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Opinion

L’inoubliable Marcelo Bielsa

Salim Lamrani

samedi 12 mars 2016, mis en ligne par Salim Lamrani

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Plus de six mois après son départ de l’Olympique de Marseille, supporters et joueurs ont toujours la nostalgie de Marcelo Bielsa.

Les supporters de l’Olympique de Marseille n’ont pas oublié Marcelo Bielsa. Les portraits du mythique entraîneur argentin fleurissent toujours dans les travées du stade Vélodrome, où tous regrettent l’époque où leur équipe pratiquait le jeu offensif le plus spectaculaire de France. La rencontre en Ligue Europa entre l’OM et l’Athletic Bilbao, deux clubs par lesquels est passé le technicien de Rosario, a ravivé les souvenirs émus des supporters des deux équipes qui n’ont pas hésité à s’afficher ensemble sur le Vieux Port en brandissant avec fierté des banderoles à l’effigie de la star sud-américaine, symbole d’un football populaire.

Les joueurs de Marseille ayant été sous les ordres de Marcelo Bielsa, et qui sont toujours au club, partagent l’avis des supporters et n’hésitent pas à exprimer leur reconnaissance envers leur ancien entraîneur. Cela malgré l’hostilité de la direction du club, responsable de la démission du technicien argentin, qui fait tout pour effacer l’épopée Bielsa.

Steve Mandanda, gardien et capitaine emblématique de l’Olympique de Marseille, au club depuis près de 10 ans, ne tarit pas d’éloges au sujet de celui qu’il considère comme la référence dans sa carrière : « C’est la période où j’ai pris le plus pris de plaisir depuis que je suis au club, avec la saison du titre de champion [en 2010]. Dans le jeu, c’était énorme. […] En match, on tentait des trucs parfois super dangereux et ça fonctionnait. C’était incroyable. Et il y avait cette communion avec le public ». En effet, sous l’ère Bielsa (2014-2015), quel que fût l’adversaire, le stade Vélodrome était toujours plein à craquer.

Aleixys Romao, milieu de terrain toujours au club, se souvient de la confiance que l’entraineur argentin arrivait à insuffler à ses joueurs : « Avec Bielsa, quand on entrait sur le terrain, on savait qu’on allait gagner ». Le joueur retient sans hésiter « les six premiers mois » qui ont vu le club finir champion d’automne en décembre 2014, devant même la pléthorique armada du Paris-Saint-Germain et ses innombrables stars et son budget illimité. « Ça restera de bons souvenirs », conclut-il.

Florian Thauvin, milieu offensif qui a passé six mois en Angleterre, se souvient de l’exigeant entraineur argentin et lui a rendu hommage dès son retour à Marseille en janvier 2016 : « J’ai toujours eu de bons rapports avec le coach, même si ça a pu gueuler parfois ».

Nicolas Nkoulou, leader de la défense marseillaise, n’oublie pas non plus le passage de Bielsa dans la cité phocéenne, en dépit de son fort caractère, de ses exigences marquées et des entrainements épuisants. L’international camerounais note que le technicien argentin « a révolutionné le club ». Il exprime également sa reconnaissance à son égard : « J’ai apprécié travaillé avec lui, il m’a beaucoup apporté ».

Pour Brice Dja Djédjé, défenseur latéral, l’influence de son ancien coach a été fondamentale dans sa progression. Il se souvient de sa rigueur scientifique : « Il m’a apporté énormément. […] Avec Bielsa, je travaillais spécifiquement. Il me montrait souvent mes matchs, m’expliquait ce qu’il fallait que je fasse. Il me montrait mes défauts, ce qui fait que j’arrivais très vite à analyser ».

Vincent Labrune, président de l’Olympique de Marseille dont la conduite et les mensonges répétés ont eu pour conséquence le départ de Bielsa, avait déclaré à la presse que Mauricio Isla – que Bielsa avait eu sous ses ordres lorsqu’il était sélectionneur du Chili – n’avait signé au club qu’après la démission de l’entraîneur argentin. Selon lui, Isla ne souhaitait plus travailler avec El Loco. La réplique du défenseur chilien, pourtant salarié du club, a été immédiate : « Le président ne parle pas espagnol. Il a dû mal comprendre. Je ne me suis jamais plaint de Bielsa. Au contraire, c’est le meilleur entraîneur que j’ai connu. Grâce à lui, je suis international ». Il se souvient de l’exigence de son ancien mentor dont il loue les qualités de meneur d’hommes : « Au début, tu as envie de te rebeller. Mais dès que tu réalises tes progrès, tu commences à l’aimer ».

