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AMÉRIQUE LATINE - L’Église et la « culture de la vie »
Maurice Barth, op
lundi 22 juin 2009, mis en ligne par
Mai 2009.
« L’Église experte en humanité » ... Cette affirmation sans détours qu’on peut lire dans l’encyclique de Paul VI Populorum progressio a été citée lors d’un débat sur une chaîne de télévision allemande. Elle a suscité un éclat de rire de la part d’une jeune journaliste indienne. Plus récemment on a entendu dire que l’Église défend la culture de la vie contre une culture de la mort.
Un regard sur l’histoire devrait inciter à plus de modestie. Sans remonter aux croisades ou à l’inquisition, plusieurs événements récents ont attiré l’attention sur de graves contradictions entre l’affirmation solennelle du caractère sacré de la vie et certaines compromissions qui font douter du sérieux de l’application de ce principe.
Au Brésil, les responsables d’une interruption de grossesse chez une fillette de neuf ans, victime d’un viol de la part de son beau-père ont été frappés d’excommunication. Sans entrer dans le débat actuel sur le moment où un embryon devient un être humain, les conséquences faciles à prévoir d’une naissance dans ces conditions de violence, voire de cruauté, auraient pu inciter les autorités à moins de rigidité, à plus d’humanité et de miséricorde. Celle-ci n’est-elle pas le cœur de l’Évangile ?
Ceux qui appliquent ainsi des lois de façon abstraite et froide mesurent-ils le poids du fardeau qu’ils imposent à d’autres sans tenir aucun compte de la situation ? Il est pourtant facile d’imaginer les traumatismes que vont subir des êtres humains nés dans la violence, mal acceptés et même rejetés par leur mère. Est-ce cela vivre ? Est-il humain d’imposer une telle naissance, celle d’un être enfanté sans amour, tant à la mère immature qu’à lui-même ?
Dans la société latino-américaine, marquée par la violence et la brutalité engendrées par les inégalités sociales, les viols sont fréquents. Les victimes sont souvent acculées à interrompre des grossesses provoquées par ces crimes. Or la majorité de la population est croyante et attachée à une religion qui imprègne profondément la vie quotidienne et sociale. Une telle excommunication met au ban de la communauté ceux qui en sont frappés, ce qui n’est pas sans conséquences pour leur vie sociale et professionnelle. Pour des croyants attachés à leur Église, cela entraîne un véritable bouleversement intérieur.
Les chrétiens latino-américains qui se souviennent de la communion donnée par le pape Jean-Paul II au général Pinochet – responsable de milliers d’assassinats au Chili – ont sans doute été meurtris par une telle différence de traitement. Faut-il en conclure que la vie d’un adulte n’a pas le même caractère sacré que celui d’un embryon ? En réalité, d’autres considérations interviennent ici, qui relèvent d’enjeux idéologiques et politiques dont les impératifs apparaissent plus déterminants que ceux de la morale prêchée à tous. Ces considérations sont d’autant plus insupportables et en contradiction avec l’Évangile qu’elles favorisent les puissances d’argent au détriment des couches les plus pauvres de la société.
L’Amérique latine est un continent où les inégalités entre les êtres humains sont les plus criantes. Durant la deuxième moitié du XXe siècle, qui a connu de cruelles dictatures, de nombreux soulèvements populaires ont semblé être la seule issue possible pour parvenir à plus de démocratie, de justice et de liberté. À part quelques exceptions remarquables, la hiérarchie catholique a presque toujours gardé le silence face aux terribles répressions dont ces populations ont été victimes, quand elle ne s’est pas compromise avec les puissants.
En 1953, au Guatemala, le président Jacobo Arbenz, élu démocratiquement, a essayé de corriger des injustices séculaires – spoliation des terres indiennes par des multinationales, surtout états-uniennes – et a entrepris une réforme agraire en vue de rendre aux Indiens, majoritaires dans ce pays, au moins une partie de leurs biens. Ce faisant, il s’en est pris à quelques puissantes entreprises nord-américaines. La réaction n’a pas tardé : les États-Unis ont fomenté un coup d’État et remplacé le président Arbenz par un autre, formé aux États-Unis. Celui-ci, accompagné du nonce apostolique, est arrivé sur un navire de guerre de l’U.S. Navy. Ce sera le début d’une répression massive et sanglante qui durera plus de quatre décennies et faisant au moins deux-cent mille morts et disparus, notamment parmi les Indiens et les paysans sans terre, selon les rapports de deux commissions de droits de l’homme. Le rapporteur de la commission créée par l’archevêque du diocèse de Guatemala, Mgr Girardi, a été assassiné peu après la publication du rapport.
En Argentine, une junte militaire a pris le pouvoir en 1976. La répression s’est abattue sur les opposants ou supposés tels : trente mille assassinés ou disparus, des milliers de prisonniers torturés. À plusieurs reprises, des familles de prisonniers ont demandé au cardinal de Buenos-Aires d’intervenir auprès des autorités pour connaître le sort d’êtres chers. Ils se sont heurtés à un refus catégorique : « On ne protège pas des communistes ! » Le même prélat n’a pas protesté lorsque la junte a fait occulter ce verset du Magnificat : « Il abaisse les puissants et relève les humbles. »
Au Salvador, dans les années soixante-dix, des mouvements populaires se sont constitués afin d’obtenir des changements dans une société marquée par des injustices structurelles, une pauvreté croissante et des inégalités scandaleuses. Ils étaient composés en majorité de paysans et d’étudiants, en grande partie tirant leur inspiration de l’Action catholique. Contrairement à leurs attentes, la situation ne fit que s’aggraver du fait d’une répression amplifiée : emprisonnements arbitraires, assassinats ; alors apparut un mouvement de guérilla.
