la situation. Cet article est paru dans Pastoral Andina n°139, juillet-août 2001(Cusco, Pérou).
La femme, depuis sa création, est à l’image de Dieu de même que l’homme. Aussi voulons-nous dans cet article exprimer le sentiment des femmes, les difficultés que nous avons, les problèmes que nous affrontons et les propositions que nous faisons pour que nous soyons écoutées dans la justice et l’égalité.
Pour partager les expériences de la femme avec la santé, nous valorisons, tout d’abord, notre culture, notre identité, nos coutumes et les croyances de nos ancêtres. Selon eux, pour être en bonne santé on fait le challasca, le quintusqha [1] et le paiement à la terre. En cas de maladie, on fait aussi le paiement à la Pachamama et à nos Apus [2] , pour qu’ils nous rendent la santé. La femme est en bons termes avec eux tous.
Nous voulons aussi dire que la femme est la personne qui se préoccupe de la santé et de l’alimentation de sa famille. Jour après jour, elle doit veiller à répondre à ce besoin, qui fait partie ou qui est à la base de la vie, parce que le développement humain en dépend.
Nous, en tant que femmes, nous considérons que la santé est la vie, bien que nous ne sachions pas vivre cette vie. Cela représente beaucoup de choses : notre Pachamama (la nature), nos coutumes, l’alimentation, l’habillement, l’éducation et le logement. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, nous ne pourrons pas vivre en bonne santé.
Beaucoup de problèmes sont en relation avec le thème de la santé. Depuis la violence familiale (physique et psychologique), qui est le fait de nos conjoints et de nos proches, jusqu’à celle exercée par les autorités locales, régionales, etc. Il y a de graves mauvais traitements contre les femmes, et lorsque nous avons recours à ceux qui doivent nous protéger, nous trouvons qu’ils ne s’occupent pas de nous comme il faut, aussi disons-nous qu’il est difficile de rompre le machisme dans lequel nous vivons.
Les soins et les services de santé qu’apporte le personnel dans les centres de soins et dans les hôpitaux sont lamentables, car si nous sommes mal habillées ou avec nos robes typiques, on ne nous soigne pas bien, nous sommes discriminées et nous devons attendre qu’ils aient soigné les autres. Si nous réclamons, nous sommes mal vues, insultées et même menacées. Ils ne respectent pas la personne telle qu’elle est. Mais il y a aussi des “professionnels” [3] qui nous soignent bien, qui méritent le titre qu’ils portent.
L’économie joue une part importante dans les soins de santé, car si on n’a pas suffisamment d’argent, il n’est pas possible d’avoir une consultation médicale. C’est ainsi parce qu’il faut payer la consultation, et à cela s’ajoute le prix des médicaments. En conséquence, il n’est pas toujours possible de suivre un traitement et notre santé se détériore de plus en plus.
La politique de santé instaurée par le gouvernement fujimoriste n’est pas satisfaisante, elle exclut les pauvres. Elle ne prend pas en compte le côté humain. Elle est mercantile (santé-marché). Sous le nom de Programmes de la femme ou de Planification familiale, la femme est traitée comme un objet, on ne respecte pas sa décision ou son opinion, on l’oblige à utiliser des méthodes de contraception. Pour toutes ces raisons, nous les femmes nous ne voulons pas aller dans les hôpitaux et nous avons recours à nos conseillers, accoucheurs, rebouteux, guérisseurs et autres, pour qu’ils nous soignent, nous traitent bien et nous considèrent comme des être humains.
C’est ainsi que nous montrons que la femme ne prend pas soin de sa santé et qu’on ne prend pas non plus soin d’elle puisque même si elle est malade elle doit continuer à s’occuper de ses enfants, à lutter contre la pauvreté, à s’occuper du bétail, des cultures, de la maison et participer aux réunions de son organisation.
La proposition que nous faisons est la suivante :
– Que la femme soit respectée comme une personne dès sa conception, pendant son enfance, son adolescence, sa jeunesse et à l’âge adulte, avec sa culture et sa réalité.
– Que les politiques de santé pour les femmes tiennent compte des régions et des réalités et qu’elles soient élaborées avec leurs organisations.
– Renforcer l’organisation des femmes pour rechercher la justice, le respect, l’égalité, etc.
– Que les programmes de formation soient adaptés aux régions.
– Que les programmes d’aide (Verre de lait, PRONAA, etc.) se fondent sur une étude sérieuse des besoins nutritionnels de nos enfants et qu’ils mettent en valeur nos produits.
– Que la participation de la femme dans les programmes de santé soit véritablement active.
– Que les femmes ne soient pas utilisées et que leur formation soit menée avec une haute valeur morale, en recherchant le bien commun.
– Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2534.
– Traduction Dial.
– Source (espagnol) : Pastoral Andina n°139, juillet-août 2001(Cusco, Pérou).
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteure, la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
[1] Le challasca et le quintusqha sont des rites quechuas (NdT).
[2] Les Apus sont des divinités protectrices (NdT).
[3] On appelle professionnels en Amérique latine les diplômés de l’enseignement supérieur, universitaire le plus souvent (NdT).