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DIAL 2376
BRÉSIL - « Les autres 500 ». Le grand défi des 500 ans est l’inégalité sociale
lundi 1er mai 2000, mis en ligne par
Luis Inácio Lula da Silva, président d’honneur du Parti des travailleurs et conseiller de l’Institut de la citoyenneté s’exprime sur les 500 ans écoulés depuis la « découverte » du Brésil. Texte paru dans America Latina en movimiento (ALAI) le 20 mars 2000.
La société brésilienne se trouve en face de deux visions concernant les 500 ans de notre pays. L’une, officielle, complètement vouée à la commémoration, soutenue et mise en avant par presque tous les moyens de communication. L’autre, alternative, interrogative, qui a à sa tête des organisations représentatives des Indiens, des Noirs, des sans-terre, des femmes, des syndicalistes, de diverses ONG et de partis politiques appartenant au champ démocratique populaire.
Qu’est-ce que nos enfants apprennent à l’école sur l’histoire du Brésil ?
Ils apprennent, par exemple, que les Indiens étaient paresseux et que les Portugais importèrent les esclaves d’Afrique pour travailler au Brésil. Deux gros mensonges, inventés par les colonisateurs et répandus jusqu’à aujourd’hui.
Les Indiens, dans leur grande majorité, ont résisté à la domination portugaise, ne se soumirent pas à l’esclavage et furent décimés. Les Noirs étaient des hommes libres en Afrique. Vaincus militairement, ils furent arrêtés, arrachés à leur terre natale et transférés, enchaînés, pour aller travailler et mourir au Brésil.
J’ai l’habitude de dire, en citant certains historiens, que les Portugais furent compétents pendant notre colonisation : ils maintinrent le pays unifié avec une seule langue, construisirent des forts militaires à l’embouchure de tout fleuve important dans ce vaste littoral et empêchèrent que se créent des universités dans notre pays, maintenant le peuple dans l’ignorance et notre culture dans la dépendance de l’Europe. Tout ceci fut excellent pour la domination portugaise, c’est évident.
Le gouvernement veut marquer l’événement des 500 ans par un climat de sélection naturelle à la brésilienne, de « patrie des magots », de « le Brésil est à prendre ou à laisser ». Le tout avec un maximum de fêtes et un minimum de réflexion.
La division face aux commémorations n’est pas artificielle. Un peuple qui ne connaît pas son histoire est prédestiné à ne pas la changer.
Exclusion sociale et violence
L’exclusion sociale est une caractéristique de ces 500 ans. L’esclave était traité comme un simple instrument de travail. Aujourd’hui, environ les 40 % les plus pauvres reçoivent seulement 7 % du revenu national, tandis que les 10 % les plus riches disposent de près de 51 %. C’est le plus haut taux de concentration du revenu dans le monde. C’est pour cela qu’il n’y a, par exemple, aucun souci des gouvernants pour une augmentation du salaire minimum de millions de Brésiliens et de retraités. C’est comme si prévalait encore la mentalité esclavagiste. En fin de compte, une personne qui gagne 151 reales ne peut pas dire qu’elle est vraiment libre.
Une autre question qui divise l’histoire de notre peuple est celle de la violence. Peut-on imaginer qu’il serait possible de maintenir une société esclavagiste sans utiliser régulièrement et systématiquement la violence contre les esclaves ? Cette violence a été légitimée tout le temps par l’État : les « colonels », tout le monde le sait, exercèrent toujours un pouvoir de vie ou de mort sur leurs employés et serviteurs. La grande majorité de la population des petites gens qui vit dans la campagne, dans les favelas, dans la périphérie des villes, est traitée férocement par les polices ou par les milices particulières chaque fois qu’elle manifeste son mécontentement ou contredit les intérêts des puissants. Beaucoup de gens qui détiennent le pouvoir et l’argent dans ce pays continuent d’agir comme s’ils étaient au-dessus des lois et de la justice.
Les leaders populaires apparaissent peu dans notre histoire et ne sont pas mis en valeur. Ils sont souvent traités comme des bandits. Zumbi, leader des Quilombos, Sepé Tiaraju, grand chef Guaraní, Antonio Conselheiro, héros des Canudos, et tant d’autres liés à des révoltes comme les Cabanadas, Balaiadas et Farroupilhas.
Le grand défi de ces 500 ans est l’inégalité sociale. Le pays possède l’unité territoriale mais sans égalité dans les conditions sociales.
Cacher ou nier les conflits relève toujours de l’intérêt de ceux qui dominent, non des dominés. Les conflits révèlent qu’il y a une insatisfaction sociale, une lutte réelle ou potentielle et une possibilité de changement. Le changement n’intéresse pas celui qui domine et qui tire bénéfice de la domination. Le juste critère pour apprécier les gouvernements et les périodes de notre histoire devrait être : ont-ils contribué ou non à éliminer les inégalités sociales du pays ?
Durant ces 500 ans, notre peuple pauvre - la grande majorité des Noirs, des Indiens et de tant d’exclus sociaux - a conquis le droit de crier qu’il a faim. Mais il n’a pas encore conquis le droit de manger.
L’église demande pardon
La Conférence nationale des évêques brésiliens (CNBB) doit rendre publique, au cours de sa 38ème Assemblée générale du 25 avril au 3 mai, une demande de pardon dont le texte définitif n’est pas disponible au moment où nous mettons sous presse.
Au cours de la messe solennelle du 26 avril à Coroa Vermelha pour célébrer les 500 ans, le légat du pape, le cardinal Angelo Sodano a déclaré : “nous sentons l’impératif de demander pardon pour tant de misères humaines qui obscurcirent ou trahirent le témoignage chrétien des disciples du Christ”. De son côté, Dom Jayme Henrique Chemello, président de la CNBB, a fait, au cours de l’acte pénitenciel de cette célébration, une prière de demande de pardon, notamment pour les péchés commis contre les Indiens dont les droits n’ont pas été respectés (Note DIAL).
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2376.
– Traduction Dial.
– Source (portugais) : America Latina en movimiento, mars 2000.
En cas de reproduction, mentionner au moins les auteurs, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.