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MEXIQUE - Le projet économique d’Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO)

Lucía Converti

mardi 10 avril 2018, par Françoise Couëdel

20 mars 2018.

Le 1er juillet auront lieu au Mexique les élections présidentielles [1]. Parmi les candidats qui se présentent se trouve Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO), ancien chef du gouvernement de la Ville de Mexico qui, soutenu par l’équipe du Mouvement de régénération nationale (Morena) et du front Ensemble nous ferons l’histoire [Juntos haremos historia], a de grandes chances d’accéder à la présidence selon les enquêtes électorales [2].

AMLO a présenté son Projet 2018-2024 [3]dans lequel il expose une série de propositions économiques, sociales et politiques dans le cas où il accéderait à la présidence du Mexique. Son projet révèle un profond et sérieux niveau d’analyse des problèmes que connaît aujourd’hui le pays, il pose des diagnostics et propose des projets concrets pour apporter des solutions à long terme.

L’application de la théorie

Le projet économique de AMLO est basé sur la théorie keynésienne de croissance par la demande. La dépense publique et l’investissement, aussi bien publique que privé, sont les moteurs de l’économie. Néanmoins le projet n’est pas d’augmenter la dépense publique mais d’améliorer la redistribution. Dans ce projet il estime qu’une grande part de l’augmentation de la dépense publique des dernières années a été utilisée pour le fonctionnement du gouvernement – c’est-à-dire pour financer la bureaucratie administrative – et par la corruption, et non pour améliorer les conditions de vie des Mexicains.

L’épargne et la redistribution des ressources permettront d’atteindre le déficit zéro, sans augmenter le niveau de la dette publique ni créer de nouveaux impôts (ni augmenter ceux qui existent déjà). Il est important de signaler en ce sens que seule la moitié du budget est couverte par les recettes fiscales. Le reste provient des ressources énergétiques et de la rente pétrolière.

Avec ce qu’il parviendra à économiser il prétend doubler les retraites des adultes âgés du reste du pays jusqu’à les rendre équivalentes à celles de la ville de Mexico. Il offrira des bourses d’étude, il embauchera un nombre de jeunes qui ne font pas d’études et n’ont pas de travail, pour les former et leur donner des emplois dans des ateliers, des entreprises et dans le commerce, en prenant ainsi en compte un problème générationnel de plus en plus important. Il offrira son soutien immédiat aux communautés originelles, condamnées à la pauvreté et à l’exclusion. Cette idée de redistribution ne doit pas être comprise uniquement comme un projet d’amélioration des conditions de vie, efficace et nécessaire en soi, mais comme un moyen aussi de dynamiser la consommation privée et de stimuler l’investissement.

AMLO reprend dans son projet le besoin de renforcer l’État et le secteur public, sans leur donner la priorité sur l’initiative privée, mais grâce à une vision responsable de ceux qui sont en charge de garantir non seulement la croissance économique mais également le développement social national. En ce sens il s’engage à permettre l’accès aux universités à toux ceux qui ont la volonté de se former, à réformer le système public de santé pour qu’il offre à tous des services de qualité, à reprendre la gestion de PEMEX et en augmenter la production comme garant de la souveraineté énergétique et des revenus nationaux.

Développement des secteurs productifs

Dans la perspective d’atteindre la souveraineté alimentaire il envisage de planifier l’amélioration du secteur de l’agriculture et de l’élevage. Il projette d’étendre la culture du haricot et du maïs, et de planter un million d’hectares en arbres fruitiers et en arbres destinés à l’exploitation forestière, d’encourager l’élevage durable et la récupération du secteur de production de café. Grâce à ces mesures il prévoit d’améliorer les conditions de vie des habitants des territoires ruraux et d’accroitre la productivité et la durabilité de la production par l’usage des nouvelles technologies.

Pour ce qui est du secteur industriel, l’idée centrale est d’augmenter et de diversifier les exportations. Actuellement le Mexique souffre d’une grande dépendance à l’investissement étranger direct pour maintenir sa balance des paiements positive et le volume des exportations nationales est faible comparé à celui des importations. En ce sens augmenter le volume des exportations dans des secteurs stratégiques, favoriser l’achat par l’État de productions nationales, et privilégier les entreprises mexicaines en encourageant un investissement plus important dans la technologie et l’innovation, complètent l’objectif de renforcer la production destinée à l’exportation.

