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ÉQUATEUR - L’Initiative Yasuní-ITT dans les débats européens
Matthieu Le Quang
jeudi 25 août 2011, mis en ligne par
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Résumé
Cet article cherche à analyser quelques points de débat sur l’Initiative Yasuní-ITT en Europe : laisser le pétrole sous terre ce qui pose problème quant à notre dépendance à cette ressource naturelle finie ; son intégration dans les négociations internationales et son lien avec les politiques nationales, surtout avec le Plan national pour le Bien Vivre, dans le but de changer de modèle de développement.
Introduction
L’Équateur est un pays peu connu au niveau mondial. Ce qui est le plus connu, c’est son mouvement indigène puissant, son instabilité politique chronique et son appartenance à ce que nous appelons couramment « le virage à gauche de l’Amérique latine ». Toutefois, depuis l’approbation de la nouvelle constitution il y a plus de deux ans, constitution qui a été analysée tant dans la manière dont elle a été rédigée (la forte participation de la société civile) que dans ses différentes avancées (surtout les Droits de la Nature), un autre projet retient l’attention des sociétés civiles au niveau international : l’Initiative Yasuní-ITT [1], laquelle suscite beaucoup de débats et de questions en Europe.
Ce projet novateur proposé par le gouvernement équatorien en juin 2007 au niveau national, et en septembre de la même année à l’Assemblée générale de l’ONU, s’est transformé en un symbole au niveau mondial : laisser le pétrole sous terre pour éviter l’émission de gaz à effet de serre ! Cette idée, simple à première vue, suscite beaucoup de débats parce qu’elle remet en question la logique même des négociations internationales : au lieu de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, il faut les éviter. Mais le plus novateur, c’est que la discussion tourne autour de l’utilisation du pétrole, une ressource naturelle non renouvelable qui est la base de notre société capitaliste industrielle qui le consomme comme si elle était illimitée. Comment peut-on proposer de laisser le pétrole sous terre ? Et si d’autres pays suivaient cet exemple, que deviendrait-on ? Par cette proposition, l’Équateur pointe une grande défaillance de notre système : notre dépendance au pétrole. Ce constat est aussi très difficile à accepter pour les pays industrialisés.
En Europe, la crise politique équatorienne autour de ce projet de janvier 2010 [2] a laissé une série de doutes dans les gouvernements et dans la société civile. Malgré cela, les attentes des organisations de la société civile en ce qui concerne cette initiative se sont maintenues. De multiples organisations discutent de ce projet dans le cadre du débat sur le réchauffement de la planète et de l’échec des sommets de Copenhague et de Cancún. Ces débats cherchent à exercer une pression sur la classe politique pour avoir davantage d’efficacité et une plus grande portée dans les politiques qui atténuent le problème.
Cet article cherche à analyser quelques points de débat sur l’Initiative Yasuní-ITT en Europe. Il s’appuie sur des discussions, conférences, colloques et réunions auxquels l’auteur a pris part en France, en Suisse et en Espagne. L’objectif de ces rencontres était d’informer sur l’initiative et de rassembler les différentes impressions de différents publics : le citoyen moyen, responsables politiques, organisations sociales et écologistes, chercheurs sur les problèmes écologiques, partis politiques ou les think tanks [3] qui sont médiateurs dans les négociations sur le changement climatique. Malgré la diversité des avis et des niveaux d’information, il est intéressant d’écouter les différentes critiques, espoirs, questions, etc. que suscite ce projet.
Le cœur du problème : le pétrole
L’ITT profite de l’état de déception et de désespoir au niveau mondial causé par l’échec des négociations sur le réchauffement climatique. Comme il n’y a pas de réponses concrètes au niveau des États, le projet radical de l’Équateur de laisser sous terre une partie de son pétrole fascine, mais aussi suscite quelques rejets. En effet, le pétrole est de loin la source d’énergie la plus importante pour l’économie mondiale. C’est aussi un produit stratégique par la situation de ses gisements, ce qui implique une interdépendance entre pays beaucoup plus forte que celles créées par d’autres sources d’énergie.
