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DIAL 3678 - Reportage

BRÉSIL - Le « roi du Nord », Helder Barbalho, gouverneur du Pará, utilise le discours de protection de l’Amazonie pour étendre son pouvoir

Malu Delgado

jeudi 30 novembre 2023, mis en ligne par Pedro Picho

L’agence Sumaúma est une plateforme brésilienne de journalisme indépendant basée à Altamira sur le moyen Xingu, elle se consacre à la défense de la forêt amazonienne, de la nature autant que des peuples indiens. Elle tire son nom de l’un des plus grands arbres de la forêt, la sumaúmakapokier en français [1]. Ce reportage de Malu Delgado [2] à Belém, au Pará, a été publié sur le site de l’agence le 28 août 2023.


Bien qu’il commande pour la deuxième fois l’un des États champions de la déforestation, de l’exploitation minière illégale et des incendies criminels, l’héritier politique du clan Barbalho, l’une des oligarchies les plus puissantes du Brésil, a réussi à vendre l’image d’un « gouverneur vert ».

Réélu dès le premier tour comme gouverneur du Pará en 2022, avec un résultat écrasant – 70,41% des suffrages valides, le pourcentage le plus élevé parmi les gouverneurs élus du Brésil –, Helder Barbalho (du parti MDB) [3] s’est rendu compte que l’Amazonie est son laissez-passer pour gagner de l’espace sur les scènes politiques intérieures et extérieures. L’homme politique associe son image à la défense du « développement durable », de la « bioéconomie » et de la « forêt sur pied », d’ailleurs, il la considère comme un « atout économique » de l’État du Pará. Héritier d’une oligarchie qui, dans le passé, a été liée à des soupçons de corruption et de grilagem (appropriation illégale de terres publiques), Helder veut être considéré comme un « gouverneur vert », un plan qu’il mène avec compétence, principalement parce que sa famille contrôle une grande partie de la presse écrite, de la télévision et de la radio au Pará.

Jusqu’à présent, Helder s’est maintenu en équilibriste selon un plan qui pourrait sembler impossible : tout en prononçant un discours pro-environnemental, notamment sur la scène internationale, le gouverneur soutient les garimpeiros [4] – il a même approuvé, en octobre 2021, la loi qui a créé la Journée du Garimpeiro, le 11 décembre – et l’exploitation minière transnationale au sein du Pará. En s’alliant avec Luiz Inácio Lula da Silva (PT) et en parvenant à organiser la 30e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP-30) à Belém, prévue en 2025, il a accru son poids politique et sa stature nationale. Le Sommet amazonien, qui s’est tenu dans la capitale du Pará les 8 et 9 août, un événement qui, dans la pratique, a fini par être une préparation pour la COP-30, s’est terminé sans l’engagement officiel des huit pays ayant des forêts tropicales en faveur de la déforestation zéro, ou pour arrêter l’avancée de l’exploration des combustibles fossiles en Amazonie. En tant qu’organisateur de la rencontre, Helder Barbalho a profité de sa visibilité pour répéter, au cours des diverses interviews qu’il a données aux principales télévisions du Brésil, que sans combiner les trois aspects de la durabilité (environnementale, sociale et économique), le monde ne sera pas en mesure de mettre en œuvre un nouveau modèle de développement. Pourtant, malgré son battage médiatique, le gouverneur a été interpelé par la société civile et le mouvement indien au sujet d’une attaque violente dans l’État : trois personnes du peuple Tembé ont été abattues dans la municipalité de Tomé-Açu, à 200 kilomètres de Belém, à la veille du sommet.

Avec des projets ambitieux pour son avenir politique, le « roi du nord » devra expliquer pourquoi le Pará est l’un des champions de la déforestation et reste l’un des États les plus violents d’Amazonie. Le surnom de « roi du nord » est apparu pendant la pandémie de Covid-19 dans les mèmes qui associaient Helder Barbalho au personnage de Jon Snow, chef du royaume du Nord dans les livres et la série Game of Thrones. Les phrases du gouverneur sont devenues virales sur Internet, en opposition au président d’alors, Jair Bolsonaro, négationniste de la crise qui a tué plus de 700 000 Brésiliens. Avec une forte présence sur les réseaux, en particulier pour la défense des vaccins, Helder a créé une stratégie de communication qui lui a procuré engagement et votes. Actuellement, rien que sur Instagram, il compte près de 650 000 abonnés.

L’une des principales critiques des écologistes et des experts du climat à l’égard des politiques environnementales du gouvernement du Pará est précisément le fait qu’il n’y a pas d’engagement pour l’arrêt de la déforestation, qui est un objectif pourtant assumé par Lula et l’un des agendas qui ont dominé les débats du Sommet amazonien. « 70% des domaines de l’État sont sous la responsabilité de l’Union, et sans une coopération forte, nous ne serons pas en mesure d’atteindre cet objectif », a expliqué le gouverneur à notre reporter de l’agence Sumaúma, par courrier électronique. Alors qu’Helder affirme que l’État ne peut pas superviser les terres autochtones ou les unités fédérales de conservation, une note technique de l’Institut de recherche environnementale de l’Amazonie (IPAM) a averti l’année dernière que « bien qu’une partie considérable de la déforestation soit située sur des terres publiques, principalement fédérales, la gouvernance environnementale en Amazonie manque d’actions aussi bien aux niveaux fédéral que privé ».

Le gouverneur, qui se présente comme lié à l’agenda climatique mondial, défend la recherche pour l’exploration pétrolière dans le bassin de l’embouchure de l’Amazone. Pour ce faire, il utilise la tactique de dire que l’avancement de ce projet n’est toujours « que de la recherche et ne signifie pas l’exploitation ». C’est le discours dominant de la classe politique en Amazonie. « Le moment n’est pas à l’autorisation d’exploitation, mais à l’autorisation de forer pour étude. Bien sûr, cette exploitation ne devrait avoir lieu que si les études environnementales démontrent sans équivoque l’absence de dommages aux écosystèmes locaux », a déclaré le gouverneur dans un message écrit.

