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DIAL 2480

HONDURAS - Des enfants et adolescents de la rue racontent leurs vies

III - Fanny, 18 ans

vendredi 15 juin 2001, par Dial

Voir la présentation faite dans DIAL D 2478.


Je vais vous parler un peu de ma vie. Il y a longtemps, quand maman était vendeuse et que papa travaillait chez Bambino, mes parents étaient ensemble. Nous habitions dans le quartier appelé Les Professeurs, mon papa était gentil avec ma mère. C’est à ce moment-là que mes tantes flanquèrent une autre femme dans les pattes à mon père et toute sa paye il la passait à boire. Un 24 décembre mon mon papa est revenu un peu éméché et ma maman était chez une amie quand mon papa lui a parlé, mais ma maman n’a pas voulu s’en aller et n’est revenue qu’un peu plus tard. Nous, nous étions en train de manger et mon papa lui a demandé de lui servir à manger et ma maman lui a répondu qu’il aille se faire servir chez l’autre, alors mon papa l’a tapée et ma maman lui a flanqué à la tête la marmite de riz chaud et puis elle est partie. Mes tantes avaient porté plainte pour qu’on la mette en prison, mais ma maman est partie à Tela pendant quelque temps et elle nous a laissés avec mon papa et puis elle est revenue. Comme j’étais l’aînée, j’ai pris la décision d’aller avec ma maman après sa séparation avec mon papa. Elle a envoyé mes frères à Santana, et mon papa qui s’était mis à vendre de l’alcool envoyait chaque fin de semaine la pension. Ma soeur, Johana, faisait du lavage pour mon oncle Saul, et comme elle avait du mal à tout laver, elle se faisait rosser avec le linge. Alors ma maman est allée tous les chercher et nous sommes partis vivre à Campo Cielo, et puis au bout de quelques mois mon papa s’est repenti et il est venu nous chercher, alors nous sommes allés habiter à los Pinos.

A ce moment-là tout allait bien, grâce à Dieu, mais comme mes tantes insistaient pour que ma maman se sépare de mon papa, au bout de quelques mois a recommencé à boire, à rentrer tard, il fallait toujours l’attendre. Un jour ma maman était occupée à vendre, moi je suis rentrée dans un restaurant et j’ai vu mon papa avec l’autre femme. Mon papa m’a demandé de ne rien dire à ma maman mais moi je n’en ai pas tenu compte, je suis allée rejoindre ma maman là où elle était et je lui ai tout dit. Mes parents ont commencé à se bagarrer, mon papa tapait ma maman, il nous jeta dehors et nous sommes partis, ma maman était enceinte de ma petite sœur. Nous sommes partis au milieu de la nuit et depuis Los Pinos nous sommes allés jusqu’au marché à pied. Ma maman pleurait à chaudes larmes, nous sommes arrivés au marché à 3 heures du matin et nous nous sommes installés sur des planches et puis comme ma maman avait une amie elle nous a logés, ma maman vendait des bananes et achetait à manger, le temps venu elle a accouché, puis au bout d’un mois elle laissait la petite à la garde de ma grande sœur. Ensuite ma maman a trouvé un logement à La Quebrada de Sapo dont la propriétaire était une brave femme. Nous dormions sur des cartons à même le sol, ma maman vendait et un jour elle rencontra dans la rue une femme, que son mari ne faisait que taper et qui avait deux enfants. Elles se mirent à bavarder et elle dit à ma maman qu’elle avait placé ses enfants dans un centre dont elle lui donna l’adresse. Ma maman y est allée, je me souviens qu’elle nous a emmenées pieds nus et avec des vêtements déchirés, et comme ça nous sommes arrivés à Valle de los Angeles, nous avions faim, mais comme Dieu est grand, ma sœur trouva une boite de conserve qu’elle partagea entre nous. Ma maman a parlé avec la responsable du centre qui lui a dit qu’elle ne pouvait accepter que les trois petites et que le dimanche suivant elle lui prendrait les autres, alors nous sommes repartis au marché et nous nous sommes mis à vendre, mais le dimanche suivant quand nous sommes revenus elle a dit qu’elle n’acceptait que mes deux frères, alors moi seule je suis repartie avec ma maman, mais comme elle voulait nous mettre tous en pension elle m’a cherché un centre municipal et m’y a fait rentrer.