Le pétrole a un fort caractère économique et politique parce que, outre les multiples acteurs qui prennent part à la scène pétrolière (État, compagnies pétrolières, etc.) et ses divers intérêts, il est plongé dans des problématiques mondiales actuellement de grand intérêt, dont deux nous intéressent plus particulièrement pour cette analyse : le réchauffement de la planète et les besoins énergétiques qui résultent de nos modes de vie et de consommation. À ceci s’ajoute le fait que c’est une ressource naturelle non renouvelable au caractère fini, à partir de laquelle on s’interroge sur le futur du pétrole dans nos sociétés.
Dans le bilan énergétique mondial actuel, le pétrole satisfait 35% des besoins d’énergie primaire (contre 45% en 1973), au-dessus du charbon (25%), du gaz naturel (20%), des énergies renouvelables (13%) et de l’énergie nucléaire (7%). [4] Ce qui est intéressant c’est qu’actuellement le pétrole ne sert déjà pratiquement plus à produire de l’électricité : seulement 5% de l’électricité dans le monde est produite par le pétrole, 40% vient du charbon, 20% du gaz naturel, 18% de l’hydraulique, 15% de l’énergie nucléaire et moins de 3% des énergies renouvelables. Le pétrole est utilisé plus fortement dans le secteur du transport (aérien, terrestre, maritime, et dans une moindre mesure ferroviaire), dans lequel il constitue presque un monopole. En effet, autour de 60% de la demande du pétrole vient de ce secteur. Les autres demandes proviennent de l’industrie, l’agriculture ou le secteur pétrochimique, particulièrement les matières plastiques.
Indépendamment du combustible pour les transports, les matières plastiques, les solvants (comme les peintures), les lubrifiants, les détergents, les fibres synthétiques, l’asphalte et le goudron, la gomme synthétique (comme le latex) ou les engrais utilisés dans l’agriculture proviennent du pétrole. Cette liste non exhaustive montre que notre vie quotidienne dépend de cette ressource naturelle ou de ses dérivés. Le pétrole est devenu indispensable pour le fonctionnement de la société moderne. Malgré tout, il paraît nécessaire de se préparer dès maintenant à une société post-pétrolière, non pas à cause de l’épuisement inévitable des réserves du pétrole, mais à cause des changements climatiques radicaux dont le pétrole est en grande partie responsable. En effet, la combustion du pétrole émet un quart du total des gaz à effet de serre responsables du réchauffement global. [5]
Quand les deux conditions (réserves limitées et réchauffement de la planète) se trouvent réunies comme en Équateur, le débat sur un développement post-pétrolier est inévitable et nécessaire. En effet, les réserves limitées (il resterait seulement 30 années d’exploitation), déjà en baisse (la production des champs de PetroEcuador [6] est passée de 280 000 barils chaque jour en 1994 à 170 000 en 2007) (Larrea, 2010 : 78) nous invitent à une réflexion appropriée : il faut préparer les conditions pour une transition non traumatisante vers une économie post-pétrolière. Mais que signifie une société post-pétrolière pour l’Équateur ? D’abord, diminuer la dépendance de l’État par rapport aux ressources financières générées par l’exploitation pétrolière (que nous analyserons par la suite) ; deuxièmement, changer la matrice énergétique pour diminuer le poids relatif du pétrole et des énergies fossiles dans la consommation d’énergie. Il ne s’agit pas seulement de remplacer l’actuelle matrice énergétique par une autre moins polluante, plus disponible, plus efficace, etc. Il faut aussi changer la manière de produire et d’utiliser l’énergie, en faisant une transition vers une nouvelle civilisation énergétique sur de nouvelles bases technologiques.
C’est sur ce point que le projet ITT s’inscrit comme un premier pas vers une société post-pétrolière : le capital du fonds Yasuní-ITT sera investi dans le développement de sources renouvelables d’énergie hydraulique, géothermique, éolienne ou solaire, dans l’objectif de changer la matrice d’offre énergétique et productive (Le Quang, 2011).