L’État du Pará, symbole de déforestation et de violence

Pendant 17 années consécutives, de 2006 à 2022 – une période qui comprend le premier mandat d’Helder – le Pará a été en tête des taux de déforestation au Brésil, selon l’Institut national de recherches spatiales (INPE). Tout au long de la période historique où l’INPE a mesuré la déforestation, commencé en 1988, le Pará a volé environ 167 000 km2 de végétation de la planète. C’est presque comme si on avait rayé de la carte un pays de la taille du Portugal, à deux reprises. Il existe d’autres statistiques stupéfiantes. L’État a été le champion des violations des droits humains au Brésil commises entre 2019 et 2022, selon le dernier rapport des organisations Justice globale et Terre de droits en Amazonie (le leader est le Mato Grosso), régulières ou non : il y en a 883, selon la cartographie publiée en février de cette année par MapBiomas, un réseau collaboratif qui surveille l’utilisation des terres au Brésil. Les quatre municipalités brésiliennes qui abritent le plus de pistes d’atterrissage pour l’exploitation minière se trouvent dans le Pará : Itaituba (255), São Félix do Xingu (86), Altamira (83) et Jacareacanga (53). Sur les cinq terres indiennes avec le plus grand nombre de pistes et de zones minières exploitées par des garimpeiros, deux se trouvent dans le Pará : Kayapó et Munduruku. L’exploitation minière, en vertu de la loi brésilienne, est considérée comme illégale si elle est pratiquée sur des terres indiennes, des unités de conservation ou des espaces publics destinés à des fins incompatibles avec l’exploitation minière.

Dans la région nord, le Pará est l’État où la plupart des conflits fonciers ont été cartographiés, dans le cadre de violentes luttes pour la terre, selon les données nationales de la Commission pastorale de la terre (CPT), publiées l’année dernière. En 2019, lorsqu’il y a eu la « Journée du feu » préméditée pour détruire les forêts (10 août), l’Inpe a enregistré dans le Pará, seulement pour les 10 et 11 août, 1 457 foyers d’incendies et une croissance de 1 923 % de leur nombre – par rapport aux deux mêmes jours de 2018. Si l’on prend en compte l’ensemble de l’année, les choses ont empiré au cours des années suivantes. À l’exception de 2021 (22 876), tous ont enregistré des foyers d’incendie encore plus élevés qu’en 2019, soit 30 165. En 2020, il y en avait 38 603. En 2022, 41 421.

Le blindage des médias de la famille

Pendant un mois, Sumaúma a été témoin du blindage médiatique et politique mis en place pour éviter d’ébranler l’image que Helder veut – et a pu – construire. Le rapport suscitait des demandes d’entretiens avec le gouverneur, les secrétaires, les politiques et les alliés, ainsi qu’avec les fonctionnaires qui s’occupent de l’agenda environnemental. Aucune demande n’a été acceptée. Le 21 juillet, on nous a confirmé que le gouverneur parlerait, par écrit, avec Sumaúma. Toutes les phrases de Helder Barbalho reproduites dans ce reportage sont donc des réponses écrites – elles n’ont pas été prononcées dans une interview, au cours de laquelle il aurait pu être directement confronté.

Helder Barbalho est arrivé au gouvernement en janvier 2019, à l’âge de 39 ans. Malgré les contradictions qui entourent son administration, il conserve la renommée de « roi du nord » sans égratignures profondes grâce à de puissantes alliances politiques et économiques. Pour ses partisans, ce surnom est un compliment à son succès et à sa forte personnalité. Les critiques l’utilisent de façon ironique pour évoquer les pouvoirs impériaux de son gouvernement et de sa famille, conforme à l’ancienne façon d’agir de l’oligarchie Barbalho, mais sous des apparences plus modernes et progressistes.

Durant son « règne », Helder est parvenu à se présenter comme un défenseur des peuples indiens, des populations traditionnelles et quilombolas [5] tout en défendant l’absence de contraintes pour l’exploitation minière, en embrassant le thème de la légalisation de l’exploitation minière illégale, en faisant de nombreux clins d’œil au secteur agricole – dont il fait lui-même partie – et en maintenant une coexistence plus que cordiale avec de grands propriétaires terriens, dont beaucoup ont des terres issues de l’accaparement illégal, même si cela est nié par l’aile bolsonariste de l’agrobusiness, connue pour son élan prédateur.

Le climat de peur parmi les fonctionnaires, les professionnels de la communication et les politiques en ce qui concerne la gestion de Helder Barbalho est palpable. Sous réserve de discrétion, cinq journalistes de Belém ont fait état des difficultés quotidiennes à obtenir des informations sur les actes du gouvernement et l’agenda du gouverneur. Contrairement à Lula et à d’autres dirigeants, Helder révèle à peine où il sera, ni qui il recevra. Sur le site officiel d’information du gouvernement, seuls quelques événements sont rapportés.

Selon un opposant, « le gouverneur n’accepte pas les critiques, il a un projet clair de pouvoir et il encercle ses ennemis ». Un collaborateur a évité d’accorder une interview par « prudence ». Ou encore, selon les mots d’un employé qui n’a pas voulu non plus être nommé, Helder exige des gages, donne des délais et fixe des objectifs. « C’est le meilleur spécialiste de marketing du Pará », a déclaré un communicateur qui n’a accepté de parler que sous réserve que l’on taise son identité.

