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DIAL 2410

BRÉSIL - Victimes des violences policières dans le sud du Pará - Un rapporteur de l’ONU enquête

dimanche 1er octobre 2000, mis en ligne par Dial

DIAL a déjà eu l’occasion ces derniers temps d’attirer plusieurs fois l’attention sur les violences qui ont lieu dans le sud de l’État du Pará au Brésil (cf. DIAL D 2377, 2384), notamment de la part de la police. La pression nationale et internationale peut jouer un rôle efficace pour lutter contre de telles pratiques. Au cours de ce mois de septembre, un rapporteur de l’ONU a fait une enquête sur place. Quelques cas sont présentés dans le communiqué ci-dessous émanant de la Commission pastorale de la terre (CPT) Marabá/Xinguara (État du Pará), en date du 11 septembre 2000. Nous publions également à ce sujet un communiqué en date du 28 septembre, émanant des évêques de la Présidence et de la Commission épiscopale de pastorale de la Commission nationale des évêques du Brésil (CNBB).


Pour le moins, 7 témoins de cas de tortures et de violence policière dans les commissariats de police du sud du Pará ont été entendus par le rapporteur de l’ONU, Nigel Rodley, le 10 septembre 2000, à Marabá. Ces témoins ont été présentés par la Commission pastorale de la terre (CPT) du sud du Pará et par la Société de défense des droits humains (SDDH) de Marabá.

La CPT a présenté comme victimes une mineure, employée domestique, torturée plus de 24 heures par des policiers militaires en 1998 ; un mineur de 15 ans, torturé à Xinguara par des policiers civils les 7, 8, 9 juin 1999 et suite à cela hospitalisé dans un centre psychiatrique ; et un jeune torturé trois jours de suite dans le commissariat de Xinguara, en 1999. En plus de ces cas, particulièrement significatifs, la CPT a remis au rapporteur un dossier relatant d’autres cas de tortures dans ces commissariats.

Le rapporteur s’est rendu également dans le commissariat régional de la police du sud du Pará. Pendant plusieurs heures lui et son équipe se sont entretenus avec les 74 détenus sur les conditions de leurs détentions et sur les cas de mauvais traitements et de tortures. Un nombre important de détenus ont raconté les séances de tortures et de coups dont ils avaient été victimes de la part d’enquêteurs de police et même de commissaires. La plupart de ces cas avaient eu lieu dans les 6 derniers mois. De nombreux détenus ont montré les cicatrices laissées par ces tortures. Les détenus se sont montrés très satisfaits de la visite du rapporteur et confiants que leurs conditions de détention seraient améliorées et qu’il n’y aurait plus de tortures.

Selon Sir Nigel Rodley, qui est au Brésil depuis deux semaines et a déjà visité 14 pays, ce qu’il a constaté au Brésil confirme les dénonciations déjà faites par les organisations de droits humains.

Le rapporteur spécial de l’ONU, au cours de son passage au Brésil a visité plusieurs capitales d’États, dont Brasília, Rio de Janeiro, São Paulo, Belo Horizonte, Récife et Belém. Marabá a été l’unique ville de l’intérieur qu’il a visitée en raison de la gravité des dénonciations de tortures contre des détenus de cette région, dont il avait eu connaissance, y compris sur des mineurs, comme ceux présentés par la CPT.

Tout indique que le cas du mineur, WSS, de 15 ans, rendu public nationalement et internationalement, en juillet dernier, sera mentionné dans le rapport oficiel. Ce jeune avait été poursuivi et rattrapé par deux policiers civils, Pacheco et Raimundão, à Xinguara, alors qu’il cherchait à leur échapper en motocyclette, le 7 juin 1999. Ces policiers lui mirent les menottes et le torturèrent, en dehors et à l’intérieur du commissariat, le frappant à coups de pieds et de poings sur les parties intimes et à la tête et menaçant constamment de le tuer. Ils l’ont gardé pendant trois jours, sans permettre à sa mère de le voir. Sitôt sorti du commissariat de Xinguara, ce jeune a commencé à avoir de sérieux troubles psychologiques, démontrant une peur obsessive de la police, ayant des moments de violence et de folie. Il a du être hospitalisé dans un centre psychiatrique, en juillet 1999, où il est resté jusqu’en mars dernier ; depuis il continue à être soumis à un traitement très sérieux.