L’ITT dans le cadre des négociations internationales
Une importante question provenant tant des mouvements sociaux que des politiciens est la suivante : pourquoi avoir mis l’Initiative Yasuní-ITT dans la Convention-cadre des Nations unies sur les Changements climatiques (CCNUCC) et dans les débats sur les émissions de carbone, alors qu’au niveau global les émissions évitées grâce à l’ITT ne représenteront pratiquement rien ? Cette question en englobe une autre : pourquoi ne pas l’inclure dans la Convention sur la diversité biologique ? S’il y a bien du scepticisme sur la contribution du projet pour la non émission de gaz à effets de serre au niveau global, il y a plus d’acceptation du projet par rapport à la protection de la biodiversité. Bien qu’en termes globaux l’apport du projet soit minime quant à la non émission de gaz à effets de serre, l’initiative de laisser sous terre une ressource qui est l’origine même de la majorité de ces émissions peut constituer le début de nouvelles lignes pour les négociations internationales sur le changement climatique. L’une d’elles a été posée par le gouvernement équatorien au dernier Sommet de Cancún et a été acceptée dans les documents de travail : la proposition « des émissions nettes évitées ».
Le débat sur l’inscription de cette initiative dans la Convention sur la protection de la biodiversité reste présent car, avec cette proposition, on pourrait conserver un des écosystèmes les plus sensibles et une des biodiversités les plus importantes de la planète, ce qui n’est pas quantifiable. Selon Brice Lalonde, l’ancien ambassadeur français pour les négociations sur le changement climatique, le meilleur argument pour cette Initiative, ce n’est pas de laisser le pétrole sous terre, mais le fait de protéger une biodiversité riche, ce pourquoi, ajoute-t-il, il y a déjà beaucoup d’argent disponible dans le fonds créé par cette Convention.
Toutefois, inclure la proposition ITT dans la Convention sur la diversité biologique pourrait la réduire à son (grand) apport environnemental, sans prendre en considération les critères économiques, sociaux, culturels, entre autres, qui sont des apports très importants. En outre, si nous étudions les principaux arguments du gouvernement équatorien en relation avec ce projet, ceux-ci sont soutenus par le principe de la responsabilité commune partagée, mais différenciée sur les problèmes environnementaux globaux (reconnue dans le Protocole de Kyoto) et par la dette écologique. À partir des différents degrés de responsabilité face à la pollution globale provoquée par les êtres humains, les sociétés les plus riches, qui sont les plus principales responsables de cette détérioration environnementale, sont priées d’assumer cet engagement partagé et dans la proportion leur correspondant. Le concept de « dette écologique historique » permet de « poser la question centrale de la responsabilité historique et de qui doit à qui et pourquoi » (Bullard, 2010 : 17). La dette écologique et la justice sociale impliquent la lutte contre l’injuste distribution des impacts des catastrophes climatiques, et une meilleure répartition des bénéfices économiques produits par le modèle que suppose ce changement climatique. Les pays industrialisés se sont enrichis à partir des ressources naturelles des pays du Sud, dont la population pauvre a dû supporter les coûts écologiques.
Pour résumer, « la contribution financière demandée par l’Équateur doit être comprise plus comme une proposition encadrée dans les politiques internationales qui cherchent la justice climatique que comme une condition pour protéger le secteur, puisque l’État reconnaît comme prioritaire la protection et la conservation du secteur, objectif prévu aussi dans la législation équatorienne elle-même. » (Acosta et al., 2009 : 16).
L’Initiative Yasuní-ITT dans le cadre de la politique nationale équatorienne
Les adversaires de l’Initiative ITT [7] insistent sur le fait que, puisque la Réserve de biosphère Yasuní est reconnue comme parc naturel, le gouvernement équatorien doit respecter ses lois et la législation internationale autour de ces secteurs protégés. Alors, selon eux, ce projet ne devrait pas exister parce qu’il n’est pas possible d’exploiter les ressources naturelles d’un secteur protégé et en conclusion l’Équateur ne peut pas demander une compensation internationale pour la non-exploitation du pétrole et pour la protection de la biodiversité d’un parc national. Le problème ici est que la réalité des pays du Nord, qui ont des ressources financières suffisantes pour protéger leurs parcs naturels, n’est pas la même que celle des pays du Sud.