« C’est le roi du nord, il faut le respecter », s’est écrié un chauffeur de mototaxi dans l’auditorium du Detran [6], le département de la circulation de Belém, inauguré en présence de Helder Barbalho. Il est arrivé avec près de deux heures de retard, entouré d’alliés et d’assistants. Ce qui était censé être la livraison du siège revitalisé et modernisé du Detran est devenu un acte politique : les chauffeurs de mototaxi, qui dominent les moyens de transport pour les personnes à faible revenu, ont rempli l’auditorium. L’un d’eux, choisi comme porte-parole du groupe, a déclaré qu’en 2022, on lui avait promis une nouvelle moto s’il soutenait la réélection du gouverneur. Il s’est écrié : « Alors, je soutiens Helder ». Le bureau du gouverneur savait que Sumaúma était présent lors l’événement. Helder a trouvé un moyen d’intégrer le programme environnemental dans la routine administrative. Lors de la signature d’une ligne de crédit pour les chauffeurs de mototaxi, il a averti : « Vous devez avoir une moto qui réduise les émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Un État qui accueillera la COP-30 ne peut pas financer l’augmentation des émissions qui causent des dommages à l’environnement ».

À l’Assemblée législative du Pará, parmi les 41 députés de l’État, un seul, qui est bolsonariste, ose se déclarer issu du « front de l’opposition ». Il s’agit de Rogério Barra, du même parti que l’ancien président Jair Bolsonaro, le Parti libéral (PL). Barra est le fils du commandant bolsonariste de la police fédérale, Éder Mauro (PL). Il a été secrétaire à la Justice lors du premier mandat de Helder, mais a rompu avec lui. Le député Toni Cunha a rejoint le PL à la fin du mois de mai et promet désormais une position critique vis-à-vis du gouverneur. La large base de soutien donne à Helder la tranquillité de gouverner et de faire approuver tout ce qu’il veut à l’Assemblée, aujourd’hui sous le commandement de M. Chicão (Mouvement démocratique brésilien – MDB). « C’est l’opérateur politique de la famille Barbalho », a déclaré à Sumaúma un politique de la vieille garde de l’État qui a exigé l’anonymat. Le président de l’Assemblée a annulé une interview avec notre journaliste, affirmant devoir représenter le gouverneur lors d’un événement.

La relation avec la Fédération de l’agriculture et de l’élevage du Pará est ombilicale et le président de l’institution, Carlos Xavier, jouit d’un libre accès au gouvernement. L’une des principales bannières de la fédération est la défense du bataillon rural, créé par Helder pour « garantir le droit à la terre, la sécurité juridique et la paix dans les campagnes ». Dans sa déclaration de patrimoine au tribunal électoral, en 2022, Helder a déclaré posséder du bétail (6 176 bovins, d’une valeur approximative de 12,3 millions de réaux [7]) et a également indiqué sa participation à la société Agro-élevage Rio Branco, avec des parts d’un montant évalué à 1,85 millions de réaux. Au total, les capitaux propres enregistrés s’élèvent à 18,75 millions de réaux.

Il y a aussi une atmosphère plus qu’amicale avec la Cour des comptes, pour laquelle le gouverneur a approuvé la nomination de son épouse, Daniela Barbalho, comme conseillère. L’ancien député fédéral Arnaldo Jordy (Citoyenneté) a intenté une action en justice pour contester la nomination, en raison d’un népotisme évident. Il y a eu suspension temporaire de l’acte, par décision judiciaire, mais la Cour de justice du Pará a ensuite ouvert les portes à l’épouse du gouverneur pour qu’elle y occupe un poste à vie. Avec un salaire mensuel de 35 000 réaux, elle va maintenant juger les propres comptes de son mari en tant que conseillère judiciaire.

La COP, Lula et le projet national

La défense de l’agenda environnemental, rhétorique massive lors de son second mandat, a permis que le nom d’Helder circule dans les cercles de la politique nationale comme une option pour le poste de vice-président aux côtés de Lula en 2026, si le PT tente de le faire réélire et que son vice-président, Geraldo Alckmin (PSB), décide de décliner ce poste pour essayer de revenir au gouvernement de São Paulo. Si le plan échoue, la candidature de Helder au Sénat est tenue pour acquise. « Son vrai plan est d’être président du Sénat », a avancé un politicien chevronné du Pará.

Dans une réponse écrite, Helder a déclaré : « Sincèrement, ce n’est pas un sujet de réflexion pour l’instant. Mon souci est de mettre en œuvre tous les engagements que nous avons pris en faveur de la population du Pará, et ils ne sont pas petits, ils sont ambitieux. Le fait que nous ayons pu faire venir la COP-30 à Belém est une grande victoire, mais aussi une grande responsabilité. »

Helder et l’oligarchie Barbalho sont de plus en plus proches du président Lula, bien que le gouverneur n’ait pas travaillé pour l’élection du candidat PT au premier tour de 2022, puisque la candidate du MDB était Simone Tebet. Le frère d’Helder, Jader Filho, est devenu ministre de l’urbanisme, il est chargé des livraisons nationales du programme Minha Casa, Minha Vida [Ma maison, ma vie], dont le potentiel politico-électoral est immense. Jader Filho préside également le MDB du Pará et s’occupe des relations avec les maires de l’État. Le MDB gouverne 61 des 144 municipalités de l’État, soit 42%. Considérés comme le front politique qui l’a soutenu et réélu, plus d’une centaine de maires sont du côté du gouverneur. La candidature de Jader Filho à la mairie de Belém, en 2024, ou au gouvernement du Pará, en 2026, est dans le radar du clan Barbalho pour faire face à un nom fort du bolsonarisme dans la région.

Le lien avec Lula s’est intensifié en 2022, lorsqu’Helder a réussi, par l’intermédiaire du consortium de l’Amazone légale, à obtenir l’invitation du président élu, Lula, pour rejoindre la délégation à la COP-27 à Charm el-Cheikh, en Égypte. Lors du plus grand événement climatique de la planète, les gouverneurs de l’Amazonie légale, dirigés par Helder et avec le soutien de Lula, ont présenté à l’ONU la candidature de Belém à la COP-30. Ça a marché !

