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CHILI - Déclaration de la Fédération des étudiants mapuche (FEMAE)

vendredi 27 janvier 2012, mis en ligne par Dial

12 janvier 2012 - À l’encontreCette déclaration de la Fédération des étudiants Mapuches-FEMAE a été rendue publique le 6 janvier 2012. Il faut la resituer dans le contexte suivant : les grandes firmes forestières, alliées à l’État chilien, ont des projets de développer massivement des plantations d’eucalyptus et de pins sur des territoires de la communauté mapuche. Dans leur marketing, elles présentent ces projets de plantation comme une aide à la population mapuche. Toute résistance des paysans mapuche est réprimée en utilisant un décret issu de la dictature de Pinochet, le décret connu sous le nom D.701. La population mapuche dénonce, avec l’appui d’organisations de défense de l’environnement, d’une part l’opération de substitution de forêts traditionnelles par des forêts de rendement et, d’autre part, la réduction qui en découle de l’ampleur des terres cultivées pour une agriculture vivrière. Contrairement à ce que déclarent les grandes firmes, diverses études montrent que les territoires soumis aux diktats des plantations forestières de rente concentrent des populations dont la paupérisation et la précarisation n’ont fait que s’accentuer. [1]


Wallmapu, le 6 janvier 2012.

Étant donné :

 l’assaut médiatique que réalise le gouvernement de l’Etat chilien en place qui attribue la cause des incendies [fin décembre-début janvier, un incendie a ravagé des dizaines de milliers d’hectares le parc national Torres del Paine, au sud du Chili ; les autorités ont manifesté à cette occasion leur incapacité d’intervention] aux conséquences dramatiques – comme la mort des sept pompiers locaux qui luttaient contre le feu dans la région Carahue – à l’action d’organisations mapuche ;

 l’exploitation politique que font, en particulier, des secteurs liés à l’entreprise forestière Mininco et le grand patronat en général ;

 le lynchage médiatique auquel se livrent le ministre de l’Intérieur Rodrigo Hinzpeter et le député José Manuel Edwards qui diffusent leur propre jugement hypothétique et a priori, sans attendre le résultat d’une enquête dont sont chargés des experts spécialistes et en écartant les présomptions fondées des pompiers et des brigadistes qui luttent eux-mêmes contre le feu ;

 les insinuations directes des porte-parole de la firme Mininco ainsi que les déclarations du président de la République Sebastian Pinera lui-même et du préfet [de la région de l’Araucania] Andrés Molina, qui assurent disposer de « données concrètes » sur le caractère intentionnel de l’incendie de multiples plantations de pins et d’eucalyptus,

les étudiants mapuche déclarent ce qui suit :

 1. Affirmer gratuitement, sans aucune preuve, que les incendies de forêts qui touchent la région de l’Araucania et celle du Bío-Bío ont été effectivement provoqués par des Mapuche nous paraît une des formes les plus méprisantes pour délégitimer les justes revendications politiques de notre Nation. C’est une attitude totalement raciste.

 2. La manipulation médiatique de cette situation s’insère dans un processus de criminalisation de la protestation sociale mapuche qui laisse augurer une éventuelle vague de répression comme celle qui sévit actuellement dans les territoires mapuche de Quepe et Ercilla.

 3. Nous rejetons catégoriquement les déclarations des autorités gouvernementales qui donnent l’ordre de chercher des coupables au sein du mouvement mapuche, tout en refusant de voir l’extension massive de plantation d’arbres exotiques comme le pin et l’eucalyptus, ainsi que les conditions de travail précaires des pompiers locaux. Tout cela est de la responsabilité des entreprises d’exploitation forestière actives dans le Wallmapu [nom à dimension géographique et culturelle du territoire mapuche].

 4. Nous dénonçons énergiquement l’application de la Loi antiterroriste qui a pour but, d’une part, de réaliser une brutale persécution principalement contre nos sœurs et frères mapuche et, d’autre part, de les soumettre à des procédures judiciaires injustes et irrationnelles.

 5. L’invocation de la Loi de sécurité intérieure de l’Etat fait partie d’un contexte dont le but est de salir la commémoration de l’assassinat par tir de mitraillette, dans le dos, de l’étudiant Matias Catrileo Quezada [voir sur À l’encontre, l’article en date du 5 janvier « Chili : les carabiniers arrêtent et brutalisent José Ancalao »]. Justice n’a toujours pas été faite quatre ans après qu’il a été tué par Walter Ramírez [membre d’un corps répressif spécial des Carabiniers].

Enfin, nous désirons lancer un appel à toute la Nation mapuche et à ses organisations, aux organisations de défense des droits humains et à tous ceux et celles qui sympathisent avec la cause mapuche pour qu’ils restent attentifs aux manœuvres de représailles qui peuvent se produire.

Nous lançons également un appel à la société chilienne en général pour qu’elle ne se laisse pas tromper par les médias et par les déclarations des autorités gouvernementales.

L’État nous propose le dialogue, mais fait la sourde oreille à nos revendications en tant que Peuple, tout en cherchant à exacerber la colère pour pouvoir l’utiliser comme excuse afin de réprimer et d’ignorer les droits légitimes de notre Peuple Nation mapuche qui nous ont été déniés historiquement.


Traduction À l’encontre.

http://alencontre.org/ameriques/amelat/chili/chili-declaration-de-la-femae.html

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[1Introduction rédigée par À l’encontre.

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