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DIAL 3533

CUBA - Georgina Herrera : La voix d’une noire marronne

samedi 30 mai 2020, par Dial

Georgina Herrera est une poétesse afrocubaine. Son premier livre a été édité par la maison d’édition El Puente en 1962. Ce texte a été rédigé en avril 2020, à l’occasion de son quatre-vingt-quatrième anniversaire. Il a été publié sur le blog de Sandra Abd’Allah-Alvarez Ramírez, Negra cubana tenía que ser, le 23 avril 2020.


Comme il est bon de parvenir à cet âge, auquel j’arrive aujourd’hui, de 84 ans ! Aujourd’hui 23 avril, jour de la langue castillane, avec le bonheur d’une vieille noire d’autrefois dont les plus jeunes s’occupent et prennent soin.

Plus d’une personne qui connaît ma vocation de noire marrone a souri avec une ironie moqueuse en me disant que j’aurais dû naître le jour de la langue africaine et, sans ironie, j’ai répondu que c’est le jour de la langue des racistes, pour leur dire dans la langue de leurs ancêtres, ce que je pense qu’ils doivent entendre, sans traduction, pour que soit bien compris ce qui tôt ou tard va leur tomber dessus. Au bout du compte, ce que je devais savoir, aimer et perpétuer de l’Afrique je l’ai appris ce que racontait mes vieilles noires d’autrefois, que je comprends et j’admire chaque jour davantage du fait de l’âge auquel j’arrive, et auquel vous aussi arriverez suivant le cours inaltérable des choses.

Et voilà que, par je ne sais quel hasard, ces jours-ci précisément, la mort rôde, rageuse, déguisée du nom d’une nouvelle maladie. Et je l’avoue, j’ai peur, peur qu’elle vienne se reposer à ma porte qui est chargée d’indices qui lui donneront l’impression d’être de retour chez elle : asthme, polynévrite, cardiopathie, hypertension.

Je crois que la peur est le meilleur moyen de ne pas me sentir vaincue.

Alors, au milieu de ce tourbillon, je conserve un espace bien au clair sur un futur possible, en cas de réincarnation. Je veux être ce que je suis maintenant, revenir aussi souvent qu’il le faudra comme la première fois : forte, combattante, amoureuse, noire marrone, quilombola, revenir comme si je n’étais pas partie, en étant ce que je suis : noire, pauvre et femme, et reprendre mon poste dans notre lutte, parce que cette lutte, la nôtre, ne va pas se terminer avant longtemps.

Yoya

avril 2020.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3533.
 Traduction d’Annie Damidot pour Dial.
 Source (espagnol) : blog Negra Cubana tenía que ser, 23 avril 2020.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’autrice, la traductrice, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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