Malgré les dénonciations faites contre les policiers et le commissaire, tout a continué comme si de rien n’était au commissariat. Ce n’est que plus d’un an après, que les deux policiers et le commissaire ont été mutés, et uniquement à cause de la pression nationale et internationale.

Le 26 juillet la juge de la chambre financière de Belém a décidé que l’État devrait assumer les frais des soins médicaux et hospitaliers de la victime. En septembre de cette année a été désigné un représentant spécial du Ministère public pour acompagner le cas de ce jeune.

Le rapporteur qui a déjà rencontré à Belém, le 8 septembre, les représentants du gouvernement et du pouvoir judiciaire du Pará, rencontrera à Brasília dans les prochains jours les autorités fédérales.

C’est la première fois dans l’histoire de notre pays qu’un rapporteur spécial sur les tortures de la Commission des droits de l’homme de l’ONU vient au Brésil. Sa venue au sud du Pará et ses constatations légitiment entièrement les dénonciations faites en juillet de cette année dans le dossier remis au gouverneur de l’État et divulguées par la presse, qui provoquèrent une réaction extrêmement violente des autorités de la police civile contre la Commission pastorale de la terre de Xinguara et contre le frère Henri [1], auteurs du dossier.

Cette visite historique de la plus haute autorité internationale des droits de l’homme, doit être un stimulant pour toute la société civile, organisations religieuses et sociales, à se mobiliser contre cette forme tant dégradante de violence qui détruit tant de vies humaines et la santé psychologique de tant de jeunes.


La solidarité des évêques

Lors de la réunion de la Présidence et de la Commission épiscopale de pastorale (CEP) de la Conférence Nationale des évêques du Brésil (CNBB), du 26 au 29 septembre 2000, nous avons pris connaissance des faits graves qui ont eu lieu dans le sud du Pará. Selon les dénonciations de la Commission pastorale de la terre de Xinguara dans l’état du Pará, les polices militaire et civile pratiquent la torture, spécialement contre des mineurs. La divulgation de ces crimes a suscité une violente campagne d’attaques et diffamation publiques de la part des commissaires chargés de mener l’enquête sur ces crimes. La campagne vise les agents de la CPT, en particulier le Frère Henri des Roziers. Nous estimons que, dans l’intérêt public, il est nécessaire d’écarter immédiatement de leurs fonctions les policiers impliqués dans ces tortures, jusqu’à l’élucidation complète des faits dénoncés.

Devant cette situation, nous exprimons notre totale solidarité avec nos frères et sœurs de la CPT qui luttent pour la justice et pour la dignité humaine dans le monde rural, principalement pour la défense des plus faibles. Nous nous réjouissons de la visite des deux représentants d’Amnisty International dans la région et également de ce que le rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme de l’ONU, Mr. Nigel Rodley, a rencontré personnellement les victimes à Marabá dans l’état du Pará.

Nous manifestons notre communion avec le Régional de la CNBB Norte II, quand il demande la fin de ces pratiques honteuses de torture et l’apuration des faits, en même temps que nous exprimons notre appui à la Province dominicaine Bartolomé de Las Casas à laquelle appartient le Fr. Henri.

À ces frères et sœurs persécutés pour la cause de l’Évangile, nous leur rappelons la parole d’espérance de Jésus ; « Bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice, parce que le Royaume de Dieu leur appartient » (Mt 5,10).

Brasília, 28 septembre 2000

Les évêques de la Présidence et de la Commission pastorale de la Commission nationale des évêques du Brésil


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2410.
 Traduction Dial.
 Source (portugais) : Communiqué des évêques de la Présidence et de la Commission épiscopale de pastorale de la Commission nationale des évêques du Brésil, septembre 2000.
 
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[1Cf. DIAL D 2384 (Note DIAL).

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