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Une minorité blanche raciste domine le monde

Emir Sader

mercredi 24 juin 2020, mis en ligne par Pedro Picho

21 juin 2020.

Une minorité blanche a accaparé le pouvoir dans le monde, par le biais du colonialisme et de l’impérialisme, et domine l’écrasante majorité de l’humanité, qui n’est pas blanche, notamment la population de la Chine et de l’Inde, les deux pays les plus peuplés du monde, soit environ deux milliards et demi de personnes, toutes issues d’autres groupes ethniques.

C’est la montée du colonialisme qui a permis à l’Europe de prendre le contrôle économique, politique et militaire du monde. L’Angleterre a envahi la Chine – durant la guerre de l’opium, entre 1839 et 1860 – qui n’avait pas de force militaire pour se défendre, pour introduire l’utilisation de l’opium, afin de rééquilibrer sa balance commerciale avec la Chine, en vendant de l’opium produit en Chine. Cette guerre a interrompu le cycle de développement de la Chine, l’économie la plus importante du monde à l’époque.

Ce fut alors l’apogée du colonialisme des puissances européennes, qui a divisé le monde en deux. L’eurocentrisme est né, la vision du monde selon laquelle l’Europe est le centre du monde, ses valeurs sont les valeurs universelles, et les autres peuples sont considérés comme des barbares. L’Occident a qualifié d’Orient tout ce qui va de la Chine au Pakistan, du Moyen-Orient au Japon, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas l’Occident.

À partir de ce moment-là, les blancs ont commencé à dominer le monde en utilisant l’esclavage. L’Afrique a été une victime privilégiée du colonialisme européen. Sa richesse a été dilapidée et sa population a été transformée en esclaves destinés à produire pour la consommation de la population blanche européenne. Le Brésil est devenu le modèle de l’économie esclavagiste.

Trois siècles plus tard, à la fin de l’esclavage, le Brésil était le pays des Amériques qui avait mis le plus de temps à y mettre fin. Comme nous ne sommes pas passé du régime de colonie à celui de république, mais à celui de monarchie, l’esclavage a continué. En 1850, les lois foncières ont légalisé les propriétés de ceux qui les avaient accaparées, notamment en falsifiant les titres de propriété. Lorsque les esclaves sont devenus libres, il n’y avait plus de terre pour eux. Les noirs sont devenus de perpétuels pauvres, à la campagne ou en ville.

Ils ont assumé des fonctions moins qualifiées, subissant, de la manière la plus aiguë, les inégalités sociales au Brésil. Ils ont été relégués comme Brésiliens de seconde classe. Exclus socialement à tous les niveaux, ils ont été identifiés comme ayant le niveau d’éducation, la formation professionnelle et le pouvoir économique les plus faibles, sans possibilité d’ascension sociale. Discriminés, disqualifiés, ils sont devenus le modèle même des exclus sociaux. Ils représentent 54% de la population brésilienne, mais ils représentent un pourcentage beaucoup plus élevé parmi les chômeurs, les personnes occupant un emploi précaire, les prisonniers, les victimes privilégiées des violences policières. Le plus grand scandale au Brésil est le génocide de jeunes noirs, tués quotidiennement par la police, anonymement, sans nom, sans famille, sans visage, comme si la tâche dévolue à la police était de les éliminer, de les exclure et de les arrêter.

Quels que soient les niveaux de la société et de l’État brésilien, les blancs occupent – à quelques exceptions près pour confirmer la règle – la position de pouvoir, dans la recherche, la formation de l’opinion publique, le pouvoir économique et politique. C’est comme ça dans le monde. L’Europe continue de se considérer comme le centre du monde, de se définir comme le continent civilisé, entouré de continents barbares. Cependant, il n’y aura pas de démocratie dans le monde, ni au Brésil, tant qu’il y aura du racisme, tant que les noirs continueront d’être des citoyens de seconde zone, marginalisés, discriminés, exclus. Un pays qui a une majorité de noirs, mais qui est gouverné par des blancs, n’est pas une démocratie.


Emir Sader est l’un des principaux sociologues et politologues brésiliens.

Traduction française de Pedro Picho.

Source (portugais) : https://www.brasil247.com/blog/minoria-branca-racista-domina-o-mundo.

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