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DIAL 2316

BRÉSIL - Le scandale du jugement sur le massacre d’Eldorado do Carajás

Luzia Canuto de Oliveira Pereira

mercredi 15 septembre 1999, par Dial

Dans notre dernière livraison (cf. DIAL D 2314, introduction), nous avions signalé le déroulement du procès concernant les policiers inculpés à propos du massacre de 19 paysans à Eldorado do Carajás le 17 avril 1996 (cf. DIAL D 2072, 2088, 2165). Nous publions ci-dessous le communiqué du Comité Rio Maria, en date du 1er septembre 1999, en raison des détails révélateurs qu’il donne sur la façon scandaleuse dont le procès a été mené jusqu’à présent.


Comme les journaux, radios, télévisions, nationaux et internationaux, l’ont annoncé, les trois officiers, le colonel Pantoja, le major Oliveira et le capitaine Alexandre qui commandaient l’opération de la police militaire qui a fait 19 morts et plus de 60 blessés parmi les travailleurs ruraux du Mouvement des sans-terre (MST), à Eldorado do Carajás le 17 avril 1996, ont été acquittés par le jury de Belém, le 20 août 1999.

Le pouvoir judiciaire de l’État du Pará a montré au monde entier son véritable visage, tant de fois dénoncé par le Comité Rio Maria. Il y a déjà longtemps que la justice du Pará voulait l’acquittement des accusés du massacre de Eldorado et travaillait pour obtenir ce résultat.

Le Tribunal de Justice de l’État voulait que le jugement se fasse à Maraba où résident et sont de service la majorité des 154 policiers accusés. Il a fallu recourir au Tribunal fédéral suprême pour obtenir qu’ils soient jugés à Belém où il y aurait plus d’impartialité. Mais bien que la session du tribunal se soit tenue à Belém, la partialité du juge Ronaldo Vale, président du jury, a été scandaleuse durant toute la session :

- il a refusé d’assumer les frais de voyage et de séjour des témoins de l’accusation pendant les mois où ils devraient rester à Belém à la disposition des jurés. Seulement deux sur cinq des témoins ont comparu, ce qui montre le climat de peur.

- la salle du jury pouvait contenir trois cents personnes. Treize entrées seulement avaient été réservées pour le MST et les organisations de droits humains. Presque toutes les autres avaient été distribuées aux étudiants de droit de l’Université particulière de Belém et à des juges, procureurs, avocats et amis du juge. Les parents des victimes et des centaines de leurs compagnons du MST sont restés dehors, isolés par un bataillon de la police militaire.

- le juge a refusé de joindre plusieurs documents de l’accusation au dossier du procès, mais a accepté de le faire pour des documents de la défense bien qu’ils ne remplissaient pas les conditions prévues par la loi.

- il a laissé un juré manifester publiquement son opinion et influencer les autres jurés, ce qui est interdit par la loi.

- au moment de la formulation des questions aux jurés, il a posé une question juridiquement incorrecte et de façon à induire l’acquittement.

Le ministère public, en la personne du procureur Marco Aurélio Nascimento, a été digne et courageux. Le procureur a décidé, avec les avocats de l’accusation, de ne plus siéger dans le procès des policiers militaires impliqués dans le massacre d’Eldorado, jusqu’à ce que le recours en annulation de ce premier jugement soit jugé, et il a soulevé l’objection de suspicion contre le juge Ronaldo Vale. Il a reçu l’appui total du ministère public de l’État. Voici donc quinze jours que le jugement des autres accusés est suspendu et cela pourrait durer des semaines, voire des mois.

De nombreuses personnalités, des organisations de droits humains nationales et internationales, des organisations populaires, des Églises ont manifesté leur indignation. Même le président de la République, M. Fernando Henrique Cardoso, et le secrétaire d’État des droits de l’homme, M. José Grégori, ont manifesté leur préoccupation au sujet de ce jugement et de l’impunité.

