Accueil > Français > Dial, revue mensuelle en ligne > Archives > Années 2000-2009 > Année 2008 > Mars 2008 > EL SALVADOR - Lettre des prêtres diocésains au Vatican
DIAL 2990
EL SALVADOR - Lettre des prêtres diocésains au Vatican
samedi 1er mars 2008, mis en ligne par
Mgr Fernando Saenz Lacalle, archevêque de San Salvador, El Salvador, a présenté sa démission en raison de son âge, selon les normes actuelles du Droit Canon. Ancien aumônier militaire, membre de l’Opus Dei connu pour ses positions conservatrices, sa présence à la tête du diocèse fut difficile pour beaucoup. Il ne faut pas oublier que le siège épiscopal en question fut celui de Mgr Oscar Romero. Dans une lettre signée par 60% des 584 prêtres diocésains travaillant dans les 18 diocèses de tout le pays, une majorité de prêtres expriment leurs souhaits concernant la nomination d’un nouvel archevêque.
San Salvador, décembre 2007
Éminence Révérendissime
Cardinal Giambatista Re
Sacrée congrégation des évêques
Cité du Vatican
Italie
Éminence,
Les soussignés, prêtres diocésains et religieux des divers diocèses de la Province ecclésiastique d’El Salvador, nous nous adressons à votre Éminence pour lui faire connaître en toute sincérité et très sincèrement notre opinion en ce qui concerne le profil du futur archevêque de San Salvador, suite à la démission récente de l’actuel archevêque Monseigneur Fernando Saenz Lacalle qui a atteint, le 16 novembre, l’âge de 65 ans et conformément à la prescription du Canon 401 du Droit Canonique actuellement en vigueur.
Nous considérons de la plus haute importance que ceux à qui revient en dernier ressort le choix d’un nouvel évêque ou archevêque, écoute avec sérénité ce que ressent et ce que pense une partie du peuple de Dieu, prêtres et laïques, pour que le poste vacant soit pris en charge par la personne la mieux à même d’exercer cette charge. En effet les tâches qui, actuellement incombent à un évêque ou un archevêque sont très délicates et de leur bon accomplissement dépend, dans une grande mesure, la vie d’une Église particulière. Dans le cas qui est le nôtre, l’archevêque assume non seulement des tâches archidiocésaines, mais sa personnalité est importante au niveau de l’ensemble du pays car en tant qu’archevêque il préside à l’ensemble des autres évêques et sa parole est diffusée dans tout le pays par tous les médias. Cet aspect particulier du rôle de notre archevêque nous conduit à unir nos voix pour suggérer très respectueusement à votre Éminence ce que nous considérons important et qui devrait être pris en compte au moment de prendre une décision concernant la personne du prêtre ou de l’évêque qui doit assumer une aussi importante fonction.
En premier lieu, nous souhaitons suggérer que le nouvel archevêque soit un prêtre ou un évêque salvadorien comme cela s’est passé depuis le premier évêque de San Salvador en 1843, exception faite de Monseigneur Fernando Saenz Lacalle qui vient de se retirer. Cette condition le rend beaucoup plus proche des fidèles dont il doit être le guide et lui permettra d’intégrer plus facilement les processus nationaux qui s’enchaînent quotidiennement et auxquels il faut apporter une réponse rapide et appropriée ; ce qui, en bien des cas, n’est pas seulement le fruit d’une réflexion mais aussi d’une façon d’être et de vivre en accord avec le tempérament caractéristique de chaque peuple.
En second lieu, qu’il appartienne au clergé diocésain car le soin des âmes sur un territoire particulier appartient à leur identité sacerdotale et lorsque les prêtres diocésains sont incardinés ou affectés à une église particulière, ils sont les premiers à se consacrer totalement au service de celle-ci afin d’apporter sa nourriture à une partie du troupeau du Seigneur. En outre, ils forment avec leur ordinaire (évêque diocésain) un collège presbytéral unique et une famille à la responsabilité de laquelle reviendra le soin d’assurer la construction du Royaume de Dieu dans le diocèse.