L’archevêque de San Salvador, Oscar Romero, d’abord proche de l’Opus Dei et des milieux oligarchiques, finit – seul parmi ses confrères – par s’identifier à la lutte de son peuple, envoyant régulièrement à Rome des informations sur la situation. Quel ne fut pas son étonnement de constater un jour que l’Ambassade des États-Unis disposait de ses rapports ! Au Vatican, où il obtint non sans peine une audience auprès de Jean-Paul II, on lui a conseillé d’être prudent et d’avoir de bonnes relations avec le gouvernement de son pays. Ce même conseil lui avait été donné par l’envoyé spécial de la Maison Blanche, ce à quoi il avait répondu : « Je dois être avec mon peuple opprimé ». On connaît la suite : l’archevêque est assassiné le 24 mars 1980, et d’autres assassinats de prêtres suivront. Lorsque bien des années plus tard des négociations de paix finissent par aboutir, le pays est exsangue et on dénombre soixante-dix-mille morts ou disparus. Question impertinente : pourquoi le fondateur de l’Opus Dei, Mgr Escrivá de Balaguer, ami de Franco, a-t-il été canonisé en un temps record, tandis que la cause de béatification d’Oscar Romero n’en finit pas de piétiner ?
En Bolivie, l’Indien Evo Morales est élu démocratiquement président de la République, à la fin de 2005. Répondant aux aspirations à la justice de la majorité des boliviens, il entreprend une réforme agraire en vue d’une plus équitable répartition des terres. Les grands propriétaires, parmi lesquels ne manquent pas d’anciens dignitaires nazis, s’opposent violemment à cette tentative. Le cardinal de La Paz leur apporte son soutien, ce qui lui vaut une violente interpellation de la part de l’Argentin Adolfo Pérez Esquivel, Prix Nobel de la paix.
Dans les années soixante, l’Église d’Amérique latine découvrait l’état de misère qui accablait depuis des siècles la majorité des peuples de cette partie du monde. Elle décida solennellement de soutenir leur lutte pour vivre dans la dignité, optant pour ce qu’elle a appelé « le choix prioritaire des pauvres ». Prêtres, religieux, laïcs se sont mis à l’écoute des opprimés et ont créé des « communautés ecclésiales de base » dans lesquelles on pouvait confronter l’Évangile et la réalité vécue par le peuple. Ces engagements ont abouti à la création de ce qu’on appelle la « théologie de la libération ». Et ce fut un grand souffle d’espoir dans tout le continent et au-delà de lui. À l’instar de l’archevêque de San Salvador, les chrétiens proclamaient que « Dieu est le Dieu de la vie et non de la mort ». Que reste-t-il aujourd’hui de ce grand mouvement d’espérance ? On a fait taire les théologiens, des évêques de l’Opus Dei ont remplacé les évêques progressistes, et les milices des « légionnaires du Christ » campent sur le terrain des communautés ecclésiales de base...
Messages
1. AMÉRIQUE LATINE - L’Église et la « culture de la vie », 23 juin 2009, 16:01, mis en ligne par Saïd LOUKIL
L’injustice de l’espèce masculine .
Les valeurs divines......!!!! il est temps d’utiliser la conscience réfléchie...., et chacun le sait, il est necessaire d’amender les (3) trois livres : La Thora, la bible et le Coran.
Exemple de La petite divorcée du Yémen
"Aïcha a dit : "J’avais six ans lorsque le Prophète m’épousa, neuf ans
lorsqu’il eut effectivement des relations conjugales avec moi". Puis
elle relatait : "Nous nous rendîmes à Médine
Juste une réflexion…
La petite divorcée du Yémen ( sans oublier "Aïcha et le prophète Mohamed …et au Brésil en 2009http://www.alterinfos.org/spip.php?article3535)… une fillette de neuf ans, victime d’un viol de la part de son beau-père ) envers l’espèce féminine..........( en 2009 encote le POUVOIR Masculin ...)
Qu’en-pensez-vous ?
1. AMÉRIQUE LATINE - L’Église et la « culture de la vie », 26 juin 2009, 10:53, mis en ligne par marech
Une réponse claire a pourtant été déjà donnée il y a près de 2000 ans (et peut-être avant : le "bon" sens n’a pas d’âge) :
"... Que celui d’entre vous qui est sans péché lui (à celui, à celle qui, dans le cas présent, a poussé à l’avortement) jette le premier une pierre... mais eux, l’ayant entendu, s’en allèrent l’un après l’autre, en commençant par les plus vieux..." (rapporté par Jean : 8,7-9)
Or les "vieux" d’aujourd’hui, qui nous rabâchent ce passage, et bien d’autres, font le contraire de ce qu’ils nous disent...
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