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Le droit à la retraite : le modèle vénézuélien contre le modèle grec

Jesse Chacón

vendredi 27 avril 2012, mis en ligne par Thierry Deronne

Dans la première semaine d’avril, une nouvelle a secoué le monde entier. Dimitris Christoulas, pharmacien à la retraite de 77 ans, se suicidait d’un tir dans la tête face à une multitude sur une place d’Athènes. Dans sa poche et chez lui, il laissait une lettre où il disait :

« … Le gouvernement Tsolakoglou a anéanti toutes mes possibilités de survie, qui se basaient sur une pension très honorable que j’ai payée seul pendant 35 ans sans aucune aide de l’Etat. Et comme mon âge avancé ne me permet pas de réagir d’une façon dynamique (quoique si un compatriote grec devait se saisir d’une Kalashnikov, je m’empresserais de le suivre), je ne vois pas d’autre solution que de mettre fin à ma vie dignement, ce qui m’épargne d’avoir à fouiller les poubelles pour assurer ma survie. Je crois que les jeunes sans avenir vont prendre les armes un jour et ils pendront les traîtres de ce pays sur la Place Syntagma, exactement comme les Italiens l’ont fait pour Mussolini en 1945 ».

La mort tragique de Dimitris, plus qu’une attitude d’impuissance et de frustration telle que l’a présentée la presse internationale, représente un fait politique de résistance et de dignité, qui s’ajoute à la mobilisation de milliers de grecs qui aujourd’hui prennent les places d’Athènes pour protester contre le paquet drastique d’ajustements néo-libéraux que le gouvernement impose sous l’exigence du pouvoir financier et technocratique européen.

En Grèce depuis le début des mesures d’austérite gouvernementale prises en 2010 les allocations de retraite ont été diminuées d’environ 15% et celles de plus de 1200 euros ont été réduites de 20% de plus. Des citoyens qui ont cotisé, épargné toute leur vie, patiemment, pour jouir de la tranquillité dans leur vieillesse, découvrent aujourd’hui que tout s’écroule, que leur argent n’existe pas, que d’autres l’ont dépensé ou mal investi dans les ballets de titres qui se sont évaporés avec la crise financière déclenchée depuis 2008.

La sécurité sociale, et notamment la protection de la vieillesse, est une institution enracinée socialement depuis de nombreux siècles, et a surgi comme une pratique solidaire générée par la préoccupation pour les invalides ou face aux incertitudes du lendemain. Après la deuxième guerre mondiale et la déclaration formelle des droits humains en 1948, la sécurité sociale se déploie dans une structure de normes internationales et nationales qui en fait un droit formel ; les états nationaux créent des structures prévisionnelles et de sécurité sociale et, au sein de celles-ci, des fonds de pensions, lesquels garantissaient une retraite pour les travailleurs à travers leur épargne.

Mais dans la décennie des années 70, la voracité néo-libérale a détruit le sens solidaire de cette institution et l’a convertie en un butin, cédant la place à la privatisation des fonds de pension. Ces fonds sont alors gérés non plus par des sécurités sociales publiques mais par des fonds privés de pension.

La bouchée succulente de l’épargne populaire commence à remplir les coffres du capital financier. Celui-ci sans perdre de temps se met à investir ces fonds dans des titres et dans d’autres investissements douteux à l’extérieur. Au Chili par exemple en 2008, selon des données du Centre national de développement alternatif (CENDA), « 95,2 % des fonds investis à l’extérieur l’étaient sous rente variable, dans des pays fortement touchés par la crise et dans des instruments à haut risque. Depuis le début de la crise, le 25 juillet 2007 et jusqu’au 30 septembre 2008, les fonds de pensions avaient perdu 20,37 millions de dollars actuels, ce qui équivaut à une perte de 18.97% ». Tout ceci incombe aux Administrations des fonds de pensions (AFP) privés, qui jouent et perdent l’argent des personnes âgées, tout en se présentant au monde comme des experts en efficacité.

Le crédo capitaliste néo-libéral qui s’appuie sur le discours de Hayek et de Friedman, détruit la solidarité comme valeur et rend hégémonique une nouvelle anthropologie basée sur l’égoïsme et sur l’utilitarisme ; cependant, de manière répétée, son modèle échoue et sa nature apparaît au grand jour : un système de gangsters voué à la dépossession, au vol déguisé, destiné à augmenter la richesse de ceux qui sont déjà riches, très riches.

Mais il existe une alternative pour construire la société et la vie, il est possible de construire la société à partir d’idées socialistes, il est possible de récupérer la solidarité comme cœur des relations sociales et de construire des politiques qui garantissent le bien-vivre et le bonheur social.

Au Venezuela, après la mise en échec du modèle néo-libéral par l’insurrection populaire, lors de la révolte du Caracazo (1989) et les soulèvements civico-militaires de 1992, cette alternative socialiste a été validée par des réalisations tangibles. Les fonds de pensions ont été préservés comme faisant partie du secteur public et l’État national est redevenu le garant de ces droits. Pendant ces 12 ans de gouvernement bolivarien le nombre de pensionnés a augmenté, passant de 211.040 en 1998 à 1.544.856 en 2010 (voir graphique).

L’Europe subit une crise qui est le produit de la dure recette néo-libérale d’austérité et de privatisations ; le Venezuela avance en tissant son futur sur la base de la solidarité et des idées du socialisme.


Jesse Chacón est directeur du GISXXI (www.gisxxi.org).

Source (en espagnol) : http://www.gisxxi.org/articulos/la-pension-un-apetecido-bocado-para-el-capital-financiero-jesee-chacon-gisxxi

Traduction : Thierry Deronne, pour www.venezuelainfos.wordpress.com.

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