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VENEZUELA - Sécurité : la solution depuis l’État et non comme offre électorale

Jesse Chacón

mercredi 25 juillet 2012, mis en ligne par Thierry Deronne

Le thème de la sécurité a été utilisé dans toutes les sociétés capitalistes comme ressource de l’État pour légitimer ses appareillages répressifs et militarisés. Elle est fondamentalement un rituel de contrôle social. La stratégie à l’œuvre dans ces dispositifs est le traitement violent des conflits qui se convertit, dans le cas des problèmes d’insécurité en un scénario privilégié de violation des droits humains.

Face au défi que signifie conjurer les formes croissantes d’insécurité urbaine, le gouvernement bolivarien a opté pour une politique nationale de sécurité dont la conception et la mise en œuvre concrète suivent les normes de respect et de garantie des droits humains. Il s’agit de transformer le droit à la sécurité en sécurité des droits comme le propose avec raison le criminologue critique Alexandro Barata.

La gestion antérieure a permis de construire un système national de police, qui compte sur des instruments significatifs tels que la police nationale et les nouveaux standards opérationnels des polices des état et municipales.

Les résultats obtenus dans la diminution du taux de délits contre le patrimoine comme les vols avec violence ou non, ont été importants. C’est le résultat de nouvelles conduites policières ainsi que de l’intégralité dans la politique sociale et de garantie des droits économiques et sociaux. Le taux national de vols sans violence a baissé de 190 en 2009 à 169 en 2011, celle des vols avec violence de 254 en 2009 à 211 en 2011.

Le taux d’homicides au contraire, bien que contenu, stagne sans montrer de tendance significative à la baisse, qui en 2009 fut de 49 et en 2010 de 50, avec les jeunes comme majorité des victimes et auteurs d’homicides. En ce qui concerne les caractéristiques des homicides, 83,63% ont lieu le plus fréquemment dans les secteurs populaires, 56,52% dans la strate 4 et 27,12%. Dans la strate 5, dans la strate 1 et 2 (secteurs riches) ne se produisent que 3,9% des homicides. 61,57% des assassinats se produisent dans le quartier lui-même et 10,01% dans le même secteur. 71.5 ont lieu le soir et à l’aube.

Sur tout ce qui précède, il existe divers facteurs de la société liés à ce qu’on appelle l’opposition qui ne comprennent pas ce que signifie transformer cette problématique sur la base d’un modèle de sécurité citoyenne centré sur des pratiques démocratiques et sur le respect des droits humains, et ne valorisent pas le processus substantif de construction du système national de police ni la politique nationale de désarmement. Ces secteurs ne peuvent valoriser ces pas fondamentaux de la politique publique parce qu’ils gardent la vision et la conception militarisée de la sécurité citoyenne, qu’ils appliquent selon le schéma typique du “plomb pour les délinquants”. Leur tradition est la violation systématique des droits humains, et leur position en matière criminologique est donnée par la théorie du « droit pénal de l’ennemi » selon laquelle les formes de criminalité juvénile, en tant qu’elles transgressent le pacte social, doivent être classées comme celle d’ennemis publics auxquels il n’est pas légitime d’acccorder les garanties et le respect des droits humains. Il ne faut pas s’étonner de les voir exiger en permanence que toute mutinerie soit écrasée dans le feu et le sang.

Le Gouvernement bolivarien est conscient de la gravité que représente le problème de l’insécurité pour l’ensemble de la société vénézuélienne et c’est pourquoi il a lancé un appel à assumer publiquement ce problème comme celui de tous, au lieu de le considérer depuis la partialité politique, et recherche la convergence de tous les secteurs de la société pour dégager des solutions alternatives.

Le début de la solution passe par la capacité de tisser État et société sur la base de l’accomplissement des standards des droits humains, par la reconnaissance que la sécurité est un problème politique et citoyen, et non pas en adoptant les postures régressives de la militarisation des mentalités et des dispositifs d’action.

Il est également nécessaire de caractériser correctement les nouveaux types de criminalité transnationale qui s’implantent dans la société vénézuélienne. Considérer le problème de l’insécurité sans visibiliser l’impact que les cartels colombiens et mexicains de la drogue ont dans la reconfiguration de la criminalité urbaine, exprimée par le micro-trafic de stupéfiants et par l’augmentation des homicides, c’est perdre de vue la connexion structurelle du problème.

Ces phénomènes ne sont pas nationaux mais font partie d’un phénomène qui impacte aujourd’hui à plus ou moins grand degré la totalité des villes d’Amérique. Une compréhension de ce phénomène exige la lecture du narcotrafic non seulement comme problème criminel mais comme expression d’une transnationale d’accumulation de capital, dans laquelle se mêlent autant les néo-bourgeois mafieux aux élégants banquiers de la bourgeoisie traditionnelle.

