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ARGENTINE - Marche de la colère : les Argentins ont exigé toit, terre, travail et alimentation d’urgence

Rodolfo Koé Gutiérez

jeudi 21 février 2019, mis en ligne par Françoise Couëdel

Jeudi 14 février 2019.

Des centaines de milliers de personnes ont marché ce mercredi dans Buenos Aires et d’autres villes d’Argentine, lors d’une journée de lutte pour « la terre, un toit, et du travail, contre la faim et des prix exorbitants, et pour exiger que soit déclaré l’état d’urgence alimentaire, au milieu d’une profonde crise économique et sociale.

« Il y a des faits dramatiques difficiles à rapporter. Des milliers de petites et moyennes entreprises baissent le rideau : ce sont les premiers centres d’emploi, et ils sont obligés de fermer. Si les prix sont devenus inaccessibles pour la classe moyenne imaginez ce qui se passe pour nos camarades dans les quartiers périphériques », a indiqué le titulaire de la Confédération des travailleurs de l’économie populaire (CTEP), Esteban Castro.

La marche dans la capitale argentine (estimée à quelques 200 mille personnes par les organisateurs) est parvenue jusqu’au bureau de la ministre du Développement social, Carolina Stanley, qui a accusé les mouvements sociaux d’user de « méthodes d’extorsions », après avoir admis que l’indicateur de pauvreté sociale montera à nouveau en mars. Castro a indiqué qu’il y aura encore des ajustements, que le nombre des indigents dans le pays augmentera et que « la seule issue que nous avons est de nous exposer à la lumière et que cela nous rejette dans la marginalité ».

La manifestation a été convoquée par les mouvements sociaux, à la tête desquels figurait Quartiers debout, la Confédération des travailleurs de l’économie populaire (CTEP) – proche du Pape François – , le Courant classiste et combatif (CCC), et d’autres, comme la Fédération nationale territoriale qui intègre la Centrale des travailleurs argentins (CTA autonome). Les organisations péronistes ne se sont pas jointes à la manifestation.

Les revendications des mouvements sont multiples : que la loi d’urgence alimentaire soit votée – face à la situation dramatique des quartiers et des cantines populaires, dépassés par le nombre de familles qui font appel à la solidarité du peuple, des prêtres et des maîtres d’école –, que soient multipliés les projets sociaux, que soient condamnés les hausses de prix exorbitantes et la dépendance du gouvernement aux diktats du Fonds Monétaire international (FMI), qui vient de demander plus d’ajustements alors que la vie quotidienne est dramatique et les licenciements nombreux.

Les organisations ont fait savoir qu’il est urgent que l’État augmente l’envoi d’aliments aux cantines populaires car la faim est problématique ; elles ont exigé que soit relevé le montant du salaire social complémentaire et augmenté l’Assignation universelle par enfant. Elles ont réclamé aussi que soient appliquées les propositions incluses dans quatre projets de loi présentées au Congrès (Urgence alimentaire, Infrastructures sociales, Agriculture familiale et Urgence pour addictions) bloquées par l’officialisme.

Elles exigent prioritairement la déclaration d’Urgence alimentaire nationale, avec la création d’un Programme national de sécurité alimentaire et nutritionnelle comme instrument pour garantir l’alimentation des enfants jusqu’à l’âge des 16 ans. De tous les enfants alimentés dans les cantines de la périphérie de Buenos Aires, 42% souffrent d’une forme ou autre de malnutrition, comme l’obésité ou le surpoids.

De l’ensemble de projets que les mouvements sociaux ont présentés seuls ont été retenus celui des quartiers populaires des villes, recensés dans tout le pays ; les propriétaires des maisons qui y sont implantées devaient recevoir une attestation d’ayant droit. Mais le manque d’attestation laisse sans solution des milliers de familles expulsées de leur logement. La ministre a également gelé 25% des constructions d’intérêt public qui devaient être réalisées dans ces quartiers et qui étaient destinées aux coopératives constituées par ces mêmes habitants.

« La faim a à nouveau fait son apparition dans les quartiers et nous considérons que c’est la pire année depuis la crise de 2001 que personne n’a oubliée, quand le pays s’est effondré » a déclaré Daniel Menéndez de l’association Quartiers debout. Les dirigeants ont souligné l’unité et la simultanéité des expressions de la lutte, en ce jour où, dans tout le pays, resurgit le troc comme lors de la crise sociale qui a éclaté en 2001-2002, « mais cela les médias progouvernementaux le cachent alors que le monde entier le sait déjà ».

Alors que le président Mauricio Macri s’entête à nier la gravitée de la situation, selon les informations de l’Institut national des statistiques et des recensements, en décembre, l’industrie a travaillé seulement à 56,6 % de sa capacité, le niveau le plus bas depuis juillet 2002.

Miguel Acevedo, président des chefs d’entreprise de l’Union industrielle argentine a affirmé l’activité « continuera à chuter et nous n’entrevoyons pas une récupération à court terme, bien au contraire, nous croyons que la chute se poursuivra ce premier semestre ».

Ariel Aguilar, vice-président de la Confédération générale des entreprises, a indiqué que la dette fiscale des petites et moyennes entreprises (PME), qui ferment les unes après les autres par milliers chaque mois, « c’est la politique économique du gouvernement qui l’a engendrée » ; il a demandé un moratoire « sérieux » pour qu’elles puissent payer leurs arriérés ; il a rappelé qu’en 2017 plus de 150 mille PME ont été victimes d’une saisie par l’Agence fédérale du Trésor publique et que ce nombre a augmenté de 30%. Plus de 2 800 entreprises ont mis la clé sous la porte pour le seul premier mois de l’année dans la capitale et la ville de La Plata.

La présence de dirigeants syndicaux, comme Roberto Bradel (enseignants), Hugo Godoy (entreprises publiques), Juan Carlos Schmid (transport), Hector Amichetti (presse), a mis en évidence l’adhésion de la Centrale des travailleurs argentins (CTA), du Courant fédéral et de la Confédération du transport. Étaient présents également Eduardo Murúa, du Mouvement national des entreprises récupérées et le mouvement Missionnaires de François.

Le gouvernement de Macri de la ville de Buenos Aires a répondu à la marche des organisations sociales contre les politiques de la faim, par des amendes infligées aux 95 autobus qui ont transporté les manifestants, pour « transport illicite » et stationnement inapproprié sur l’Avenue du 9 juillet et à proximité.

Le député provincial de la Coalition civique, Guillermo Castello, a présenté un projet de loi pour exclure des plans sociaux toute personne ou groupements qui, lors des grèves, interromprait la circulation ou endommagerait l’espace public.


Rodolfo Koé Gutiérrez est un journaliste économique argentin, analyste associé au Centre latino-américain d’Analyses stratégiques (CLAE, www.estrategia.la).

Traduction française de Françoise Couëdel.

http://estrategia.la/2019/02/14/marcha-de-la-bronca-argentinos-exigieron-techo-tierra-trabajo-y-la-emergencia-alimentaria/.

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