Le maire de Belém, Edmilson Rodrigues (PSOL) [8], a établi un partenariat avec Helder, notamment en raison de la COP-30. Dans la capitale, il est perçu comme l’ombre du gouverneur, ce qui déplaît à ses électeurs de gauche. Sur les réseaux sociaux, les gens plaisantent en disant que c’est Helder qui est le vrai maire. La principale raison pour laquelle la mairie est en orbite autour de l’État est sans doute économique. Belém ne perçoit pas l’ICMS (Impôt sur la circulation des biens et services) de l’exploitation minière, qui donne à l’État du Pará des ressources privilégiées.

Helder n’était pas directement impliqué dans l’élection pour la capitale en 2020, mais il y a été stratégique pour vaincre le candidat bolsonariste, le commandant de police Everaldo Jorge Martins Eguchi (du parti Patriote à l’époque, et aujourd’hui du PL). « Si le maire était bolsonariste, avec la présence de Bolsonaro ici à Belém, Zequinha Marinho, sénateur bolsonariste, serait allé au second tour de l’élection du gouvernement de l’État, en 2022 », a déclaré Edmilson Rodrigues dans une interview accordée à Sumaúma dans son bureau du quartier de Nazaré, au centre-ville. « Si le gouverneur m’était hostile et que j’avais changé de cheval, mes difficultés seraient énormes puisque Belém est une mairie pauvre, l’image de l’État aurait aussi été détériorée. »

Selon Edmilson, le gouverneur sait qu’il est inadmissible pour le Pará de déboiser davantage : « Helder a déjà abandonné le côté radical de l’agrobusiness. C’est peut-être pour cette raison notamment que la gauchisation d’Helder est positive. » La « gauchisation » à laquelle le maire fait référence est le rapprochement d’Helder en direction de Lula et des partis de gauche tels que les PT, PSOL et Rede [9], une stratégie du gouverneur pour arrêter l’avancée du bolsonarisme dans l’État et avancer sur un échiquier politique complexe.

Depuis l’élection de Lula, le sénateur Zequinha Marinho (Podemos) organise des réunions dans le Pará dans des zones d’accaparement de terres et de déforestation, comme la ville d’Altamira, cherchant à maintenir l’extrême droite mobilisée jusqu’à la prochaine élection présidentielle. Et l’ancien ministre des gouvernements PT qu’est Aldo Rebelo (PDT) fait une croisade « agromilitaire » dans tous les États amazoniens, où il défend l’exploitation minière illégale et s’organise avec les grands propriétaires, comme le montre Sumaúma.

Helder a déjà planifié sa succession. La vice-gouverneure Hana Ghassan Tuma (MDB), une fonctionnaire de carrière qui manque de charisme politique, se prépare à assumer le poste. En outre, elle a été nommée présidente du comité pour la tenue de la COP. Si elle ne rencontre pas la faveur de l’électorat, le plan pourrait continuer avec Jader Filho.

Les « joyaux de la couronne » sous le règne du gouverneur

Avant de quitter le poste de ministre de l’intégration nationale dans le gouvernement de Michel Temer en avril 2018, Helder a appelé à Brasilia Ricardo Balestreri, qui avait occupé le poste de secrétaire national à la sécurité publique lors du second mandat de Lula. Balestreri a été président d’Amnesty International au Brésil, il est aujourd’hui le coordinateur de la sécurité publique et des territoires du laboratoire Architecte futur des villes, de l’Insper, un établissement d’enseignement supérieur de São Paulo. « Helder m’a appelé à Brasilia et m’a posé une question : Comment puis-je transformer la sécurité publique au Pará de manière durable ? » Il a dit que la situation était tragique, dramatique. Et c’était le cas. Et il savait qu’il serait élu », a déclaré Balestreri à Sumaúma un après-midi de chaleur étouffante de l’été amazonien à Belém, quatre mois après avoir été relevé par le gouverneur, sans préavis, de ses fonctions au poste de secrétaire à l’Articulation de la citoyenneté.

Des données publiées en 2019 ont montré que le Pará occupait la quatrième place du classement national des morts violentes intentionnelles, selon le rapport annuel du Forum brésilien sur la sécurité publique. De 2014 à 2017, les morts violentes ont augmenté de 19,3%. Belém était la troisième capitale la plus violente du pays, derrière Rio Branco, dans l’Acre et Fortaleza, dans le Ceará. Le jour de son investiture, le 1er janvier 2019, Helder a dû faire face à un massacre. En moins de 18 minutes, cinq jeunes hommes ont été exécutés à bout portant dans le quartier de Cabanagem, dans la banlieue de Belém. La même année, le gouverneur a dû gérer la plus grande crise du système pénitentiaire après le massacre de Carandiru : une rébellion au Centre régional de détention d’Altamira a fait 58 morts. Lors d’un affrontement entre factions criminelles, 16 détenus ont été décapités. Le lendemain, quatre autres détenus ont été assassinés lors du transfert à Marabá.

L’une des principales explications de la victoire retentissante de Helder en 2022, dans un État où Bolsonaro a obtenu 45,25% des voix et Lula, 54,75%, a été le projet social Territoires pour la paix (TerPaz), avec les « Fabriques de la paix », une politique publique mise sur pied par Balestreri [10]. Les taux de violence et de criminalité dans les zones où TerPaz a été mis en œuvre ont connu des réductions significatives durant le premier gouvernement, ce qui est considéré, même par les opposants, comme le principal succès de Helder. Aujourd’hui, le gouverneur tente de vendre les Fabriques de la paix au gouvernement fédéral et aux administrations des États comme une « politique sociale modèle ».