En troisième lieu, qu’il ait une expérience approfondie du travail pastoral paroissial et dans d’autres activités toujours au service de la pastorale de l’ensemble du diocèse ou au service des pastorales nationales. C’est essentiellement au niveau de la paroisse que nous, prêtres diocésains, apprenons à nourrir les brebis qui nous ont été confiées ; c’est là où tout ce qui a été appris au séminaire prendra toute sa valeur et se consolidera, et où, auprès du troupeau, le prêtre mûrira dans tous les domaines, afin de pouvoir devenir le pasteur dévoué, sage, donné et totalement consacré à veiller les fidèles qui lui ont été confiés. Il est indispensable que l’évêque ait dans sa vie sacerdotale fait l’expérience de la vie paroissiale, ce qui le rendra apte à devenir ensuite le timonier d’un diocèse ou d’un archidiocèse.
En quatrième lieu, l’évêque ou l’archevêque doit faire preuve d’une sensibilité toute particulière à l’égard de ceux qui souffrent le plus de pauvreté et d’exclusion dans nos sociétés où la polarisation entre pauvres et riches se fait de plus en plus sentir. Il devra avoir mis cette sensibilité à l’épreuve lors de ses années de ministère sacerdotal paroissial pendant lesquelles l’opportunité lui aura été donnée de constater et de vivre de près l’expérience vécue de prés au milieu de ses fidèles l’extrême pauvreté qui condamne à la misère, à la maladie et à toutes les formes d’absences des nécessités de base telles que le logement, la santé, l’éducation. Et face à cela il aura dû agir comme le bon pasteur qui prend sur ses épaules les brebis les plus affaiblies et les plus abandonnées, tout en proclamant courageusement la mission que Jésus nous a laissée à travers les commandements des saints évangiles et en se laissant guider par les lumières qui émanent à profusion de la doctrine sociale de l’Église.
En cinquième lieu, l’évêque ou l’archevêque doit être un exemple de sainteté pour tous ceux qui l’entourent et pour lesquels il a été choisi afin d’être leur pasteur et leur guide. Il doit être saint parce qu’il doit servir l’Église comme maître, sanctificateur et guide. Cette sainteté le conduira à mettre l’accent sur une spiritualité de communion, ce qui devra l’aider à vivre en harmonie avec ses prêtres et le peuple de Dieu tout entier qui lui a été confié. Qu’il fasse preuve à tout moment de la miséricorde qui lui fera accorder une attention particulière aux collaborateurs qui se verraient affrontés à quelque danger ou qui auraient commis quelque erreur.
Éminence, nous plaçons dans le Seigneur notre confiance afin que cette lettre approuvée par un nombre conséquent de prêtres des différents diocèses du pays soit une opportunité providentielle de pouvoir exprimer nos inquiétudes face au prochain choix d’un nouvel archevêque pour l’archevêché de San Salvador. Ce que nous recherchons sincèrement c’est le bien de notre Église et l’attention pastorale la meilleure pour nos fidèles car le rôle d’un évêque et tout particulièrement d’un archevêque a une importance vitale. La situation que connaît notre patrie n’est pas facile. Par conséquent le besoin est urgent d’évêques pasteurs possédant une maturité chrétienne et humaine suffisante pour promouvoir des processus de réconciliation, de retrouvailles entre des groupes encore en situation d’affrontement, de réunification du clergé et des fidèles laïques et par-dessus tout qui fassent évoluer nos communautés urbaines et rurales vers un travail pastoral unifié et bien structuré qui nous donne la possibilité de répondre aux gigantesques défis que la réalité nous lance en ce moment.
Éminence, nous vous remercions de tout cœur de l’attention que vous voudrez bien porter à l’expression de ce sens de l’Église que nous avons voulu manifester dans cette lettre que nous avons l’audace de vous adresser, mais nous réitérons que la seule chose que nous cherchons c’est de créer les conditions les plus favorables à construire le Royaume de Dieu parmi nous, en lien avec nos pasteurs légitimes.
Que Dieu, Père tout puissant, présent parmi nous dans l’enfant de la crèche de Bethléem, vous accorde santé, sagesse et une immense espérance afin d’orienter le travail de la Sacrée congrégation des évêques qui est sous votre responsabilité.
Vos frères dans le Christ, prêtre suprême et éternel.
– Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2990.
– Traduction d’Annie Damidot pour Dial.
En cas de reproduction, mentionner au moins la traductrice, la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.