Accueil > Français > Amérique latine et Caraïbes > BRÉSIL - Échos perturbants du coup d’État militaire de 1964

BRÉSIL - Échos perturbants du coup d’État militaire de 1964

Jeferson Miola

mercredi 3 avril 2024, mis en ligne par Françoise Couëdel

31 mars 2024.

L’année 1964 n’est pas qu’une date lointaine, une date du passé. Aujourd’hui encore, soixante ans après le coup d’État militaire qui a conduit à une longue dictature de vingt et un ans, soixante années plus tard résonnent encore les bruits effrayant de 1964. Le 8 janvier 2023 (date de la tentative de coup d’État du bolsonarisme) est la preuve évidente que 1964 n’appartient pas qu’au passé mais résonne encore dans le présent.

Qui sont ceux qui sont derrière les évènements du 8 janvier si ce n’est le commandement des Forces Armées qui, dans toute notre histoire républicaine, ont mis à feu et à sang le pays avec leurs coups d’État et leurs ruptures institutionnelles ?

Les militaires planifiaient en secret une conspiration, depuis 2013 et 2014, au moins, quand ils remirent des décorations à des agents de la bande de Curitiba qui exprimaient leur indignation sur la chaine Globo dans le but de salir l’image de Lula, du Parti des travailleurs et de la gauche.

En 2015 et 2016, les membres du commandement militaire confirmèrent leur soutien à Michel Temer pour qu’il conduise l’impeachment – destitution pour fraude – de Dilma, la présidente. Les généraux qui conspiraient, Sérgio Etchegoyen y Villas Boas, trahirent le président qui les avait nommés et, en échange, se virent confié le contrôle du gouvernement de Temer. Ils militarisèrent l’appareil d’État et restructurèrent rapidement le système d’information de la dictature.

Au cours de la courte période de Temer, les militaires réunirent les conditions pour prendre à nouveau d’assaut le pouvoir, non pas par les armes mais par des élections frauduleuses du bulletin électoralo-militaire de Bolsonaro/ Mourão. Pour ce faire ils devaient éliminer de la course le gagnant virtuel de cette élection et appuyer leur candidat, lié aux milices et au monde frauduleux de la criminalité.

Au cours du gouvernement militarisé de Bolsonaro, les militaires commencèrent à agir ouvertement pour braver l’État de droit, pervertir les institutions existantes et établir un régime fasciste autoritaire durable.

Le renversement de la démocratie a été une politique permanente du gouvernement, au point même que Bolsonaro l’annonça officiellement au monde lors d’une réunion à laquelle étaient conviés les ambassadeurs étrangers, au palais présidentiel d’Alvorada.

À la différence de 1964, quand fut destitué Jango Goulart, lors de leurs tentatives putschistes de 2022 et 2023, les militaires ne parvinrent pas à réussir cette fois-ci le coup d’État car ils n’ont pas pu compter sur l’autorisation des États-Unis et ils n’ont pas obtenu le vernis de légitimité que la Cour suprême accorda au coup d’État à l’aube du 2 avril 1964.

En cette occasion, le président de la Cour suprême, Ribeiro da Costa légitima la farce du président du Congrès, le sénateur Auro de Andrade, qui mentit en déclarant la vacance de la Présidence de la République et prêta serment dans l’illégalité devant Ranier Mazzili au lieu de Jango, sous les yeux et les ordres des généraux putschistes dans le Palais de Planalto occupé illégalement.

La fragile démocratie brésilienne a vécu sur un fil ces dernières années. Il s’en est fallu de peu qu’elle ne soit anéantie.

Les répercussions nationales et internationales de la victoire du président Lula aux élections ont été fondamentales pour la survie de la démocratie et ont compté sur le changement d’attitude des pervers de la démocratie d’hier qui ont plongé le pays dans le précipice en 2021, et qui aujourd’hui se présentent en héros de la démocratie par ce qu’ils ont été poursuivis par l’escalade fasciste du STF, (Tribunal suprême fédéral) les milieux hégémoniques et les fractions de la classe dominante.

Les acteurs qui ont conspiré en 1964, qui ont violé l’État de droit et instauré la dictature sont les mêmes qui sont derrière l’aventure putschiste qui a échoué – de très peu – cette fois-ci.

Le putsch de 1964 n’est pas que du passé, il est toujours vivant et présent dans le Brésil contemporain. Les tentatives d’insurrection militaire lors de la victoire de Lula sont l’écho bruyant de 1964 qui perdurent dans le présent.

Tant que ce passé traumatisant et violent contre le peuple brésilien et la démocratie ne sera pas regardé en face par la société civile et les pouvoirs de la République la possibilité d’un avenir sombre pour le Brésil continuera à être une hypothèse réalisable.

Particulièrement dans le cas où Donald Trump serait élu à la présidence des États-Unis en novembre prochain. De toute évidence cela pourrait être le délai de légitimité des décisions du gouvernement concernant le problème que représentent les militaires.


Jeferson Miola est membre de l’Institut de débats, études et alternatives de Porto Alegre (Idea). Il a été coordinateur exécutif du Ve Forum social mondial. C’est un collaborateur du Centre latino-américain d’analyse stratégique (CLAE, www.estrategia.la).

Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://estrategia.la/2024/03/31/brasil-ecos-barullentos-del-golpe-militar-de-1964.

Les opinions exprimées dans les articles et les commentaires sont de la seule responsabilité de leurs auteurs ou autrices. Elles ne reflètent pas nécessairement celles des rédactions de Dial ou Alterinfos. Tout commentaire injurieux ou insultant sera supprimé sans préavis. AlterInfos est un média pluriel, avec une sensibilité de gauche. Il cherche à se faire l’écho de projets et de luttes émancipatrices. Les commentaires dont la perspective semble aller dans le sens contraire de cet objectif ne seront pas publiés ici, mais ils trouveront sûrement un autre espace pour le faire sur la toile.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.