Du côté des joueurs ayant quitté le club pour d’autres cieux après avoir évolué sous les ordres de Bielsa à Marseille, ils sont beaucoup à garder un souvenir plein de respect du technicien argentin. Dimitri Payet, actuellement en lice pour être élu meilleur joueur du championnat d’Angleterre sous les couleurs de West Ham, rend hommage à celui qui l’a fait le plus progresser. « Je n’ai passé qu’une saison avec lui, mais j’ai énormément appris. J’ai le sentiment d’avoir appris pour les 10 prochaines années », a-t-il déclaré.

Jérémy Morel, latéral de formation qui officie désormais sous les couleurs de Lyon, souligne les capacités de Bielsa à déceler le potentiel caché de chaque joueur et lui exprime sa gratitude : « Il est le seul à avoir cru en moi en défense centrale. Dès le début, il m’a fait part de ses intentions, il voulait que je sois dans l’axe. Pour lui, j’étais l’un des meilleurs joueurs de la tête ».

Mario Lemina, jeune joueur, est passé entre les mains de Bielsa, ce qui lui a permis d’intégrer la prestigieuse équipe italienne de la Juventus de Turin. Il rend hommage à celui qui lui a permis d’être recruté par un club de l’élite mondiale : « Bielsa m’a beaucoup appris. Il a apporté sa patte à l’OM, notamment sur le plan tactique. C’est un entraîneur particulier, qui faisait beaucoup progresser les joueurs. Et je le remercie pour ce qu’il a fait pour moi ».

André Ayew, formé à l’Olympique de Marseille, rappelle les qualités exceptionnelles de formateur de Marcelo Biela : « C’est quelqu’un qui peut vraiment apporter beaucoup à des très jeunes joueurs. Il peut vraiment les faire progresser et les amener très haut […]. C’est difficile de trouver un entraîneur qui peut trouver cette envie, cette motivation, cette rigueur pour de jeunes joueurs ».

Il convient en effet de rappeler une réalité parfois trop vite oubliée. Grâce à Marcelo Bielsa, certains jeunes joueurs ont réalisé des progrès impressionnants en l’espace d’une année. Leur valeur marchande a ainsi explosé sur le marché des transferts. A titre d’exemple, Giannelli Imbula, 23 ans, acheté 7,5 millions d’euros par Marseille, a été cédé à Porto à plus de 20 millions d’euros. Benjamin Mendy, 21 ans, recruté pour moins de 3 millions d’euros, en vaut aujourd’hui dix fois plus. Michy Batshuayi, acquis 7 millions d’euros, a reçu des propositions financières à hauteur de 35 millions d’euros.

Comme le note Javier Zanetti, joueur argentin de légende et actuellement vice-président de l’Inter de Milan, « la grande habileté de Bielsa, c’est de te faire arriver à 100% de tes possibilités, et tous les entraîneurs ne sont pas capables de le faire. C’est impossible de ne pas aimer Bielsa : il est transparent, compétent, il donne sa vie entière pour le foot et surtout, il est très respectueux ».

Marcelo Bielsa n’est resté qu’un an à Marseille. Mais il a laissé une trace indélébile. Aucun autre entraîneur n’aura autant marqué le club en si peu de temps. Les amoureux du football en général regrettent le départ de celui qui a fait souffler un vent de fraîcheur sur le championnat de France. Les supporters gardent un souvenir nostalgique du jeu offensif et généreux, si caractéristique du style Bielsa. Mais ils se souviennent surtout de la rectitude morale de celui qui a toujours refusé la démagogie dans ses relations avec les médias et qui avait pour principale préoccupation que « le public soit plus cultivé ». « Être cultivé pour être libre » disait José Martí, Héros national cubain et sans doute le plus universel des penseurs latino-américains. Marcelo Bielsa a fait de cette maxime sa devise personnelle.


Docteur ès études ibériques et latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les États-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba, parole à la défense !, Paris, éditions Estrella, 2015 (Préface d’André Chassaigne).
Contact : lamranisalim chez yahoo.fr ; Salim.Lamrani chez univ-reunion.fr
Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

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