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DIAL 3196 - Observatoire socioecclésial latino-américain 2011
AMÉRIQUE LATINE - Dialogue interreligieux et option pour les pauvres : 1, panorama des religions
Gabriele Cipriani & Virgílio Leite Uchôa
samedi 12 mai 2012, mis en ligne par
Le réseau de catholiques des Amériques Amerindia a publié un rapport intitulé Observatoire socioecclésial latino-américain 2011 : dialogue interreligieux et option pour les pauvres (mai 2011, 34 p.) qui fait le point sur la situation des églises en Amérique latine. Nous en publierons trois extraits dans les numéros de mai, juin et juillet 2012. Le premier, ci-dessous, propose un panorama chiffré des religions en Amérique latine et dans les Caraïbes. Le rapport final, rédigé par Gabriele Cipriani et Virgílio Leite Uchôa, s’appuie sur des rapports nationaux à la charge de Guillermo Meléndez (Costa Rica), Marta Orsini (Bolivie) et José Guadalupe Sánchez (Mexique).
L’Amérique latine et les Caraïbes ont toujours été marquées par la diversité religieuse, depuis le monde religieux si varié des peuples de l’Amérique indienne, en passant par les cultes afro-américains et par l’implantation du catholicisme, en provenance de la péninsule ibérique. La christianisation du continent n’a pas aboli toutes les références aux religions traditionnelles. Aujourd’hui, on constate chez celles-ci un important regain de vigueur. L’hégémonie catholique n’est pas parvenue à empêcher la présence d’autres traditions chrétiennes ni la diversité religieuse.
Le panorama des religions dans le continent et les pays de l’isthme est devenu beaucoup plus complexe et à facettes multiples au cours des dernières décennies. La diversité religieuse existante tend vers une pluralité de plus en plus grande, la mobilité des individus a visiblement augmenté, et le phénomène du subjectivisme s’est accentué. La tendance au pluralisme et la réaction à celui-ci à travers des attitudes fondamentalistes agitent les champs religieux et la transformation de l’identité des personnes est une exigence pressante, une interpellation quotidienne.
Il y a des chiffres, recueillis par les enquêtes réalisées ces dernières années, qui nous transmettent des messages significatifs sur la diversité religieuse. Pourtant il est difficile de parvenir à des estimations précises de l’affiliation à des credos à cause de l’absence de la mention « religion » dans les recensements démographiques de certains pays. La trajectoire de croissance positive des évangéliques, des sans-religions et de ceux qui se déclarent adeptes d’autres religions, d’un côté, et de croissance négative des catholiques, de l’autre, peut être constatée dans les chiffres qui proviennent aussi bien des recensements dans les différents pays que dans les autres enquêtes sur la situation religieuse. Les données varient de pays à pays et d’un endroit à un autre, mais la tendance est partout confirmée, surtout si nous prenons comme référence les grandes villes vers lesquelles converge et se concentre la majorité de la population du continent.
Quelques exemples peuvent suffire à confirmer ces tendances. En Bolivie, en 1992, les catholiques représentaient 80,6 % de la population et les évangéliques 10,1%. Déjà, en 2001, les catholiques n’étaient que 77,8 % tandis que les évangéliques atteignaient les 16,5 %, et qu’apparaissaient de nouveaux groupes pour 3,7 % et des personnes sans aucune affiliation religieuse pour 2,2 %. Au Pérou, où les catholiques étaient estimés à 94,6 % en 1981, ils se retrouvaient à 81,3 % au recensement de 2007, tandis que les évangéliques, sous l’impulsion pentecôtiste, doublaient leur nombre, passant de 6,8 % en 1993 à 12,5 % en 2007.
Pareille situation peut être observée dans les pays d’Amérique centrale. D’après le rapport de Guillermo Meléndez (p. 5 et 6) : « Dans les années 70, et plus particulièrement encore dans les années 80, firent irruption dans ces pays des Nouveaux Mouvements religieux (NMR) de tradition évangélique, quelques-uns d’entre eux à caractère sectaire et fondamentaliste. […] La région a connu en outre l’expansion des pentecôtismes ». Au Guatemala, en 2000, les catholiques représentaient 84,3 %, en 2006 (selon Agnès Müller) ils étaient 56,9 % et les évangéliques, de leur côté, étaient passés de 12,7 % à 30,7 %. En 2007, au Honduras, les catholiques estimés auparavant à 86,2 % étaient descendus à 47 % alors que les évangéliques avaient grimpé à 36 %. Au Nicaragua, les catholiques, qui étaient en 2000 à 85,1 %, ne devaient plus être qu’à 57 % en 2005, tandis que les évangéliques, à 12,7 % en 2000, devaient être en 2005 à 29 %. Il faut noter également l’apparition d’autres segments religieux et de gens qui se déclarent sans aucune affiliation religieuse.
Quant au champ religieux mexicain, le rapport de José Guadalupe Sánchez Suárez nous apporte les renseignements suivants :
CGP 1895 | CGP 1970 | CGP 2000 | BA 2008 | ISSP 2009 | |
% de catholiques au Mexique | 99,1 | 96,2 | 88,0 | 84,7 | 80,5 |
Pour le Brésil, nous pouvons observer un tableau des recensements de 1970 à 2000.
