Accueil > Français > Dial, revue mensuelle en ligne > Archives > Années 2010-2019 > Année 2010 > Novembre 2010 > AMÉRIQUE LATINE-CHINE - Les dangers d’une relation nouvelle

DIAL 3126

AMÉRIQUE LATINE-CHINE - Les dangers d’une relation nouvelle

Daniela Estrada

mardi 2 novembre 2010, mis en ligne par Dial

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Cet texte de Daniela Estrada, publié le 2 septembre 2010 par IPS, propose une synthèse rapide des conclusions de quelques études récentes sur les relations commerciales en plein essor entre l’Asie – et notamment la Chine – et l’Amérique latine. Il en souligne les enjeux et les risques.


Le taux des exportations de l’Amérique latine et des Caraïbes va de nouveau augmenter cette année et, ceci, grâce, en particulier, à la demande chinoise. Mais l’actuel modèle « primaire » des envois peut dériver vers un schéma de dépendance vis-à-vis de ce géant et de la zone asiatique en général, selon le cri d’alarme lancé par la Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL).

« Il est clair que la relation commerciale entre notre région et la Chine peut évoluer vers un schéma centre – périphérie. Nous sommes fournisseurs de matières premières, sans valeur ajoutée, et ils nous renvoient des produits manufacturés. » a dit à IPS Claudia Casal, chercheuse au Centre d’études nationales de développement alternatif (CENDA – non gouvernemental) du Chili [1].

Claudia Casal a participé à l’étude Relations économiques et géopolitique entre la Chine et l’Amérique latine : alliance stratégique ou interdépendance asymétrique ? publiée en 2009 par le Réseau latino-américain de recherches sur les compagnies multinationales, qui regroupe des institutions de recherche sur le travail et des syndicats de sept pays de la région.

Ce thème est, précisément, mis en évidence dans le dernier rapport de la CEPAL à propos de l’insertion internationale de la région, qui a été présenté jeudi dernier à son siège de Santiago.

« La relation commerciale entre la région et l’Asie offre autant d’opportunités que de défis », indique ce document de 216 pages.

Il précise que, parmi les défis, « il est particulièrement important d’éviter que le commerce croissant entre les deux régions ne reproduise ni ne renforce un modèle de commerce de type centre – périphérie dans lequel l’Asie (et la Chine en particulier) apparaîtrait comme un nouveau centre et les pays de la région comme la nouvelle périphérie. »

Le Panorama de l’insertion internationale de l’Amérique latine et des Caraïbes 2009- 2010, réalisé par la CEPAL, prévoit que les exportations de la région augmenteront de 21,4% cette année, sous l’impulsion, principalement, de la vente de matières premières en provenance d’Amérique du Sud.

L’augmentation des envois, qui inverse la tendance de 2009, marquée par une chute de 22,6% par rapport à l’année antérieure, s’explique par la demande de l’Asie et en particulier de la Chine, indique l’étude annuelle de cette agence spécialisée qui fait partie de l’Organisation des Nations unies.

Le taux d’évolution des exportations de la région vers la Chine est passé d’un recul de 2,2% dans les premiers mois de 2009, par rapport à la même période pendant l’année précédente, à un taux de croissance de 44,8% cette année.

Selon la CEPAL, la Chine pourrait reléguer l’Union européenne au deuxième rang des échanges commerciaux de la région au milieu de la décennie.

Le géant asiatique est déjà le premier destinataire des exportations du Brésil et du Chili, le second de l’Argentine, du Costa Rica, de Cuba et du Pérou, et le troisième du Venezuela.

Cependant, en établissant un bilan de la composition des exportations latino-américaines pendant la dernière décennie, la CEPAL a conclu que la tendance est à un retour à une dominante des matières premières dans les envois.

Par exemple : tandis qu’en 1999 les matières premières constituaient 26,7% du total des ventes ; en 2009 elles ont constitué 38,8% de ce total.

Du fait des prix élevés au niveau international, l’Amérique du Sud a doublé le montant de ses ventes à l’étranger, en ressources naturelles majoritairement. En revanche au Mexique et en Amérique centrale elles ont baissé de plus de 50%.

La participation du Mexique aux exportations totales de la région est tombée de 40% en 2000 à 30% en 2009, tandis que le Brésil augmentait sa participation en passant de 13 à plus de 20% pendant la même période.

« Un premier bilan de l’activité d’export pendant la décennie démontre que notre région n’a pas obtenu d’avancée significative quant à la qualité de son insertion commerciale internationale » indique le rapport de la CEPAL.

Il note que « le développement des secteurs associés aux ressources naturelles, principalement motivé par la demande asiatique, n’a pas contribué suffisamment à la création de nouvelles compétences technologiques pour la région ».

La secrétaire exécutive de la CEPAL, la mexicaine Alicia Bárcena, a renchéri en ajoutant que la triade que la région a besoin de renforcer est « productivité, innovation et convergence stratégique ».

L’étude du Réseau latino-américain de recherche sur les compagnies multinationales à laquelle a participé Claudia Casal, fait remarquer, elle aussi, qu’aujourd’hui « la relation Chine – Amérique latine se présente de façon asymétrique, marquée par les besoins chinois et renforcée par la composition limitée des exportations des pays » de la région.

« Une inégalité dans la relation économique se constitue – bien qu’elle s’exprime de différentes façons selon les pays – et elle peut mener à un rétrécissement de la marge de manœuvre des pays latino-américains ». C’est ce que dont témoigne la recherche réalisée à partir d’informations en provenance d’Argentine, du Brésil, du Chili, de Colombie, du Mexique, du Pérou et d’Uruguay.

Selon la CEPAL, les gouvernements latino-américains devraient encourager la compétitivité des petites et moyennes entreprises, former de la main d’œuvre, développer « des maillons » qui relient les secteurs de l’exportation au reste de l’économie et profiter des avancées dans des secteurs comme la biotechnologie, entre autres.

Cette agence a également appelé à rechercher des rapprochements en parallèle à ceux réalisés avec la Chine et la région Asie-Pacifique. Elle met en avant, par exemple, l’initiative de l’Arc du Pacifique latino-américain qui inclut la Colombie, le Costa Rica, le Chili, l’Équateur, El Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Nicaragua, Panamá et le Pérou.

Selon les estimations de la CEPAL, les exportations du Marché commun du Sud (Mercosur), qui comprend l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, devraient augmenter cette année de 23,4%, par rapport à 2009, et celles des pays andins de 29,5%. Pendant ce temps celles du Marché commun centroaméricain n’augmenteraient que de 10,8%.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3126.
 Traduction d’Annie Damidot pour Dial.
 Source (espagnol) : IPS, 2 septembre 2010.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’autrice, la traductrice, la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

Les opinions exprimées dans les articles et les commentaires sont de la seule responsabilité de leurs auteurs ou autrices. Elles ne reflètent pas nécessairement celles des rédactions de Dial ou Alterinfos. Tout commentaire injurieux ou insultant sera supprimé sans préavis. AlterInfos est un média pluriel, avec une sensibilité de gauche. Il cherche à se faire l’écho de projets et de luttes émancipatrices. Les commentaires dont la perspective semble aller dans le sens contraire de cet objectif ne seront pas publiés ici, mais ils trouveront sûrement un autre espace pour le faire sur la toile.


[1Claudia Casal est aussi l’éditrice en charge de la section en espagnol d’AlterInfos – note DIAL.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.