Le problème, cependant, réside dans les statistiques générales du Pará. Il y a eu une baisse du nombre de morts violentes et intentionnelles dans la région Nord du pays, selon l’Annuaire brésilien de la sécurité publique 2023, mais pas dans l’État du Pará où ce nombre a augmenté : de 2 964 décès en 2021 à 2 997 en 2022. Sur les 50 villes les plus violentes du pays, sept se trouvent dans le Pará : Altamira, Itaituba, Marabá, Paragominas, Parauapebas, Castanhal et Marituba. Le Pará est toujours le sixième État le plus violent du Brésil, selon les données du Forum brésilien sur la sécurité publique. C’est-à-dire que la situation exige une action gouvernementale efficace.

Aux côtés de son père, Jader Barbalho – sénateur de la République et deux fois gouverneur du Pará (1983-1987 et 1991-1994) –, et de sa mère, Elcione Barbalho – dans son septième mandat de député fédéral –, Helder a assumé son premier mandat, conscient qu’il devrait créer sa propre empreinte et prendre ses distances avec le passé de son père, associé à la corruption. Il a parié sur la sécurité publique et a dû promettre « honnêteté et transparence ».

Jader, le patriarche de l’oligarchie Barbalho, a été condamné en 2013 à restituer plus de 2 millions de réaux qui auraient été détournés de l’ancienne Surintendance du développement de l’Amazonie (Sudam) [11]. Devant la Cour suprême fédérale, des poursuites pénales ont été engagées contre lui pour détournement des ressources de la banque Banpará et pour expropriation de terres de l’Institut national de colonisation et de la réforme agraire (Incra) dans les années 1980. L’affaire Banpará est arrivée à la Cour suprême pour la première fois en 1984 et a connu des allées et venues. En 2015, la Cour suprême a rejeté trois poursuites contre Jader, pour prescription. D’autres cas sont également classés sans suite en raison de son âge, le sénateur ayant atteint aujourd’hui les 70 ans. En bref : il n’y a pas eu de procès devant une juridiction supérieure. Jader a toujours nié les accusations, mais dans le Pará, cette phrase est populaire : « Ne donnez jamais la clé du coffre-fort à un Barbalho. »

Parallèlement à la promesse d’honnêteté, Helder a annoncé, lors de sa première investiture, qu’il créerait le Secrétariat de la citoyenneté, apportant toutes les agences gouvernementales dans les zones les plus violentes de l’État. C’était le projet que Balestreri aurait la charge de mettre en œuvre. « Nous sommes d’abord entrés avec la police de protection, nous sommes venus pour rester et nous avons créé l’ambiance pour revenir plus tard avec tout le staff des secrétariats d’État ».

Balestreri a quitté ses fonctions pour des raisons politiques, Helder a mis à sa place un cousin, Igor Normando (Podemos) ; pour l’instant c’est le nom choisi par le clan Barbalho pour être candidat à la mairie de Belém en 2024. L’utilisation politique flagrante du programme par le nouveau secrétaire provoque déjà un malaise parmi les fonctionnaires et les cadres techniques du projet. Le gouverneur peut retirer son soutien à la candidature de son parent s’il constate que sa carte de visite dans le domaine social est en danger.

Une bougie pour l’exploitation minière illégale, une autre pour les Indiens

Helder Barbalho en reste aux généralités lorsqu’on lui demande de répondre sur la façon dont est née la candidature de Belém à la COP : « Le monde a toujours discuté de l’Amazonie et de son importance dans l’équilibre de la planète, mais on sait vraiment peu de choses sur les défis de la vie et du développement en Amazonie. Il est juste que nous essayions d’organiser ici le plus grand événement géopolitique de la planète, afin que nous puissions sentir comment la forêt peut être un atout dans cette lutte contre le changement climatique. » La réponse pointe dans deux directions au moins : la forêt est considérée comme une marchandise, un bien économique et d’autre part il y a l’idée que sa protection ne peut empêcher le développement. La première est très populaire parmi les investisseurs du sud-est du Brésil et d’autres pays ; la seconde est répandue parmi les élites économiques impliquées dans des activités extractives en Amazonie, qui justifient généralement la déprédation du biome comme « développement ».

Lorsqu’on lui a demandé s’il croyait en un nouveau paradigme dans lequel l’extraction et l’exploitation minière clandestine ne seraient plus des protagonistes au Pará, Helder a répondu que son gouvernement n’a rien contre « l’exploitation minière clandestine faite dans le respect des lois, des règles et de la responsabilité », mais « l’exploitation minière illégale, nous ne la tolérons pas ». De janvier à juin de cette année, le Pará a récolté 565,2 millions de réaux avec la collecte de l’ICMS [12] auprès du secteur minier, soit près de 6% de la collecte totale des impôts de l’État, selon les données du portail de transparence de l’État.

La relation du gouvernement du Pará avec la compagnie minière transnationale Vale, responsable des deux plus grandes catastrophes environnementales de l’histoire du Brésil, Mariana et Brumadinho est un autre chapitre [13]. La Vale s’est associée à Norsk Hydro, multinationale productrice d’aluminium, projet social qui a mis en valeur l’image de Helder. Chaque unité avait un coût moyen estimé à 35 millions de réaux, selon Balestreri. Neuf de ces unités ont déjà été construites et sont en service. Le gouverneur a annoncé en mai son objectif de déployer 40 autres unités dans l’État. « Le gouverneur est un homme terre-à-terre. Il travaille dans la logique que nous sommes insérés dans un système capitaliste et que le secteur minier aura la primauté. La richesse du Pará vient en grande partie de l’exploitation minière », résume Balestreri, le père des Fabriques de la paix.

