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MEXIQUE-ESPAGNE - La monarchie, la démocratie, les intérêts

Gerardo Villagrán del Corral

vendredi 18 octobre 2024, mis en ligne par Françoise Couëdel

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26 septembre 2024.

Réagissant à l’exclusion du roi (Philippe VI de Bourbon) de la prise de possession de la présidente élue du Mexique, Claudia Sheinbaum, le gouvernement de l’Espagne a décidé de n’y participer en aucune façon, dit un communiqué du Ministère des Relations extérieures de Madrid.

Les hautes sphères du pouvoir politique et économique de l’Espagne ont considéré comme une offense le fait que l’équipe de la future mandataire ait transmis l’invitation au président du gouvernement, Pedro Sánchez, mais pas au monarque.

Sheinbaum, le mercredi, a qualifié d’« offense » au peuple mexicain que la Couronne espagnole refuse de demander pardon pour les abus de la conquête, après sa décision d’exclure le roi Philippe VI de sa cérémonie d’investiture, le 1er octobre prochain, et a dit clairement que son gouvernement continuera à solliciter les excuses de l’Espagne, déjà demandées par le président sortant, Andrés Manuel López Obrador (AMLO), en 2019.

« Quand la Couronne espagnole non seulement refuse de demander un pardon qui ennoblit les peuples et ne les humilie pas […] et qu’en outre il n’y a pas de réponse officielle du président de la République […] au représentant du peuple du Mexique, de l’État mexicain, c’est évidemment faire offense non seulement au président, à l’homme, mais aussi au peuple du Mexique » a-t-elle dit.

De toute évidence il ne s’agit pas d’une maladresse ni d’un impair diplomatique, mais cela révèle le fait que Philippe VI en personne s’est disqualifié en tant qu’interlocuteur du Mexique quand il a refusé de répondre au courrier officiel de 2019 par lequel AMLO l’invitait à participer, au nom de l’État espagnol, à un acte de réparation mutuelle et une demande de pardon au nom de l’État espagnol aux peuples originaires qui furent envahis, pillés, décimés, et soumis par les conquistadors de l’Espagne et, postérieurement, à la République mexicaine indépendante.

Au courrier du mandataire, le Ministère des affaires étrangères a répondu, en revanche, par une simple note, ce qui a été considéré par les autorités mexicaines comme une grossièreté et une manifestation d’arrogance injustifiable.

La violence de la conquête du Mexique a été un épouvantable chapitre de l’histoire de l’invasion des peuples américains. L’hostilité entre aztèques et espagnols a grandi quand le conquistador et génocidaire, Hernán Cortés, a condamné les pratiques religieuses de ce peuple. Le conquistador espagnol a détruit la cité de Tenochtitlán et réduit en cendre les symboles et la mémoire des aztèques.

Cortés s’est acharné à soumettre les aztèques et à anéantir leur culture, il a provoqué la mort de Moctezuma pour la gloire du « plus grand de tous les empires », celui de Charles Quint. En 2006, les archéologues qui faisaient des fouilles dans l’état de Tlaxcala ont exhumé les restes de quelque 550 personnes, membres d’une troupe d’envahisseurs espagnols. Pour la première fois, c’était la preuve qu’il y avait bien eu résistance à la conquête et qu’était remis en question le mythe qui prétendait que les aztèques avaient reçu pacifiquement les Espagnols.

Le génocidaire Cortés a été honoré par Charles Quint du titre de marquis de la Vallée d’Oaxaca, alors que « tout était en ruines, incendié, mis à sac et détruit par les canons ».

Les attaques réduisirent en cendres la culture aztèque, son culte religieux et la langue náhuatl, sans oublier que furent brûlées des œuvres écrites et peintes. Les temples furent rasés et des œuvres en un temps faites en or, furent fondues ou devinrent des trophées pour les collections européennes.

Pour Philippe VI, fils du tristement célèbre Juan Carlos I, la visite du Palais National (du gouvernement) aurait été perturbante. Diego Rivera, le célèbre muraliste, passa 22 années à peindre les fresques dans lesquelles il a illustré des moments clés de l’histoire du pays, évoquant autant le monde précolombien, la culture toltèque, le dieu Quetzalcóatl ou la puissance aztèque que l’arrivée des Espagnols, la conquête de Tenochtitlán, les dommages du rouleau évangélisateur des moines catholiques, l’esclavage auquel ceux-ci ont soumis les Indiens.