Le narcotrafic et son impact dans la société vénézuélienne peuvent être mieux compris si on analyse l’évolution du marché des consommateurs. Jusqu’à la fin de la décennie 90, selon les Nations Unies, les États Unis représentaient un marché de 267 tonnes cubiques par an pour 2008 – produit du surgissement d’un segment de consommateurs jeunes tournés vers les drogues synthétiques, tandis que la consommation annuelle de cocaïne s’est réduit à 165 millions de tonnes. Pendant ce temps, l’Europe a subi une augmentation de la consommation, en passant de 63 tonnes annuelles en 1998 à 165 tonnes en 2008.

Cette variation fondamentale dans les marchés a eu pour conséquence la transformation de la cartographie de la distribution et la consolidation et la configuration de nouvelles routes, qui ont converti le Venezuela en un territoire fondamental de transit de la drogue, acheminée au littoral vénézuélien puis aux îles Caraïbes et de là, réexportée directement pour une part vers l’Europe et pour une autre part à travers l’Afrique.

La configuration de circuits criminels au Venezuela ne s’est pas fait attendre, avec le développement du mercenariat consubstantiel au commerce du narcotrafic, autour de la protection et du transport des chargements depuis la Colombie ainsi qu’autour du microtrafic de drogue urbain qui a impliqué une augmentation de la consommation et de la possession de drogue par les citoyens.

Selon des données du CICPC (Corps d’investigations scientifiques, pénales et criminelles), alors qu’en 2009 le taux de consommation de drogues au Venezuela était de 0,04, il s’est situé à 7,7 en 2011 ; le taux de possession de drogue par les citoyens est passé dans la même période de 33 à 39.

Le gouvernement révolutionnaire, conscient de la signification dramatique de ce nouveau phénomène transnational dans la réalité nationale, n’a pas été la proie de réponses spasmodiques à court terme, ni de formules fascistes de contrôle et de répression ; au contraire, sans écarter l’augmentation opérationnelle des forces policières, qui a permis d’obtenir des résultats partiels sur plusieurs indicateurs, il a opté pour une transformation structurelle du système national de sécurité.

Récemment le gouvernement a convoqué une mobilisation publique autour du problème du désarmement et travaille à des mesures structurelles pour le contrôle de l’armement. Il a également mobilisé des facteurs citoyens pour participer à la mission « A toda Vida Venezuela » [1] qui travaillera de manière systématique sur les manifestations de la criminalité, les problèmes d’accidents de la route et le manque de lien social à l’intérieur des communautés.

Tout ceci est la nouvelle manière de tisser le social sur la base de critères socialistes : une stratégie visant à transformer le concept et la pratique de la sécurité, dans le cadre de la construction de liens sociaux, qui est le nouveau nom de la sécurité.

Étudiant(e)s de la nouvelle Police nationale bolivarienne, organe formé au respect des droits humains au sein de l’UNES (Université expérimentale de la sécurité), lors du lancement de la Mission « A toda Vida Venezuela » en juillet 2012

Malheureusement, confrontée à sa stagnation dans les sondages, l’opposition a opté pour électoraliser ce problème, avec une proposition qui ne contient aucune action concrète. Que peut en effet proposer le candidat Henrique Capriles aux vénézuéliens en matière de sécurité, alors que l’État dont il est le gouverneur possède les plus hauts indices de criminalité ?

Puissions-nous sortir ce thème de la polémique politicienne et offrir une solution d’État à une société qui le demande. La Mission « A toda vida Venezuela » est la grande occasion de rassembler toutes les volontés autour de cet objectif.


Jesse Chacón est Directeur de la fondation GISXXI, www.gisxxi.org.

PDF de l’original : « LA SEGURIDAD : Su solución desde el estado y no desde la oferta electoral ».

Traduction de l’espagnol : Thierry Deronne.

Première publication en français : http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/07/14/la-securite-au-venezuela-la-solution-depuis-letat-et-non-comme-offre-electorale-par-jesse-chacon-fondation-gisxxi/.

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[1NdT : La mission d’État « A toda vida Venezuela », lancée officiellement le 10 juillet 2012, a six axes principaux :
 1. La prévention intégrale et la vie en commun solidaire.
 2. Le renforcement des organes de sécurité citoyenne.
 3. La transformation du système judiciaire, pénal et la création de mécanismes alternatifs de résolution des conflits.
 4. La modernisation du système pénitentiaire.
 5. La création d’un système national de suivi intégral des victimes de la violence.
 6. La création et la socialisation de la connaissance pour le vivre-ensemble et la sécurité.

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