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DIAL 2456

ÉQUATEUR - Les conséquences du Plan Colombie. La culture de la coca a déjà traversé la frontière entre la Colombie et l’Équateur

Kintto Lucas

jeudi 15 mars 2001, mis en ligne par Dial

Comme cela était prévu par de nombreux observateurs qui ne se sont pas résignés à la mise en place du Plan Colombie (sur le Plan Colombie lui-même, cf. DIAL D 2374, 2381, 2404, et sur les effets de ce Plan sur les pays voisins, cf. DIAL D 2315, 2417), la culture de la coca franchit désormais la frontière au sud du pays pour passer en Équateur, sous la pression des paramilitaires et des narcotrafiquants. Texte de Kintto Lucas, paru dans IPS, 20 février 2001.


Des paysans de la région équatorienne de Sucumbios, à la frontière avec la Colombie, ont affirmé que des narcotrafiquants leur ont offert la possibilité de cultiver la coca dans leurs plantations de café actuelles.

Selon les paysans, les « hommes étranges » - ainsi qu’ils appellent les trafiquants - leur ont promis une rentabilité bien plus importante et se sont engagés à leur donner des cours de trois semaines pour pratiquer les cultures de coca. Un paysan qui a demandé à garder l’anonymat a déclaré que « pour planter un café de qualité, il faut des mois d’apprentissage, mais pour planter de la coca, c’est plus facile et on gagne davantage. »

Ces affirmations rejoignent celles du ministre de la défense lui-même, Hugo Unda, qui a déclaré le 9 février que « les plantations de coca en territoire équatorien ont déjà commencé. » Les cultivateurs de café l’ont dénoncé un jour avant que des gouvernants locaux et des représentants de la société civile des provinces amazoniennes de Sucumbios et d’Orellana commencent à paralyser certaines activités pour une durée indéterminée contre le Plan Colombie, « dont les effets se sont fait sentir ces derniers jours ».

Le Plan Colombie a été proposé par le président de ce pays, Andrés Pastrana, en tant que programme de lutte contre les drogues, de développement et de paix, et bénéficie d’un apport financier important des États-Unis. Il est qualifié de militariste par les organisations non gouvernementales, les rebelles et les opposants.

Les organisateurs de la manifestation ont assuré qu’elle ne sera pas levée avant qu’on ne trouve des solutions, et que, s’il est nécessaire de prendre des puits de pétrole, de bloquer des routes et de couper le transport de carburants dans l’oléoduc, ils le feront.

Maximo Abad, maire de Nueva Loja, la capitale de Sucumbíos, a déclaré que « le gouvernement doit fournir des solutions pour nous avoir impliqués dans le Plan Colombie et il doit en plus commencer les travaux d’infrastructure dont ont besoin ces provinces oubliées. »

La semaine passée, environ 500 indigènes de communautés proches de la frontière entre l’Équateur et la Colombie ont abandonné leurs terres menacées par un commando armé appartenant aux paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie (AUC). Selon les personnes touchées, le groupe leur a donné 24 heures pour abandonner leurs terres « s’ils ne voulaient pas mourir sous les balles et dans les flammes ». Quelques jours plus tard, un autre groupe d’indigènes et de paysans de la région ont abandonné leurs foyers en assurant qu’« il n’y a pas de conditions [de sécurité] pour vivre ici, car l’armée équatorienne ne leur offre pas de protection. » À l’heure actuelle, il y a déjà plus de 750 personnes déplacées pour la même raison.

Mais la présence de paramilitaires et de narcotrafiquants à Sucumbíos a déjà été dénoncée en octobre 2000 par le Groupe de surveillance des impacts du Plan Colombie en Équateur, qui regroupe des organisations de droits humains et de l’environnement. À cette occasion, le Groupe a affirmé que l’extrême droite des AUC et les trafiquants de drogue ont commencé à acheter des terres en Amazonie équatorienne pour y transférer les cultures de coca.

