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DIAL 2345

MEXIQUE - Après la décision du Vatican d’écarter Raúl Vera de la succession de Samuel Ruiz

II – Commentaires

samedi 15 janvier 2000, mis en ligne par Dial

Voir DIAL 2344

La Jornada écrit dans son Éditorial :

« Pour ses fidèles [du diocèse], le départ de Raúl Vera est un motif de tristesse et de préoccupation car celui qui est à présent évêque de Saltillo a assumé avec vigueur - pendant son travail pastoral à San Cristóbal - la défense des indigènes, l’option préférentielle pour les pauvres et la recherche de la paix. Pour ses détracteurs - l’aile la plus conservatrice de l’Église catholique, des groupes de pouvoir politique locaux et nationaux et beaucoup de secteurs les plus retardataires de la société chiapanèque - le présence de Raúl Vera à San Cristóbal représentait la continuité du travail pastoral et social dirigé par Samuel Ruiz, travail qui, il faut le signaler, s’est révélé inestimable dans l’effort de renverser la misère, l’injustice, la marginalisation et la discrimination dont souffrent les communautés indigènes du Chiapas.

Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que ces secteurs de la hiérarchie catholique et des oligarchies politiques et économiques chiapanèques - soutenus par diverses instances et divers fonctionnaires gouvernementaux - aient entrepris tout au long de 1999 une campagne acharnée d’attaques et d’accusations - tant devant l’opinion publique qu’au Vatican - avec pour objectif d’empêcher que Raúl Vera exerce le droit de succession du diocèse de San Cristóbal. En ce sens, il faut signaler que, selon différents connaisseurs de la réalité chiapanèque, il est clair que, bien que le dernier mot sur la nomination d’un évêque relève du pape, l’attaque menée par les groupes opposés à Samuel Ruiz et à Raúl Vera ont eu un poids déterminant dans le transfert de ce dernier au diocèse de Saltillo. »

31 décembre 1999

***

Andrès Aubry, historien : « En dépit des précautions oratoires du communiqué de la nonciature, ses justifications préventives - pour éviter des jugements qui pourrait atteindre négativement Don Samuel et Don Raúl - n’éviteront pas que l’opinion publique les interprète comme la première mesure prise pour la « déconstruction » du samuelisme. La nomination de Raúl Vera à Saltillo est le premier acte d’une série ; la suite manque encore pour savoir si nous sommes en présence d’une mesure diplomatique de la curie vaticane pour calmer l’agressivité des secteurs opposés au processus diocésain ou s’il s’agit clairement de la mise en route d’une stratégie dont le but est d’empêcher méthodiquement la continuité de ce processus. »

La Jornada, 31 décembre 1999

Juan Bañuelos, écrivain et poète : « Don Samuel était un « mur de soutènement », d’équilibre, qui travaillait pour la paix. L’évêque Raúl Vera garantissait la continuité du travail évangélique que le diocèse accomplissait. On va envoyer un évêque réactionnaire qui divisera le diocèse, qui prendra la tête d’une contre-offensive, qui au lieu de soutenir cette pastorale qu’a défendue Don Samuel, va s’allier au gouvernement pour diviser encore plus, qui va contribuer à cette désunion que les militaires provoquent à la base en propulsant des paramilitaires qu’ils entraînent eux-mêmes. »

« Je voyais cela venir, non parce que je suis informé des réalités du Vatican, mais parce que cette aile réactionnaire de l’Église mexicaine exerçait une très forte pression. Il est lamentable que le Vatican se comporte comme tous les pays qui soutiennent le néolibéralisme sauvage, qui donne son aval à ces politiques qui bénéficient aux multimillionaires et qui s’éloigne de la cause des pauvres. »

« Nous voyons avec inquiétude les actions que développe le gouvernement mexicain pour essayer de déligitimer et de déconsidérer le travail que le diocèse de San Cristóbal réalise, avec des actions telles que l’expulsion de prêtres, la fermeture d’églises de la part de groupes paramilitaires, les campagnes constantes de désinformation à travers certains moyens de communication, accusant le diocèse d’être responsable de la violence. »

Proceso, 2 janvier 2000

***

Luis Hernandez Navarro, journaliste :

« Le Mexique est, dans la logique géopolitique du Vatican, un espace stratégique. C’est l’une des nations qui a la plus forte population catholique au monde et elle est en même temps un pont entre le nord et le sud et une charnière entre les États-Unis et le reste de l’Amérique latine. Ces caractéristiques font que la diplomatie pontificale s’est particulièrement intéressée à maintenir de bonnes et étroites relations avec le gouvernement mexicain. Simultanément, cela a permis à un groupe d’évêques mexicains, sensible aux revendications du pouvoir et à la politique faite au sommet, d’avoir à Rome plus d’influence que jamais.

Au Vatican coexistent simultanément un État et une institution religieuse. Les logiques et les priorités qui régissent ces deux mondes ne sont pas toujours les mêmes. (...)