Avec ce raisonnement, Helder exige, sans aucune gêne, des investissements de la Vale et d’autres entreprises dans des projets gouvernementaux. « La Vale est dans le Pará depuis près de 40 ans. Leurs opérations existent et continueront d’exister, que le gouvernement de l’État soit partenaire ou non », a-t-il écrit à Sumaúma. « Rien de plus juste que de prendre une partie de ses énormes profits et de les utiliser au profit des habitants du Pará, en restituant une partie de l’énorme richesse qu’elle tire d’ici. »

La Vale, en plus du financement des Fabriques de la paix, a déjà annoncé l’injection d’au moins 670 millions de réaux dans les travaux de la COP-30, comme l’a montré Sumaúma. Pour justifier pourquoi il accepte comme un fait accompli l’exploitation prédatrice continue de l’une des compagnies destructrices les plus notoires de la forêt dans l’État du Pará, tant qu’elle continue de financer les travaux et les projets de son gouvernement, Helder Barbalho a recours à une acrobatie rhétorique : « Nous utilisons les ressources du partenariat avec la Vale pour réduire la dépendance économique à un modèle basé sur l’exploitation minière et l’agriculture. Une économie plus verte. Rien de tout cela ne signifie que nous baisserons la garde quand il s’agira d’obéir aux lois et aux règles de l’exploitation minière légale. »

En mai 2021, l’Assemblée législative du Pará a créé une Commission d’enquête parlementaire (CPI) contre la Vale. La classe politique semble établir une relation d’intimidation avec la société transnationale afin qu’elle continue d’aspirer la forêt et de maintenir dans l’État le plus grand complexe minier du Brésil. À la suite de la CPI, la Vale a signé un accord de contreparties d’environ 3 milliards de réaux, pour aider à financer le chemin de fer du Pará, un hôpital régional, de nouvelles Fabriques de la paix et un pôle métallurgique à Marabá.

Helder admet que l’économie du Pará « repose sur deux piliers : l’exploitation minière et l’agro-business ». Mais il dit qu’il doit y avoir des alternatives économiques « durables ». Pour le gouverneur, « il n’est pas juste que les pays riches bloquent la régulation du marché du carbone tout en parlant de préserver l’Amazonie ». Il poursuit : « C’est pourquoi il est essentiel qu’ils viennent ici pour connaître l’endroit dont ils parlent tant, qu’ils voient que les quelque 25 millions de Brésiliens qui vivent ici ont besoin de revenus et de développement social. Il est crucial de réglementer une fois pour toutes le marché à faible émission de carbone. » Ce sera « très frustrant », ajoute-t-il, si la régulation du marché du carbone n’aboutit pas d’ici la COP-30.

Sur cette question controversée, le gouverneur dispose d’un allié et d’un porte-parole stratégique au Congrès : son propre père. Jader Barbalho est l’auteur d’un projet de loi visant à réglementer le marché brésilien de la réduction des émissions (MBRE) au Brésil. Le sujet suscite tellement d’intérêt à Brasilia qu’il y a eu fusion de plusieurs propositions des parlementaires, qui ont commencé à être traitées ensemble et sont actuellement en cours d’évaluation par la Commission de l’environnement du Sénat.

Le patriarche de l’oligarchie Barbalho cite le Plan d’État Amazonie aujourd’hui (PEEA) du Pará comme exemple d’une vision stratégique à long terme pour réduire les émissions de carbone. D’ici 2030, les émissions devraient diminuer de 37 %. Le gouverneur a déjà évoqué la possibilité de porter l’objectif à 43% d’ici 2035. Sollicité par l’intermédiaire de ses conseillers, Jader est un autre de ceux qui n’ont pas répondu à la demande d’entrevue de Sumaúma.

« Développement durable » sans déforestation zéro ?

Le PEAA, institué en 2020, est ancré dans la politique de l’État sur le changement climatique, explique Gabriela Savian, directrice adjointe des politiques publiques à l’Institut de recherche environnementale amazonienne (IPAM) qui travaille en partenariat avec le gouvernement du Pará : « Le Plan Amazonie est une révision du Plan national pour la prévention, le contrôle et les alternatives à la déforestation, créé à l’époque (en 2009), mais avec une perspective différente, non seulement de lutte contre la déforestation, mais aussi de développement économique. »

Helder Barbalho a lancé ce plan à Madrid, lors d’un événement parallèle à la COP-25. C’était un contrepoint au programme anti-environnemental de Bolsonaro. Le plan, bien vu par les acteurs internationaux, établit que, d’ici 2036, le Pará atteindra la neutralité carbone. Le concept signifie qu’un équilibre doit être trouvé entre ce qui est émis par les gaz à effet de serre et ce que les systèmes naturels absorbent comme CO2. Le problème est que ce modèle de neutralité comporte la logique qu’un grand émetteur de gaz, par exemple, ne réduira pas nécessairement ses émissions. Il peut les compenser ou les réduire en partie, mais pas radicalement.

« Le Pará sortirait gagnant s’il donnait la priorité à un programme de paiement de services environnementaux, de rémunération des communautés autochtones, des établissements d’extraction et de développement durable qui aident vraiment à maintenir la forêt debout », explique Brenda Brito, chercheuse associété à l’Institut de l’homme et de l’environnement de l’Amazonie (Imazon) et titulaire d’un doctorat en sciences du droit de l’Université de Stanford (États-Unis). Jusqu’en 2021, le Pará était l’État brésilien qui déboisait le plus et émettait le plus de gaz à effet de serre, rappelle Brenda. Les objectifs du PEAA, dit-elle, sont maintenant insuffisants, d’un point de vue scientifique, et timides face à l’engagement du gouvernement fédéral d’atteindre la déforestation zéro d’ici 2030. « Comment allons-nous avoir zéro déforestation si le Pará dit que, à lui seul, il va déboiser 1 500 kilomètres carrés d’ici 2030 ? », demande-t-elle.

La politique de l’État sur le changement climatique, dit Gabriela Savian, prévoit une réduction moyenne de 6% de la déforestation de 2019 à 2036 : « C’est une réduction progressive jusqu’à ce que la neutralité climatique soit atteinte ». Gabriela admet que l’idéal serait « d’arrêter immédiatement la déforestation », mais, selon elle, cela ne se produira que lorsqu’il y aura une transition qui « permettra à la population de trouver d’autres formes d’économie moins dévastatrices que la culture du soja, l’élevage extensif, ou la dégradation de la forêt elle-même ». « L’année dernière, nous avons réduit la déforestation de 21% et cette année, nous travaillons également à la réduire considérablement par rapport à l’année dernière », a promis M. Helder. Les données qu’il cite proviennent du projet Prodes, de l’Institut national de recherches spatiales, qui mesure la déforestation au Brésil.