Le Yasuní et même la Zone intouchable sont gardés par à peine six gardes forestiers. Il faut ajouter que l’Amazonie équatorienne a bénéficié de peu de politiques publiques de l’État. Depuis la découverte de grandes réserves de pétrole dans les années 50, l’État a accordé de grandes concessions territoriales aux pétroliers étrangers. Bien que depuis peu, il soit un peu plus présent dans la région amazonienne, l’État n’a jamais exercé son rôle dans cette région ; ce sont les entreprises pétrolières qui, afin de s’assurer l’appui des communautés locales, financent les centres de santé ou les écoles. L’Initiative Yasuní-ITT signifie aussi un changement dans cette logique, puisqu’un pourcentage de l’argent collecté sera investi dans des projets d’éducation, de santé, d’infrastructures, de sources d’emploi durables, etc. dans la région, et dans la protection du Yasuní.
Une des questions et des critiques les plus fortes, surtout de la part des organisations sociales et des écologistes, porte sur les autres politiques du gouvernement de Rafael Correa, en particulier sur sa politique extractiviste (exploitation des ressources naturelles). Certains parlent d’« incohérence » entre les politiques du gouvernement qui favorisent l’exploitation pétrolière, et les politiques de la nouvelle Constitution qui exigent la protection de l’environnement. Il vaudrait mieux parler d’une « contradiction » entre la volonté de passer à une société post-pétrolière qui ne dépendrait pas de l’extractivisme, et une politique actuelle de développement qui parie sur l’extractivisme. Cette contradiction est présente depuis l’approbation de la Constitution : comment peut-on défendre les Droits de la Nature et se battre contre sa dégradation et, en même temps, chercher le bien-être et la fin de la pauvreté de la population par le biais du développement économique ? Cet objectif à court terme a besoin d’avoir de l’argent rapidement et de profiter au maximum des capacités du pays. En Équateur, cela veut dire maximiser l’exploitation des ressources naturelles. En outre, le gouvernement a parié sur l’investissement dans des politiques de croissance par l’intermédiaire d’aides sociales, d’investissements dans des politiques sociales (éducation, santé, etc.) ou par l’amélioration des infrastructures. [8] Le problème de l’Équateur c’est qu’il doit changer son modèle de développement actuel basé sur l’exploitation et l’exportation de ses ressources naturelles, mais pour cela il faut avoir des ressources financières que l’État n’a pas. Alors, en suivant cette logique, Rafael Correa pense qu’il faut exploiter ces ressources naturelles pour financer les réformes structurelles. Dans cette conjoncture, il y a deux approches : 1) le plus important, ce n’est pas de savoir s’il faut exploiter ou non ces ressources naturelles, mais savoir s’il faut autoriser l’exploitation à ciel ouvert et à grande échelle comme stipulé dans la Loi d’Industrie minière. Cette façon d’exploiter est nécessairement polluante et va contre les Droits de la Nature promus par la Constitution ; 2) baser la dernière phase extractiviste du pays dans l’exploitation des gisements pétroliers ouverts et non sur l’ouverture de nouveaux puits comme le propose le Plan de gouvernement 2007-2011 d’Alianza País qui établit la thèse du moratoire pétrolier. [9]
L’inclusion de l’initiative dans une véritable stratégie nationale de changement de modèle de développement, est un argument qui a beaucoup de poids, surtout pour les partis politiques, les mouvements sociaux et aussi pour quelques chefs d’entreprises. Le fait que ce ne soit pas un projet isolé lui donne plus de légitimité. Celle-ci représente un premier pas vers un nouveau modèle de civilisation qui permettrait qu’on articule justice sociale et urgence écologique. C’est une bonne occasion pour interroger la logique du modèle de développement extractiviste et c’est aussi une option pour construire une société basée sur la notion du « Bien Vivre », ce qui veut dire la vie en harmonie des êtres humains avec eux-mêmes et avec la nature. De là son articulation avec le Plan national du Bien Vivre (PNBV) [10] (República del Ecuador, 2009) et son intégration dans une vision nationale plus vaste. L’objectif du gouvernement équatorien à moyen/long terme est un changement de modèle de développement vers une société de la bioconnaissance ou vers une « biopôle » (voir René Ramirez Gallegos, 2010). Des réformes structurelles profondes sont nécessaires pour changer le modèle actuel, libéral, exportateur de matières premières, basé sur l’extractivisme et qui néglige le respect de la biodiversité. Cela passe par des changements radicaux dans les moyens de production de biens ou d’énergie ainsi que dans la société de consommation, parce que le modèle de développement actuel n’est déjà plus viable globalement.