Pour confirmer cette affirmation, le Groupe a demandé au gouvernement, au commandement militaire et à l’Institut national des statistiques et des recensements de faire une étude cadastrale à la frontière entre les deux pays, mais il n’a pas reçu de réponse positive. Dans la région, on dit que

les AUC voulaient s’installer à Sucumbíos pour couper un possible repli de la guérilla et de ses lignes d’approvisionnement. Pourtant, les autorités n’ont reconnu les incursions paramilitaires qu’après la découverte de deux laboratoires de fabrication de cocaïne ces dernières semaines et des déplacements forcés de ces derniers jours.

Le ministre Unda avait dit au début que le groupe armé qui avait provoqué le déplacement intérieur « paraissait être (...) l’ELN », l’Armée de libération nationale, deuxième force de guérilla colombienne, qui n’a pas d’action dans cette région. Il a ensuite admis que les autorités n’avaient pas encore déterminé s’il s’agissait de membres des FARC [Forces armées revolutionnaires de Colombie] ou de paramilitaires, qui eux, effectivement agissent dans cette zone frontière.

Les déplacés ont affirmé que la menace vient des paramilitaires. « Maintenant, ceux-ci veulent nous tuer, parce qu’ils croient que nous les avons dénoncés. Mais nous, nous n’étions même pas au courant du laboratoire », a déclaré un paysan. Un autre indigène a signalé aussi que ce sont les paramilitaires qui en sont responsables. « Ce sont les paramilitaires qui font savoir lorsqu’ils vont tuer les indigènes, peu importe s’il y a des femmes et des enfants. Jusqu’à présent, les guérilleros n’ont pas fait ça. Ils se fâchent quand nous pêchons à la dynamite et ils nous disent de ne pas contaminer la rivière, mais ils ne tuent pas », a-t-il expliqué.

L’incursion des AUC a provoqué un choc dans la zone frontière ainsi que la réaction des autorités locales, qui ont lié cette action aux effets de l’exécution du Plan Colombie en Équateur.

Le gouvernement a mis en place une commission de sécurité pour faire face à la situation produite par les incursions de groupes armés colombiens et apporter de l’aide aux déplacés.

Des porte-parole gouvernementaux ont confirmé que les huit premiers millions de dollars, sur les trente millions offerts par les États-Unis pour faire face aux effets du Plan Colombie en Équateur, ont été investis dans le renforcement de la sécurité à la frontière. Le reste serait destiné à des travaux dans les provinces de Sucumbíos et d’Orellana. Mais le commandant de l’armée de l’air, Oswaldo Dominguez, [a démenti] l’information et a assuré que les forces armées n’ont pas reçu d’argent.

Des organisations sociales, des maires de plusieurs villes et villages, des préfets (gouverneurs provinciaux), des indigènes, des représentants de l’Église et de différents secteurs des deux provinces ont appelé à la mise en place, pour mercredi prochain, d’un blocage des activités pour une durée indéterminée.

Le préfet de cette province, Luis Bermeo, a demandé que la frontière soit déclarée territoire neutre et que le gouvernement assume ses engagements « avec les provinces d’où sort le pétrole du pays tandis que sa population vit dans la pauvreté. » Bermeo a déclaré : « La société civile frontalière d’Amazonie est très préoccupée car les effets du Plan Colombie ont été dénoncés il y a des mois et le gouvernement n’a rien fait. On ne peut pas continuer à attendre. » Des commerçants installés à la frontière confirment que des guérilleros et des paramilitaires colombiens pénètrent depuis vingt ans dans le territoire équatorien pour acheter des aliments ou des vêtements, mais en Équateur les effets de la guerre ne s’étaient jamais fait sentir comme maintenant.

Un commerçant de la localité de General Farfán, sur la frontière, a expliqué qu’« ils viennent depuis toujours, habillés en civil, pour se reposer des combats en Colombie et pour s’approvisionner en vivres et en combustible. » Cependant, il a assuré qu’avec la mise en place du Plan Colombie, la violence dans le Putumayo a augmenté et qu’elle se déplace en Équateur. « En même temps que les fumigations (des cultures illicites en Colombie), l’activité des AUC, qui dans le passé était faible, a augmenté et maintenant nous devons subir que des gens soient tués dans les attentats sur l’oléoduc et que les communautés indigènes soient déplacées de leurs terres », a déclaré le commerçant.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2456.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : IPS, février 2001.
 
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