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DIAL 2705

BRÉSIL - Faut-il internationaliser l’Amazonie ?

lundi 16 février 2004, mis en ligne par Dial

Au cours d’un débat dans une université des Etats-Unis, l’ex-ministre brésilien de l’éducation, Cristovam Buarque (il vient d’être remplacé à ce poste par Tarso Genro, ancien maire de Porto Alegre) fut interrogé sur ce qu’il pensait au sujet de l’internationalisation de l’Amazonie. Un jeune américain lança le débat en disant qu’il attendait la réponse d’un humaniste et non pas celle d’un Brésilien. Voici ce que lui dit Cristovam Buarque. On ne manquera pas de voir en sa réponse l’utilité de l’humour en politique... Ce texte a été repris par de nombreux journaux brésiliens et étrangers, après avoir été publié par le New York Times du 2 novembre 2003.


« En tant que Brésilien, je me prononcerai tout simplement contre l’internationalisation de l’Ama-zonie. Même si nos gouvernants n’ont pas un réel souci de ce patrimoine, celui-ci nous appartient. En tant qu’humaniste, sachant le risque de dégradation de l’environnement dont souffre l’Amazonie, je peux imaginer son internationalisation ainsi que l’internationalisation de tout ce qui à de l’importance pour l’humanité.
Si l’Amazonie, du point de vue d’une éthique humaniste, doit être internationalisée, internationalisons aussi les réserves de pétrole du monde entier. Le pétrole est aussi important pour le bien-être de l’humanité que l’Amazonie pour notre futur. Malgré cela, les propriétaires des réserves se sentent le droit d’augmenter ou de diminuer l’extraction du pétrole et de faire monter ou non son prix.

De la même manière, le capital financier des pays riches devrait être internationalisé.

Si l’Amazonie est une réserve pour tous les êtres humains, elle ne peut être brûlée par la volonté d’un propriétaire ou d’un pays. Brûler l’Amazonie est aussi grave que le chômage provoqué par les décisions arbitraires des spéculateurs « mondialisés ». Nous ne pouvons tolérer que les réserves financières servent à brûler des pays entiers, au moyen de la spéculation.

Plutôt que l’Amazonie, il me plairait de voir l’internationalisation de tous les grands musées du monde. Le Louvre ne doit pas appartenir seulement à la France. Chaque musée du monde est le gardien des plus belles pièces produites par le génie humain. On ne peut permettre que ce patrimoine culturel, comme le patrimoine naturel amazonien, soit manipulé et détruit par le bon plaisir d’un propriétaire ou d’un pays. Il y a peu de temps, un millionnaire japonais, décida de se faire enterrer avec le tableau d’un grand maître. Auparavant, ce tableau aurait du être internationalisé.

Durant cette rencontre, les Nations unies sont en train de réaliser le Forum du millénaire, mais des présidents de différents pays ont eu des difficultés à venir à cause des restrictions imposées aux frontières des Etats-Unis. Je pense donc que New-York, en tant que siège des Nations unies doit être internationalisé. Manhattan, au moins, devrait appartenir à toute l’humanité, de même que Paris, Venise, Rome, Londres, Rio de Janeiro, Brasilia, Recife...

Chaque ville du monde, avec sa beauté spécifique, son histoire, devrait appartenir au monde entier.

Si les Etats-Unis veulent internationaliser l’Amazonie, à cause du risque de la laisser aux mains des Brésiliens, que l’on internationalise tous les arsenaux nucléaires des Etats-Unis ! De plus, ils ont déjà démontré qu’ils sont capables d’utiliser ces armes provoquant une destruction des milliers de fois plus importante que les regrettables écobuages réalisés dans les bosquets du Brésil.

Dans les débats, les actuels candidats à la présidence des Etats-Unis ont défendu l’idée d’internationaliser les réserves forestières du monde en échange de la dette. Commençons par utiliser cette dette en garantissant à chaque enfant du monde la possibilité de manger et d’aller à l’école. Internationalisons les enfants, en les traitant tous- peu importe leur pays de naissance- comme un patrimoine qui mérite d’être pris en compte dans le monde entier, bien plus encore que ce que mérite l’Amazonie. Le jour où les dirigeants traiteront les enfants pauvres du monde comme un patrimoine de l’Humanité, ils ne les laisseront pas travailler alors qu’ils devraient étudier, ni mourir alors qu’ils devraient vivre.

Comme humaniste, j’accepte de défendre l’internationalisation du monde. Mais tant que le monde me traitera comme Brésilien, je lutterai pour que l’Amazonie soit à nous... Seulement à nous !


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2705.
 Traduction Dial.
 Source : New York Times, 2 novembre 2003.

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