Ma maman disparut alors pendant plusieurs mois, je me souviens que j’étais là depuis trois mois, que tout le monde recevait des visites sauf moi, je pleurais à chaudes larmes et je demandais à Dieu qu’elle revienne un jour. Mon anniversaire tombait dans cette période et je me souviens que mes amis que j’avais là m’ont organisé une fête et j’ai ressenti de la joie parce qu’on me fêtait, mais ensuite la nuit venue j’ai repensé que ma maman était loin et qu’elle ne pouvait pas être auprès de moi. Ensuite ma maman est venue et j’étais heureuse, elle s’est entendue avec les gens du centre et j’avais la permission de sortir les fins de semaines. Ensuite ma maman s’est mise avec un homme, mais comme c’était une fripouille je lui cachais ce que mon beau-père me disait. Je me souviens d’un 31 décembre où moi je ne voulais pas me mettre une jupe mais un pantalon et lui il lui plaisait de voir mes jambes, je m’en souviens, et comme il y avait un garçon à qui je plaisais, je suis sortie le retrouver dehors et nous nous sommes mis à bavarder sur le trottoir, mon beau-père m’a vue et comme il m’avait à l’œil avec mon fiancé il est allé dire à ma maman que je me laissais tripoter et c’était faux, alors ma maman m’appela pour que j’aille acheter une boisson fraîche et comme j’ai refusé elle m’a giflée. Je suis allée au lit et je n’ai pas eu la permission d’aller voir mon papa. Le lendemain ils m’ont emmenée au centre Humaya, et je pleurais en repensant à ce qu’ils m’avaient fait, mon beau-père et ma maman, et je ne voulais pas sortir et puis il a fallu que je quitte le centre, ma maman m’a sortie du Centre Humaya, alors j’ai vendu avec elle du jus de sapotier, nous avions tous du travail, et puis une nuit quand je rentrais à la maison mon beau-père a voulu abuser de moi, alors j’ai quitté la maison et j’ai décidé de me réfugier à Casa Alianza.

C’est à ce moment-là que j’ai commencé à traîner dans la rue, je suis restée un temps au Refuge, on m’a transférée au Foyer, j’étudiais, je jouais à la Isla. J’avais un petit ami qui s’appelait Raphaël et qui se droguait, un soir où je le retrouvais comme je n’avais jamais essayé la colle j’y ai goûté avec des amis et mon copain, ça m’a plu et je suis partie du Foyer, je me suis droguée, j’ai connu Erick, je me suis donnée à Raphaël ; penser que c’était le premier homme de ma vie, c’était comme un rêve. Et puis j’ai fait la connaissance de ses sœurs et comme c’étaient des filles de la rue elles voulaient que je me prostitue, mais moi je ne voulais pas et je passais pour une méchante fille, j’ai beaucoup souffert pendant des mois. J’ai alors connu Rony et on s’est mis ensemble, mais au bout d’un moment j’ai quitté la maison, comme j’étais trop en manque de drogue je suis revenue à la rue et puis je me suis mise avec Erick, c’était au moment où j’étais le plus accroc, je suis partie à Tamara et c’est à ce moment là que je me suis rendu compte que j’étais enceinte mais je ne savais pas de qui était l’enfant, mais je suis repartie, je ne suis restée qu’une nuit, je suis revenue à la drogue et comme j’étais enceinte parfois je me ressaisissais, et parfois je souffrais de la faim. Je suis revenue au Refuge, mais je rentrais et je sortais parce que j’avais trop besoin de drogue, pour moi c’était difficile de m’en passer, ça a été très difficile de revenir au Refuge, je ne pensais qu’à la drogue et chaque jour un peu plus, je retrouvais mes amis et mon copain à Bigos.

Je suis revenue chez moi et le moment venu j’ai accouché de ma fille chérie qui par ma faute est née avec un poids faible et beaucoup de difficultés. Au bout d’un certain temps j’ai laissé ma fille avec ma mère et je suis revenue à la drogue sans vouloir penser à la souffrance que je ressentirai à l’idée que ma fille serait privée de la chaleur de sa mère. Moralement je souffrais, il n’y a pas de doute, je pensais à elle, et puis on m’a jetée en prison à la Mora et quand ma maman venait me voir avec ma petite nouvelle née, je pleurais. Et puis je suis sortie, on a signé ma mise en liberté, j’étais soumise à une tentation diabolique, je me suis remise à la drogue. Je commettais des abus, je volais, je frappais mes amis pour la drogue, parfois j’allais voir ma fille et j’arrivais droguée et ma mère pleurait de voir que pour ma fille je n’avais pas changé. Même les policiers voulaient abuser de moi parce qu’ils savaient que j’étais une fille des rues.

Maintenant que je suis revenue au Refuge je ne voudrais plus en sortir mais comme le diable est un grand tentateur je demande au Bon Dieu de me rendre forte pour ma fille. Je sais que ma fille peut-être m’acceptera, peut-être pas, parce qu’elle n’a jamais eu la chaleur de sa mère, mais, mon Dieu, je vous demande du fond du cœur de m’aider à me passer des drogues. Cette histoire qui est la mienne doit faire réfléchir parce que c’est comme un cauchemar. Merci de m’avoir écoutée, refuse les drogues, pense à l’avenir que Dieu est grand.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2480.

 Traduction Dial.

 Source (espagnol) :  Casa Alianza , juin 2001.

 

En cas de reproduction, mentionner au moins les auteurs, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

 

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