Bien que la décision du transfert de Raúl Vera à Saltillo ait été formellement prise par le pape sur la base d’une proposition du Préfet de la Sacrée congrégation des évêques, Angelo Sodano, secrétaire d’État du Vatican, a eu en cela une énorme influence. À Rome, il y a un vide dans la direction du gouvernement de l’institution par le pape. Le pontife est malade et il a consacré ses forces les meilleures à l’exercice du ministère de la Parole. La curie, avec Sodano à sa tête, a pris en charge la politique pratique de l’institution. Et le groupe des évêques et cardinaux mexicains conservateurs a réussi à y prendre une place de plus en plus importante. »

La Jornada, 31 décembre 1999

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Le député Gilberto López y Rivas (Parti révolutionnaire démocratique, opposition) : « On voit [dans cette nomination] la main des secteurs les plus réactionnaires de l’Église catholique et du Vatican pour tenter de détruire le travail social en faveur des Indiens du Chiapas. »

La Jornada, 31 décembre 1999

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Le sénateur indépendant Salazar Mendiguchía : « Puisse l’Église catholique comprendre que, dans les conditions d’extrême pauvreté dans lesquelles vivent les Chiapanèques, un travail pastoral comme celui de Samuel Ruiz au cours des 40 dernières années est incontournable. »

La Jornada, 31 décembre 1999

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Lira Mora, sous-secrétaire des affaires religieuses au secrétariat d’État (ministère de l’intérieur), en réponse à la remarque suivante : « Certains signalent qu’il y a eu ingérence de la part de secteurs étrangers à l’institution ecclésiale, pour que le Vatican prenne cette décision. » - « Non, d’aucune manière, la Constitution de la République interdit au gouvernement d’intervenir dans les affaires internes des Églises, et si vous regardez les communiqués qui viennent de la nonciature, vous remarquerez que ce sont des raisons de caractère ecclésial, c’est-à-dire des raisons propres à l’Église, et nous n’avons aucune intervention dans l’affaire. »

La Jornada, 31 décembre 1999

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Felipe Arizmendi Esquivel, évêque de Tapachula a déclaré (...) « qu’il ne doit pas y avoir de craintes au sujet de l’arrivée d’un nouvel évêque à San Cristóbal car l’Église a déjà fait une option pour les pauvres et les indigènes et ceci n’est pas le privilège d’une personne, mais nous sommes tous tenus à le faire. »

« L’évêque qui va venir a l’obligation de continuer la ligne d’attention prioritaire aux plus pauvres, car ceci n’est pas l’affaire exclusive d’une personne, c’est obligatoire pour tous les évêques et tous les chrétiens. »

« Si le pape agissait sous l’influence de pressions, il y aurait eu d’autres changements au Chiapas dans les questions ecclésiales. Ce qui est sûr, c’est que le pape écoute tout le monde : le gouvernement et, fondamentalement, les communautés, et il a eu l’occasion d’écouter les évêques de San Cristóbal, de nombreuses personnes, tous les évêques qui lui ont communiqué leurs points de vue et, avec la lumière de l’Esprit Saint, il décide ce qu’il juge le plus adéquat (...) »

La Jornada, 6 janvier 2000

***

En réponse à une question lui demandant si Raúl Vera serait l’homme adéquat pour succéder à Don Samuel, Mgr José Melgoza Osorio, évêque émérite de Nezahualcóyotl répondit quelques jours avant la décision du Vatican : « Non, il n’est pas celui qu’il faut car face aux envolées verbeuses qui caractérisent Don Samuel, il a succombé, et maintenant il est comme lui. Pour le travail pastoral de San Cristóbal, il faut une personne différente, enracinée dans l’amour, la discipline, la théologie, non dans les courants marxistes utilisés comme lumière de la foi, travaillant sincèrement, sans aller faire des « rodéos », sans se référer à certaines théories pour soutenir notre travail. C’est-à-dire, sans faire de propagande. »

La Jornada, 19 décembre 1999)

***

Arturo Lona Reyes, évêque de Tehuantepec, voit dans le départ de Raúl Vera « une méconnaissance de l’action pastorale et une invitation faite aux pouvoirs politiques d’intensifier la répression à l’égard des communautés indigènes et la persécution que vit déjà l’Église ».

La Jornada, 3 janvier 2000

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Miguel Concha o.p., prieur provincial des dominicains du Mexique :

« De toutes nos forces, nous avons confiance dans le fait que le départ de Mgr Raúl Vera López, o.p., évêque coadjuteur exemplaire de Don Samuel, ne diminuera en rien l’engagement de l’Église en faveur de la paix civile et de la promotion spirituelle et humaine de tous les membres qui composent la population du Chiapas, comme l’exprime également le communiqué du pape, et que, au contraire, tous les Mexicains et Mexicaines se rendront compte que le défense que Don Samuel et Don Raúl font de la dignité et des droits des peuples indiens en quelque lieu qu’ils se trouvent, n’est pas personnelle mais institutionnelle.

Conformément à cela, nous espérons que nos autorités tant ecclésiastiques que civiles, chacune dans leur domaine respectif de compétence, sauront mieux apprécier à l’avenir l’importance capitale du diocèse de San Cristóbal pour atteindre une paix véritable, juste et digne au Chiapas et dans tout le Mexique et qu’elles agiront en conséquence. »

Communiqué fait au nom des dominicains et dominicaines du Mexique, publié dans La Jornada, 6 janvier 2000.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2345.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Centre des droits humains “Fray Bartolomé de Las Casas”, janvier 2000.
 
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