Selon le ministre de la planification et du développement, René Ramirez [11], le meilleur avantage comparatif du pays est sa biodiversité et le meilleur avantage compétitif qu’il pourrait avoir serait de savoir profiter de cette biodiversité pour sa sauvegarde et la construction d’industries propres en relation, par exemple, avec la biotechnologie. Le PNBV propose la construction d’une nouvelle société avec deux questions fondamentales en relation directe avec l’Initiative ITT : 1) Comment passer du maintien du pétrole sous terre à une forme de création de la richesse, distribution et redistribution économique ? 2) Comment produire une « bioconnaissance » par l’intermédiaire de la biodiversité afin de créer un autre type de société ?
Conclusion
L’Initiative ITT est perçue à l’échelle mondiale comme une première qui permettrait d’articuler la justice sociale et l’urgence écologique. Mais, pour mieux convaincre les politiques, les entreprises susceptibles de contribuer ou les mouvements sociaux, il vaudrait mieux changer de discours. Maintenant, le « chantage » (vous contribuez ou nous exploitons l’ITT) ne fonctionne plus et fait peur aux futurs contributeurs qui se disent que le projet peut changer d’un moment à l’autre. Ce type d’argument pouvait fonctionner quand l’initiative n’était pas mûre politiquement, mais après la signature du fidéicommis avec le PNUD, il a atteint un degré de maturité politique où il faut utiliser d’autres arguments, comme le fait de laisser le brut sous terre sans l’aide des autres pays, en démontrant la responsabilité du gouvernement face au réchauffement de la planète. On prouverait ainsi le manque de responsabilité des pays industrialisés qui ont une dette écologique avec les pays du Sud comme l’Équateur.
Aujourd’hui plus que jamais, il va être difficile de convaincre les gouvernements européens, qui doivent affronter la crise économique et qui, face à celle-ci, privilégient la compétitivité de leurs entreprises plutôt que la lutte contre le réchauffement de la planète. Par conséquent, il est peu probable que les gouvernements européens aillent contribuer au projet en termes financiers sans la pression des sociétés civiles nationales. Introduire l’Initiative ITT dans la discussion budgétaire européenne suppose donc un gros travail préalable avec les organisations de la société civile et les divers blocs parlementaires.
Par conséquent, concentrer ses efforts seulement sur les négociations avec les gouvernements serait une erreur tactique. En Europe, le champ politique est composé, au niveau national, par le gouvernement, les parlementaires, les différents partis politiques et la société civile organisée. Les décisions politiques dépendent beaucoup des relations de forces entre ces différents protagonistes. C’est pourquoi il y a généralement deux temps politiques : d’abord, présenter le sujet à la société civile ou à l’opinion publique, et ensuite (ou simultanément), négocier avec les gouvernements en sachant qu’il existe un grand appui derrière.
Le travail préalable envers les sociétés civiles et les différents acteurs politiques comme les think tanks ou les partis politiques est nécessaire pour poser le débat dans l’agenda social et politique dans les différents pays européens. Ainsi, si les gouvernements nationaux ne veulent pas financer totalement l’initiative, d’autres institutions pourront le faire : les villes, les régions ou les organismes privés comme les ONG ou les entreprises.
Références citées
Acosta, Alberto, Eduardo Gudynas, Esperanza Martínez y Joseph Vogel (2009). « Dejar el crudo en tierra o la búsqueda del paraíso perdido. Elementos para una propuesta política y económica para la Iniciativa de no explotación del crudo del ITT ». Polis : revista académica de la Universidad Bolivariana, n° 23.