Créer des centres de production dans des zones urbaines marginales et monter des consortiums ou des associations de PME mexicaines est aussi un projet destiné à consolider leur position sur le marché et augmenter les sources d’emploi.

Le projet envisage aussi des grands projets de travaux publics en infrastructures, de financements mixtes public-privé, qui auront un fort impact économique. Quant au secteur énergétique il propose de construire deux nouvelles raffineries et de moderniser celle qui existe. Pour favoriser le secteur touristique il envisage l’ouverture de la ligne ferroviaire « trans-péninsulaire » et la construction du corridor interocéanique, le « Transísmico », pour le développement intégral de l’isthme de Tehuantepec. Ces travaux, entre autres, contribueront au développement régional, seront créateurs d’emplois et leur construction dynamisera le secteur productif.

Politique des salaires et de l’emploi

Son projet de gouvernement prévoit une augmentation du salaire minimum annuel jusqu’au rattrapage du pouvoir d’achat perdu et l’élévation du minimum du niveau de bien-être. Face à cette perspective l’opposition a dénoncé un scenario d’inflation assurée auquel l’équipe économique répondra avec des données chiffrées. La productivité totale de l’emploi au Mexique n’a pas chuté, il n’existe donc pas de raisons pour prévoir un scenario inflationniste au regard de l’augmentation des salaires.

Si on tient compte de la part importante de l’économie informelle qui caractérise l’économie mexicaine, il envisage l’économie sociale comme un espace productif important si on contribue à son développement. En même temps il prévoit que les résultats des politiques appliquées à la production auront un fort impact sur la création de véritables emplois. Il faudra créer des incitations aussi bien pour lutter contre la fraude à l’emploi que pour encourager de justes rétributions, et ouvrir une instance pour les négociations collectives par branche industrielle, en encourageant la défense des droits des travailleurs. Ce point revêt un intérêt particulier non seulement pour les Mexicains mais aussi pour les principaux partenaires commerciaux. Un des points importants abordés pour la renégociation du Traité de libre échange d’Amérique du Nord (TLCAN) a été celui des bas salaires des Mexicains [4].

Pour ce qui est du TLCAN le projet prévoit de le renforcer en améliorant les conditions de négociation en faveur des Mexicains, en obtenant qu’une plus grande part soit donnée aux productions nationales. Néanmoins la dépendance à l’égard des États-Unis, quant au commerce extérieur, et la forte ingérence de ce pays au Mexique sont fortement remises en question par AMLO.

Pour terminer il est important de souligner une problématique, aussi bien sociale qu’économique, que pose le candidat quant au rôle de la femme, bien qu’il ne soit pas le seul candidat à la poser. Parmi ses propositions concernant le travail il mentionne l’obligation de garantir l’égalité des salaires entre hommes et femmes pour un même emploi et il va au-delà en soulignant l’importance que les hommes assument la moitié des tâches domestiques et du soin des enfants, en modifiant la législation du travail et en favorisant un changement culturel.

En guise de conclusion

Comme on peut le voir le contenu du projet s’oriente vers une économie productive et inclusive de croissance et de développement. Il s’appuie sur une pensée qui respecte les paramètres de l’équilibre économique, l’austérité, le contrôle, à l’opposé des propositions que font sur l’avenir ses adversaires candidats à la présidence.

AMLO leur répond en respectant l’indépendance de la Banque du Mexique [Banco de México], en négociant avec le secteur bancaire et en affirmant qu’il n’interférera pas dans ses affaires, mais en mentionnant toujours que l’objectif est d’inclure les exclus. Il réclame que les banques offrent des services financiers à tout le pays pour pouvoir arriver jusqu’aux lieux les plus reculés et propose comme politique, pour ce qui est du secteur financier, de reprendre le fonctionnement de la banque de développement comme telle.

Il sait que le changement ne se fait pas en un jour et que les difficultés peuvent augmenter, mais avec l’objectif principal de la réduction de la pauvreté, d’une plus grande efficacité de l’État, de l’augmentation de la production, et de la croissance par l’inclusion, le projet économique de AMLO est viable et durable pour un Mexique qui connaîtra une plus grande croissance économique et une justice sociale.


Lucía Converti est chercheuse au CELAG.

Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : http://www.celag.org/el-proyecto-economico-de-amlo/.

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