La loi foncière du Pará, qui a été examinée et approuvée par l’Assemblée législative, est un autre aspect controversé de la gestion de Helder qui peut avoir des impacts négatifs sur la déforestation, selon les écologistes. Lorsqu’elle a été adoptée en 2019, environ 60 institutions de la société civile se sont organisées pour demander au gouverneur d’opposer son veto à la législation. Elles craignaient que la loi donne des terres aux accapareurs de terres ou aux défricheurs, car les clauses et le contrôle social pour empêcher que cela ne se produise étaient fragiles et il n’y avait aucune garantie que la Constitution serait respectée. C’est-à-dire qu’il n’y avait aucune certitude que l’attribution des terres publiques vacantes obéirait à des critères hiérarchiques qui privilégient les territoires autochtones, quilombolas et traditionnels.

Un an après l’adoption de la loi, lorsque le gouvernement d’Helder a rédigé le décret qui la réglementerait, certaines suggestions de la société civile ont été incorporées. Mais il y a des experts qui critiquent toujours le manque de transparence sur l’identité de ceux qui achètent des terres publiques à l’État et sur leurs motifs.

En mars de cette année, Eliane Moreira, procureure du ministère public de l’État du Pará, et Ana Carolina Haliuc Bragança, procureure de la République de l’État de l’Amazonas, ont écrit un article, sur la plate-forme JOTA, dans lequel elles montrent, avec des arguments techniques, comment les politiques publiques foncières et environnementales sous Helder Barbalho favorisent l’accaparement des terres publiques. « Nous avons assisté à la composition des politiques foncières publiques, engendrées par un arsenal législatif, administratif et judiciaire, qui a évolué vers l’attribution privilégiée de terres publiques à des particuliers et même la validation d’occupations illégales ou non autorisées par les pouvoirs publics », ont-elles averti.

Par le biais de la loi sur l’accès à l’information, l’Imazon a demandé à l’Institut foncier du Pará (Iterpa) les données de ceux qui reçoivent les titres de propriété et les archives des cartes de ces propriétés. La liste avec les noms des personnes a été fournie, mais pas les cartes, ce qui rend difficiles le contrôle social et le suivi des processus de régularisation des terres. Sumaúma a demandé une interview à l’Iterpa, mais n’a pas reçu de réponse. La même chose s’est produite avec le Secrétariat à l’environnement du Pará.

Pas de paix avec les Indiens

Helder Barbalho a créé le secrétariat aux peuples indiens au cours de son deuxième mandat, après que Lula a créé le ministère des peuples indiens. « Notre institution a fait un travail de reboisement des esprits de l’État », a déclaré la secrétaire aux peuples indiens du Pará, Puyr Tembé, qui a envoyé un enregistrement audio à Sumaúma après avoir affirmé que son agenda ne lui permettait pas d’interview. La nomination de Puyr est loin de signifier la pacification des rapports entre les peuples indiens et le gouvernement du Pará.

« Nous voyons la croissance des plantations de soja, nous voyons tellement de bois prélevé dans la forêt, nous voyons l’exploitation minière illégale, qui progresse de plus en plus. Et maintenant, nous voyons les projets et comment tout cela va nous tous affecter », a dénoncé un responsable qui taira son identité par mesure de protection parce qu’il a déjà subi des attentats contre sa vie. Il est la cible constante de menaces de mort de la part d’accapareurs de terres et de responsables d’extraction minière clandestine. « Il n’y a pas de consultation des peuples autochtones. Ce qui a lieu, ce sont des discussions avec certains dirigeants à Belém. Il n’y a pas de consultation à la base, des gens qui souffrent du manque d’eau, de l’invasion de l’exploitation minière clandestine, de l’eau contaminée par l’exploitation minière, de la contamination par les pesticides, ni de ceux qui souffrent parce qu’il n’y a pas de politiques publiques dans les communautés ».

La secrétaire aux peuples indiens admet qu’il y a « un problème très difficile, qui est l’exploitation minière clandestine sur les terres autochtones, la déforestation, l’accaparement des terres, qui enlève la paix des territoires, des peuples indiens, et enlève même la paix de ceux qui gouvernent ».

Les dirigeants indiens observent avec appréhension l’avancée du chemin de fer du Pará, un projet considéré comme prioritaire par le gouvernement de l’État, qui reliera Marabá au port de Vila do Conde, à Barcarena, une région déjà fortement touchée par les activités minières de l’entreprise norvégienne Hydro. En avril, le gouverneur a signé à Pékin un protocole d’accord avec la plus grande entreprise de construction chinoise (Communications Construction Company) et la Vale pour mener à bien les travaux. D’autres craintes des populations indiennes portent sur les conséquences que pourraient engendrer les projets de construction de 44 grands barrages hydroélectriques dans le bassin de Tapajós et celle de Ferrogrão, un chemin de fer céréalier qui relierait le Pará au Mato Grosso.

« Il fait cette promesse d’allier développement et durabilité. Mais pour nous, cela n’existe pas », déclare ce leader indien menacé de mort. « S’il n’y a pas de participation des peuples indiens, des enfants, des chefs et des femmes, cela n’aura pas d’importance pour nous. » Pour ce dirigeant, le gouvernement de Helder manque « de sensibilité, d’ouverture au dialogue, d’écoute et de compréhension de la réalité ».