Les entreprises espagnoles

Les entreprises espagnoles au Mexique ont une longue histoire. Les corporations les plus anciennes, connues au Mexique sont Santander, BBVA. La Caixa et Banco Sabadell dans le secteur financier, Iberdrola, Gas Natural Fenosa, Repsol, Abengoa, Elecnor y Grupo ACS, dans le secteur énergétique ; OHL, FCC. Isolux, Abengo, ACS-Dragados. Acciona Agua. CAF, Cobra, Alesa, Gamesa, Azvi y Assignia, dans le secteur des infrastructures, et Telefónica dans celui des communications.

Les entreprises touristiques qui opèrent au Mexique sont Sol Melia, Riu, Barceló, NH Iberostar, Oasis, et celles du secteur automobile Infamous, Gestamp, Groupe Antolín, Garay, Fagor Arrasate, Corporación Mondragón, tandis qu’Aena et Abertis opèrent dans le secteur aéroportuaire. Également, les Groupes Lar, Mall et Grand Coral œuvrent dans le domaine immobilier, Mapfre dans le secteur des assurances et Planeta, Santillana et Tusquets dans celui de l’édition.

En février 2022, face à l’entêtement des autorités espagnoles à défendre les abus et les fraudes des entreprises énergétiques espagnoles au Mexique, López Obrador a déclaré qu’il était bon de faire une pause dans les relations, ce qui a suscité de nouvelles déclarations irritées de la part de la Chancellerie madrilène. Depuis lors les relations diplomatiques sont gelées – sans qu’il y ait rupture – ce qui n’empêche pas que se maintiennent les relations économiques, sociales et culturelles.

Hostilité impériale

Dans certains secteurs a surgi l’espoir que les liens entre les deux gouvernements acquièrent un nouveau dynamisme après la succession à la présidence du Mexique.

« Il était évident et compréhensible que l’invitation imminente à la prise de possession de la prochaine présidente prendrait un tour moins hostile et arrogant que celui du roi des Bourbons, qui n’a pas émis, en six ans, un seul signe de rapprochement, de cordialité ou de courtoisie qui permettrait d’effacer les effets de sa maladresse initiale. Pourtant, au palais de la Zarzuela et apparemment à La Moncloa, il a été décidé de maintenir et d’aggraver les hostilités », indique le quotidien La Jornada.

Le monarque espagnol devient à nouveau un facteur d’isolement international, même si pour Madrid il serait préférable de relancer le dialogue avec le Mexique et de réorienter ses relations chancelantes avec les pays latino-américains en général après le fiasco dont est responsable le candidat vénézuélien à la présidence, Edmundo González.

L’arrogant père du monarque actuel, le chasseur d’éléphants Juan Carlos 1er, couronné par le dictateur Franco, le 10 novembre 2007, lors d’un Sommet ibéroaméricain, s’en est pris à Hugo Chávez, le président vénézuélien. « Pourquoi ne te tais-tu pas ? » est la phrase qu’a prononcée le roi, après que Chávez a qualifié de « fasciste » l’ex-président du gouvernement espagnol, José María Aznar. Le président vénézuélien insista et exigea que le Roi présente des excuses, pardon qui n’a jamais été demandé.

Le franquisme a cédé la place à la monarchie respectant l’ordre démocratique de 1978 comme garante du nationalisme espagnol et de la hiérarchie sociale. Pour cette raison la monarchie est le symbole de la faiblesse de la démocratie espagnole. Mais il y a des Espagnols qui croient encore être les maîtres – du moins sur le plan culturel – de l’Amérique latine. La nouvelle présidente mexicaine, élue par le peuple, le sera sans la présence d’un roi héritier d’une couronne baignée de sang.


Gerardo Villagrán del Corral est un anthropologue et économiste mexicain, associé au Centre latino-américain d’analyse stratégique (CLAE www.estrategia.la).

Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://estrategia.la/2024/09/26/mexico-espana-la-monarquia-la-democracia-los-intereses/.

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