Année | Population totale | Catholiques | Évangéliques de mission | Évangéliques pentecôtistes | Total des évangéliques |
1970 | 93.470.306 | 85.775.047 - 91,8 | – | – | 4.883.106 - 5,2 |
1980 | 119.009.778 | 105.860.063 - 89,0 | 4.022.330 - 3,4 | 3.863.320 - 3,2 | 7.885.650 - 6,6 |
1991 | 146.814.061 | 122.365.302 - 83,3 | 4.388.165 - 3,0 | 8.768.929 - 6,0 | 13.157.094 - 9,0 |
2000 | 169.870.803 | 125.517.222 - 73,9 | 8.477.088 - 5,0 | 17.975.106 - 10,6 | 26.452.174 - 15,6 |
Année | Autres religions | Sans religion |
1970 | 2.157.229 - 2,5 | 704.924 - 0,8 |
1980 | 3.310.980 - 3,1 | 1.953.085 - 1,6 |
1991 | 4.345.588 - 3,6 | 6.946.077 - 4,7 |
2000 | 5.409.218 - 3,2 | 12.492.189 - 7,4 |
Source : recensements démographiques de 1970, 1991 et 2000, IBGE.
Pour des données comparatives plus récentes sur la situation brésilienne, nous pouvons offrir un tableau élaboré par Leonildo Silveira Campos (dans Revista de Estudos da Religião, décembre 2008, pp. 9-47) :
IBGE 2000 | FGV 2003 | DataFolha 2007 | Pew Forum 2006 | |
Catholiques | 73,9 | 73,7 | 64,0 | 57,0 |
Protestants | 15,6 | 17,9 | 22,0 | 21,0 |
Autres religions | 3,5 | 3,3 | 6,0 | 5,0 |
Sans religion | 7,4 | 5,1 | 7,0 | 13,0 |
Source : élaboration personnelle.
Ces statistiques, établies au Brésil et dans d’autres nations du continent dans la dernière décennie, augmentent l’intérêt et l’impatience d’examiner les résultats des recensements de 2010 que quelques pays viennent d’établir, comme l’Argentine, le Brésil, la Bolivie, l’Uruguay, l’Équateur, le Panama, le Costa Rica, la République dominicaine, même si tous ne prennent pas en compte la démographie religieuse.
Il y a des gens qui ont coutume de se méfier des données statistiques qui sont élaborées à partir de divers critères. Les catholiques présentent certaines données, les évangéliques en offrent d’autres. Mais l’important pour notre propos n’est pas l’approche mathématique de la réalité mais son usage légitime en tant qu’indicateurs de tendances. Il s’agit, évidemment, de moyennes nationales et une grande variété de données et de situations existe.
L’observation faite dans le rapport sur le Mexique est également valable pour d’autres pays. « Cette transformation religieuse au Mexique, qui se manifeste d’abord par l’abaissement du catholicisme dominant n’a pas été aussi homogène d’un bout à l’autre du territoire, ce qui nous ouvre les portes sur un panorama d’une plus grande diversité dans certaines régions où le catholicisme a décru jusqu’à un niveau très inférieur à la moyenne nationale et aussi sur une moindre diversité dans d’autres régions, où le catholicisme s’est maintenu à de très hauts pourcentages. »
Déclin catholique et explosion pentecôtiste [1]
Les données statistiques sur les tendances de la recomposition du champ religieux à la fin du XXe siècle indiquent autant un rapide et impressionnant accroissement du pentecôtisme qu’une diminution proportionnelle du nombre de catholiques romains. Pose aussi question la présence croissante dans les statistiques de données relatives aux personnes qui se déclarent sans religion. Beaucoup se demandent si, dans cette décennie ou dans la prochaine, l’Amérique latine pourrait devenir un continent pentecôtiste ou charismatique. Jusqu’à présent, les chiffres s’orientent vers un continent qui reste religieux : « Il suffit de jeter un coup d’œil sur les nouvelles fournies par les moyens de communication pour se rendre compte de l’importance du religieux dans la vie d’une grande partie de la population d’Amérique centrale » (rapport Meléndez). Nous pouvons affirmer que l’on ne prévoit pas un énorme processus de sécularisation et d’abandon du christianisme et de la religiosité.
Le déclin du catholicisme traditionnel, vu sous l’angle d’une structure sans profondes convictions qui entretenait la religiosité des gens, se trouve à l’origine du réaménagement du champ religieux en Amérique latine. On observe des tendances dans ce sens, qui paraissent incontestables.
Quant aux évangélistes, on observe un rapide accroissement des segments pentecôtistes et néopentecôtistes, ce qui n’apparaît pas dans les dénominations historiques. Numériquement les catholiques sont encore la majorité et enregistrent une augmentation, mais c’est dans la proportion de catholiques par rapport au chiffre total de la population que l’on peut percevoir la dimension de la transformation. À chaque recensement, on constate une moindre proportion de personnes qui déclarent leur adhésion au catholicisme.
Les tendances les plus claires sont : d’un côté, les changements qui interviennent au sein du catholicisme, qui perd des adeptes, et affronte un processus conflictuel de décomposition institutionnelle et de transformation de l’identité catholique ; de l’autre côté, l’explosion pentecôtiste qui se développe et prospère dans des milieux plongés dans les crises économiques qui blessent profondément la vie des personnes.
Les chiffres qui indiquent la progression de la nouvelle tendance qui consiste à ne pas s’identifier à quelque institution que ce soit, peuvent aussi indiquer un processus de décomposition et de démontage institutionnel du sacré.
Un deuxième extrait de l’Observatoire socioecclésial latino-américain 2011 est publié dans le numéro de juin 2012.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3196.
– Traduction de Sylvette Liens pour Dial.
– Source (espagnol) : Observatoire socioecclésial latino-américain 2011 : dialogue interreligieux et option pour les pauvres, Amerindia, mai 2011.
En cas de reproduction, mentionner au moins le titre du texte original, la traductrice, la source française ([Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
[1] Cf. Observatoire ecclésial d’Amerindia, rapport thématique n° 1 sur l’Amérique centrale (novembre 2010), rédigé par Guillermo Meléndez.