Alliance entre crime organisé et crime environnemental

Parmi les nombreuses contradictions et les défis auxquels Helder Barbalho est confronté au Pará, le plus récent et le plus inquiétant est la nouvelle dynamique de la criminalité qui se propage dans le nord et le nord-est du Brésil. Les régions de la forêt amazonienne sont devenues « partie intégrante de phénomènes criminels surprenants, allant des célèbres gangs de drogue du Sud-Est jusqu’aux petits criminels auteurs de vols de motos ou de téléphones portables, ou encore les conflits symboliques pour le contrôle territorial, combinés à la présence d’armes à feu et à la violence interpersonnelle », indique le rapport 2023 produit par le Centre d’études sur la sécurité et la citoyenneté. Les villages indiens et les populations traditionnelles sont les plus grandes victimes de ces phénomènes qui frappent durement l’Amazonie, souligne l’étude. Au Pará, le lien entre le crime organisé et les crimes environnementaux est plus qu’évident, alerte Aiala Colares, géographe spécialisée dans l’urbanisme et le développement socio-environnemental.

« L’implantation des organisations criminelles n’est pas due seulement à la dynamique du trafic de drogue, mais aussi à l’exploitation illégale de bois, la contrebande de manganèse et de cassitérite, à l’accaparement des terres et à l’avancée de l’exploitation minière illégale sur les terres indiennes de la vallée du fleuve Tapajós », explique Colares. La déforestation criminelle et l’exploitation minière clandestine ont des liens avec le travail esclave, la violence contre les femmes, l’exploitation sexuelle et le trafic de drogue. Les crimes environnementaux sont liés aux crimes de trafic de drogue dans la région, a-t-il déclaré.

Il n’y a plus de temps pour les négociations sur des actions concrètes pour préserver les forêts tropicales, comme le gouverneur lui-même le reconnaît dans sa réponse à Sumaúma. Le peu de temps auquel il se réfère pourrait être l’ennemi de ses propres prétentions politiques futures. Pour préserver le fief du pouvoir familial sur la corde raide sur laquelle il se tient en équilibre, la tentation de répéter les politiques physiologiques du passé est déjà évidente, et celles-ci n’ont rien à voir avec l’image progressiste d’un politique « durable » que le gouverneur tente de vendre au Brésil et au monde. Helder Barbalho n’a pas encore fait de choix clair pour la forêt ni pour les peuples qui la maintiennent debout souvent au prix de leur propre vie. Le principal héritier politique de l’oligarchie court le risque d’assister à la fin de son règne : non pas par incompétence politique, mais à cause de la réponse de la nature à une planète en mutation climatique dont l’avenir proche dépend de la conservation de l’Amazonie.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3678.
 Traduction de Pedro Picho, avec l’aimable autorisation de l’agence Sumaúma.
 Source (portugais du Brésil) : Sumaúma, 28 août 2023.

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[1« Comme le dit Juma Xipaia, la première cacique du peuple xipaya et conseillère de la plateforme : cet arbre unit le ciel et la terre. Dans l’échange constant, intermittent, entre les non-humains vivant dans la forêt, les racines du kapokier accumulent de l’eau, générant un son qui parcourt de grandes distances, comme le rappelait l’habitante des rives du Xingu Maria Francineide Ferreira dos Santos. Ses racines tirent l’eau du sol et la jettent vers le ciel, épaississant les rivières qui passent au dessus de nos têtes et emportent la pluie vers d’autres régions explique Raimunda Gomes, une autre habitante des rives du moyen Xingu, qui entretient une relation intime avec le kapokier pluricentenaire qui est son voisin ». Extrait de la présentation de la plateforme (https://sumauma.com/quem-somos/).

[2L’autrice est éditrice à Sumaúma.

[3MDB : Mouvement démocratique du Brésil, parti politique centriste, autrefois appelé PMDB, qui a compté parmi ses rangs des anciens présidents comme José Sarney, Itamar Franco ou Michel Temer – NdT.

[4Garimpeiros : orpailleurs clandestins – NdT.

[5[[Les quilombolas sont les personnes appartenant aux communautés qui regroupent des descendants d’esclaves des plantations de canne (quilombos) – NdT.

[6Detran : administration qui gère la circulation et les moyens de transport – NdT.

[712,3 millions de réaux correspond à 233 700 euros, au taux actuel du réal (0,19 euro) – NdT.

[8Le Parti socialisme et liberté (PSOL) se situe à la gauche du PT – NdT.

[9Rede est un parti écologiste dirigé par Marina Silva, l’actuelle ministre de l’environnement – NdT.

[10Terpaz : pour en savoir plus sur ce vaste programme de politiques publiques en direction des milieux populaires abandonnés et victimes de la criminalité, voir le site officiel du gouvernement, en portugais : https://terpaz.pa.gov.br/. Les « Fabriques de la paix » sont des complexes de services sociaux rassemblés dans un même lieu, pour la santé, l’éducation professionnelle, l’assistance juridique, ou même les loisirs. Le terme « fabrique » a des connotations qui rappellent astucieusement les anciennes fabriques ou les « engenhos », ces anciens moulins de canne à sucre qui existaient sur les plantations à l’époque coloniale et rassemblaient en autonomie tous les services utiles, avec un certain paternalisme – NdT.

[11Un organisme public – NdT.

[12ICMS : Impôt perçu par chaque État de l’Union sur les marchandises et les services – NdT.

[13Sur les sites miniers de Mariana et Brumadinho, deux barrages de retenue de la Vale se sont rompus en 2015 et 2019, entraînant deux catastrophes environnementales de grande ampleur. Pour plus d’informations sur la Vale – compagnie minière transnationale d’origine brésilienne, privatisée, pour ne pas dire bradée, par le président Henrique Cardoso – et sur sa Fondation Vale impliquée dans des projets sociaux en partenariat avec l’État, avec notamment la mise en œuvre des Fabriques de la paix, il est intéressant de consulter le site de la fondation de la Vale, trilingue, sur ce lien : https://www.fundacaovale.org/ et sur le site internet de la compagnie : https://www.vale.com/pt/ – NdT.

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