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Le Ministère public établit un lien entre le Pôle démocratique, l’Alliance sociale indienne et les FARC

COLOMBIE - Chasse aux sorcières à Medellín : ou comment élargir le spectre des supposés collaborateurs des FARC

Instituto Popular de Capacitación

lundi 25 mai 2009, mis en ligne par Christophe Kenderian

La lecture des informations révélées par l’Institut populaire de formation (Instituto Popular de Capacitación, IPC) à propos du Rapport du renseignement établi à Medellin par le Ministère public colombien qui a donné lieu à la mise en examen de partis politiques (Pôle démocratique alternatif, PDA, et Alliance sociale indienne, ASI), d’ONG, de syndicats, d’organisations de défense des droits de l’homme et de mouvements de la jeunesse, d’étudiants et de la culture, pourrait amener à penser qu’il s’agit seulement d’allégations absurdes et rocambolesques étant donné qu’elles mettent en cause aussi bien le recteur de l’Université d’Antioquia que le simple vendeur de café de la même université, sans parler de l’accusation contre le PDA, parti légal d’opposition à l’actuel gouvernement. Cependant, derrière l’absurdité du montage de cette campagne de communication et des procès intentés, il faut y voir un réel danger : celui de la stigmatisation de l’opposition politique et des mouvements sociaux, et celui, plus grave encore, d’un feu vert pour les anéantir.


Les partis politiques Pôle démocratique alternatif (PDA) et Alliance sociale indienne (ASI) sont désignés comme bras politique des FARC dans un Rapport du renseignement établi à Medellin par le Corps technique d’investigation (CTI) du Ministère public, en coordination avec la 4e Brigade de l’Armée. Le rapport révélé par l’agence de presse IPC, a été élaboré le 2 avril de cette année ; le corps de sécurité y présente un organigramme présumé du Parti communiste clandestin colombien avec pour sigle PCCC ou PC3, supposé être en lien avec la guérilla des FARC.

D’après ce document, la structure du PC3 pour les années 2008-2009 se composerait du PDA et de l’ASI en tant que bras politique des FARC. Il faut remarquer que l’ASI est le mouvement qui a soutenu la candidature de Sergio Fajardo Valderrama et d’Alonso Salazar à la mairie de Medellín lors des deux dernières élections. De même, l’ASI soutient la candidature de Fajardo Valderrama à la présidence de la république pour les élections de 2010.

Outre ces partis politiques, le rapport désigne également des Organisations non gouvernementales, des syndicats et des mouvements de jeunesse comme faisant partie de la structure du PC3. Parmi les ONG figurent la Corporation Juridique Liberté, la Corporation Sumapaz, le Comité Universitaire des droits de l’homme Gustavo Marulanda, la Corporation Région, l’Association de Paysans d’Antioquia (ACA) et la Red Juvenil (Réseau Jeunesse).

La composante jeunesse serait représentée par le Mouvement Jeunesse Bolivarienne et la Jeunesse Communiste ; la composante syndicale serait constituée des organisations syndicales Sintrapintuco, Sintratextil, Sintraintabaco, Associations des Instituteurs d’Antioquia (ADIDA) et Sintravidricol ; dans sa composante militaire le PC3 engloberait les fronts 5, 34 et 36 des FARC.

La particularité de ce rapport du Renseignement c’est que le 3 avril, le lendemain de sa remise à la 74e section du Ministère Public détachée auprès du réseau du Renseignement Militaire, qui réside au sein de la 4e Brigade, il a donné lieu à la réouverture du procès au pénal que cette même instance avait classé le 16 décembre 2008, considérant qu’il n’était pas possible d’obtenir « les preuves qui justifierait la présomption d’activité de rébellion ».

A partir de février de cette même année, la réouverture du procès avait déjà été suggérée tant par le CTI que par la 4e Brigade à travers divers documents du Renseignement. Le premier d’entre eux, daté du 23 février et préparé par l’Agence Régionale du Renseignement numéro 7 de la 4e Brigade de l’Armée, non seulement va plus loin dans ces dénonciations contre diverses ONG qui défendent les droits de l’homme et contre les organisations d’étudiants, mais aussi implique directement la Corporation Prométhée de Medellin, organisme culturel qui depuis des années organise le Festival International de Poésie.

Le 26 février, un nouveau document est remis à la 74e section du Ministère Public. Il porte la signature de deux enquêteurs judiciaires qui travaillent en collaboration avec les Forces Armées et qui après avoir apporté une soi-disant série de preuves, ont conclu que « le procès pouvait être rouvert ».