Bullard, Nicola (2010). « La deuda climática como una estrategia política subversiva ». América Latina en Movimiento, n° 454.
Copinschi, Philippe (2010). Le Pétrole, quel avenir ? Analyse géopolitique et économique. Bruxelles : De Boeck.
Larrea, Carlos (2010). « Por qué el Ecuador debe mantener el petróleo del ITT bajo tierra ». Dans ITT-Yasuní. Entre el petróleo y la vida, Esperanza Martínez et Alberto Acosta [dirs.] : 75-83. Quito : Abya-Yala.
Le Quang, Matthieu (2011). « La puesta en marcha de la Iniciativa Yasuní-ITT. Entrevista con María Fernanda Espinosa ». http://www.alterinfos.org/spip.php?article4888.
Ramírez Gallegos, Franklin (2010). « Post-neoliberalismo indócil. Agenda pública y relaciones socio-estatales en el Ecuador de la Revolución Ciudadana ». Temas y Debates, n°20.
Ramírez Gallegos, René (2010). Socialismo del sumak kawsay o biosocialismo republicano. Quito : SENPLADES.
República del Ecuador, Plan Nacional de Desarrollo (2009). Plan nacional para el Buen Vivir 2009-2013 : construyendo un Estado plurinacional e intercultural. Quito : SENPLADES.
Version originale du texte (espagnol) : « La Iniciativa Yasuní-ITT en los debates europeos », Letras Verdes, n° 9, mai 2011, http://www.flacsoandes.org/letrasverdes/actualidad/75-la-iniciativa-yasuni-itt-en-los-debates-europeos.
Traduction réalisée par Françoise Bague.
[1] Projet du gouvernement équatorien de laisser sous terre 20% de ses réserves de pétrole, en échange d’une contribution financière à hauteur de 50% de ce qu’il aurait pu gagner s’il l’avait exploité. Cette proposition favorise la conservation de la biodiversité, évite la déforestation, respecte les droits des peuples indigènes qui vivent sur ce territoire, surtout ceux des Taromenane et des Tagaeri, etc.
[2] Crise qui a provoqué la démission d’une grande partie des membres de la commission chargée de l’initiative et aussi celle du ministre des affaires étrangères Fander Falconí.
[3] Un think tank est un groupe de personnes qui appartient à un laboratoire d’idées qui offre des conseils et idées sur tout type de sujets (politiques, économiques, commerciaux, etc.) à une institution gouvernementale ou à une entreprise ou à un parti politique.
[4] Tous les chiffres cités dans ce paragraphe viennent de Copinschi, 2010.
[5] Avec les autres énergies fossiles, comme le charbon et le gaz naturel, le pétrole est responsable des deux tiers des émissions de gaz à effet de serre. Avec un résultat énergétique égal, la combustion du gaz naturel émet 25% de CO2 en moins par rapport au pétrole et le charbon environ 40% en plus (Copinschi, 2010 : 104-105).
[6] Entreprise publique équatorienne chargée, entre autres, de l’exploitation du pétrole.
[7] Par exemple, Romain Pirard, un économiste de l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales), spécialiste des forêts et des mécanismes REDD, a présenté ses arguments pendant la conférence « Relation homme-nature : l’inspiration viendrait-elle d’Amérique latine ? Vision autochtone et mécanismes novateurs », Institut d’études politiques, Paris, 1er octobre 2010. L’IDDRI est un centre de recherche qui sert aussi de médiateur dans les négociations sur le changement climatique.
[8] Pour une analyse de la politique économique et sociale de la Révolution citoyenne, voir Ramírez Gallegos, F. (2010).
[9] Le Plan de gouvernement 2007-2011 d’Alianza País (mouvement politique de Rafael Correa) parle de la thèse du moratoire sur l’exploitation pétrolière.
[10] Ce plan, une feuille de route destinée à guider les politiques publiques du gouvernement avec une vision sur 20 ans, est consultable à la page internet de la SENPLADES : www.senplades.gob.ec.
[11] Entretien réalisé par la journaliste Julie Banos à Quito en avril 2010. Je la remercie de m’avoir donné l’enregistrement de cet entretien.