Malgré 19 morts, 60 blessés, 150 policiers militaires impliqués dans ce massacre, aucun des principaux responsables n’a été condamné : ni le gouverneur, ni le secrétaire de la sécurité publique, ni les officiers qui ont commandé l’opération. Impu-nité ! Policiers, tueurs à gage, fermiers peuvent assassiner impunément les paysans qui luttent pour un lopin de terre. Ce jugement est une autorisation de tuer, une incitation à la violence.

Il faut que ce jugement honteux et dangereux soit annulé.

L’impunité à Rio Maria et dans la région.

Le procès de João Canuto, premier président du syndicat des travailleurs ruraux de Rio Maria [1], assassiné le 18 février 1985, commencé il y a 14 ans, est de nouveau paralysé au ministère public de l’État depuis fin mars 1999. Pas plus le gouvernement fédéral que celui de l’État du Pará ne paraissent disposés à exécuter les termes de la condamnation de la Commission interaméricaine de l’Organisation des États américains du 6 juin 1998, d’activer le procès et d’indemniser les parents de la victime.

Le grand propriétaire Jéromimo Alves de Amorim, accusé d’être le commanditaire de l’assassinat d’Expedito Ribeiro de Souza [2], ex-président du syndicat des travailleurs de Rio Maria, le 2 février 1991, et de deux autres personnes en 1994, vit tranquillement dans ses résidences et fermes dans d’autres États, malgré deux mandats d’arrêt.

Un procès en diffamation de la Commission pastorale de la terre (CPT), de 1994, contre l’ex-maire de Conceição do Araguaia, dans l’État du Pará, qui accusait la CPT de vendre des armes, a disparu du Tribunal de justice de l’État. Les preuves écrites annexées au dossier étaient décisives. Tout indique qu’on l’a fait disparaître intentionnellement pour nuire à la CPT et épargner M. Carlos Calvacante, politicien du Pará.

La radio communautaire de Rio Maria a été fermée.

La radio communautaire de Rio Maria, Bereokanfm, créée par plusieurs organisations populaires de Rio Maria, entre autres le Comité Rio Maria, était le porte-parole de la communauté. Elle fonctionnait depuis avril de cette année et avait une très grande audience locale. Elle a été fermée le 13 août 1999 par l’Association nationale des télécommunications. On dit que ce serait le maire qui aurait demandé sa fermeture.

Le procès d’Eldorado dos Carajás est un cas historique et exemplaire. Il exige la mobilisation et la participation de tous.

Rio Maria, 1er septembre 1999

Luzia Canuto de Oliveira Pereira

Présidente du Comité Rio Maria


Le Comité Rio Maria

C.P. 07 CEP

68530-000 Rio Maria -PA Brasil,

Tel. : 091 428 1473 - Fax : 091 428 1318

site sur Internet :

http://www.metalink.com.br/riomaria

suggère que pétitions, lettres, fax, e-mail soient envoyés au Président du Tribunal de Justice du Pará :

Exmo Sr. Presidente do Tribunal de Justicia do Para’

Dr. José Alberto Soares Maia

Tribunal de Justiça do Pará

Praça Felipe Patroni S/N - Cidade Velha

66015-280 Belém/Pa

fax : 00 5591 241 29 70

ou 00 55 91 242 52 33

E-mail : des.jose.maia chez tj.pa.gov.br

Des copies peuvent être envoyées à :

Dr. José Carlos Dias

Ministro da Justiça

Ministério da Justiça

Esplanada dos Ministérios

70.064-900 Brasilia, DF, Brasil

Fax : 55-21-61-321-1565

e-mail : acs chez mj.gov.br

Dr. Fernando Henrique Cardoso

Presidente da RepÝblica

Palacio do Planalto

Praça dos Tres Poderes

70150-900 Brasilia DF, Brasil

E-mail : pr chez planalto.gov.br

tel : 55-21-61-411-1169

Fax : 55-21-61-322-2314


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2316.
 Traduction Dial.
 Source (portugais) : communiqué du Comité Rio Maria, septembre 1999.
 
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

responsabilite


[1Cf. DIAL D 2232 (NdT).

[2Cf. DIAL D 2088 (NdT).

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