Le lendemain, accédant à la demande des enquêteurs judiciaires, ce département a rouvert l’enquête préalable et a demandé par un ordre de mission, d’enquêter sur la personnalité juridique et les représentants légaux d’au moins 12 ONG, ainsi que du PDA. En outre, le Renseignement Militaire avec le CTI du Ministère Public a présenté 2 témoins qui avaient déjà été « utilisés » dans d’autres procès pénaux contre le mouvement étudiant universitaire et dont la crédibilité avait toujours été mise en question. La particularité de la version de ces 2 témoins dans ce procès est qu’ils ont confirmé le rapport du Renseignement Militaire sur les relations présumées des ONG et des organisations d’étudiants avec le PC3, accusant des professeurs de diverses facultés, en particulier de Droit, ainsi que des chercheurs de l’Institut d’Etudes Régionales (INER) et des dirigeants universitaires parmi lesquels l’actuel Recteur de l’Université d’Antioquia Albert Uribe Correa, ainsi que plusieurs vice-recteurs.

Les 2 témoins ont corroboré que divers leaders universitaires accusés pour leur lien présumé avec les guérilleros, bénéficient de prébendes personnelles de la part de l’Université d’Antioquia sous forme de postes de moniteurs dans différentes instances académiques, de point de ventes et d’emplois d’assistants dans le commerce de photocopies.

D’autres documents du Renseignement qui appuient leur conclusion sur des témoignages de déserteurs des FARC, élargissent le spectre des présumés collaborateurs du PC3, en accusant d’autres organisations sociales de défense des droits de l’homme et de défense des droits syndicaux, telles que le Syndicat de Travailleurs et Employés des Services Publics, l’Union des Employés de Banques, l’Association de Pensionnés et Retraités de l’Université d’Antioquia, l’Institut Populaire de Formation (IPC), l’École Nationale Syndicale, le Syndicat de l’Enseignement Technique National et la Ligue des Usagers des Services de Santé.

Le procès pénal qui se tient depuis le 3 avril dernier comprend aussi les rapports du Renseignement produits l’an dernier. L’un, en date du 15 mai 2008, inclut des données fournies par l’Agence Régionale du Renseignement numéro 7 de la 4e Brigade de l’Armée, « où est porté à la connaissance le résultat d’un travail antérieur d’investigation du Renseignement en relation avec les agissements délictueux sur les plans “politiques” et “terroristes” du PC3 ». Ce document attire l’attention sur les liens présumés du PC3 avec des organisations tels que le Collectif des Droit de l’Homme Semence de Liberté, la Fédération des Étudiants Universitaires (FEU), la Fédération des Élèves de Secondaire (FES) et la Corporation Colombo-Cubaine de Medellin. De plus, le rapport attribut un caractère “subversif” aux personnes qui portent des T-shirts du Parti Communiste Colombien et il stigmatise les réunions où sont déployées des banderoles et des pancartes du PDA.

Depuis le 3 avril dernier, suite à la réouverture du procès pénal, 13 personnes ont été impliquées dont 4 ont comparu librement afin de définir leur situation juridique. Quatre autres ont été capturées ces dernières semaines. Toutes sont accusées de délit de rébellion. Les avocats de la défense attendent que soit défini le protocole selon lequel devra se poursuivre l’enquête ; car jusqu’à présent celle-ci se déroulait selon des normes établies par la loi 600 de l’an 2000 qui permet que le Ministère Public agisse sans le contrôle d’un Juge de Garanties. Mais les avocats de la défense réclament que le procès se déroule selon les postulats de la loi 906 de 2004, puisque les faits sur lesquels porte l’enquête ont eu lieu dans la ville de Medellín après le 1er janvier 2006.

Les partis politiques, les organisations sociales, syndicales, étudiantes et de défense des droits de l’homme sont en alerte car ils considèrent qu’à travers ce procès non seulement ils sont en train de perdre leur légitimité, mais aussi que c’est une manière de faire obstruction aux travaux de la défense et de la promotion des droits de l’homme et une manière de perturber le travail social et politique qu’ils effectuent avec les communautés les plus vulnérables parmi lesquelles se trouvent les victimes des paramilitaires et de l’État.


Traduction FAL33.

Texte original :

http://www.ipc.org.co/page/index.php?option=com_content&task=view&id=1433&Itemid=301

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