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DIAL 3614
ARGENTINE - Plus de la moitié des enfants sont pauvres : les chiffres officiels et la réalité
Rodolfo Koé Gutiérrez
vendredi 22 avril 2022, mis en ligne par
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Le journaliste économique argentin Rodolfo Koé Gutiérrez est analyste associé au Centre latino-américain d’analyse stratégique (CLAE). Ce bref texte, publié sur le site Estrategia.la le 31 mars 2022, présente les chiffres de la pauvreté et de l’indigence présentés fin mars par l’Institut national de statistiques et des recensements (Indec).
Les données officielles de l’Institut national de statistiques et des recensements (Indec) indiquent que 37,3% des habitants des agglomérations urbaines argentines vit dans des foyers qui ne parviennent pas à avoir de revenus suffisants pour acheter le panier alimentaire de base.
Ces chiffres révèlent une réduction de 3,3 points comparée à celle du premier semestre 2021 quand la pauvreté touchait 40,6% des habitants et de 4,7 points comparée à celle du second semestre de l’année 2020 quand elle atteignait 42%.
La pauvreté s’est aggravée majoritairement pour la tranche d’âge des moins de 6 ans, en passant de 16,1 % dans la première moitié de 2021 à 21% dans la seconde moitié de l’année. Ce même rapport a montré que plus de la moitié (51,4%) des fillettes et des garçons sont pauvres. Pour les jeunes de 15 à 29 ans le niveau de pauvreté a été supérieur à la moyenne avec 44,2% et l’indigence touche 8,2% des personnes, celles qui ne parviennent pas à payer le panier alimentaire minimum et qui souffrent de la faim.
L’incidence de la pauvreté a été évaluée à 7,6%, ce qui signifie que sur mille foyers, 76 sont sous le seuil de pauvreté et elle augmente si on l’évalue au niveau individuel : le total des personnes sous le seuil de pauvreté se situe à 11%. 11% des individus ne dépassent pas le revenu minimum pour couvrir leurs besoins de base alimentaires et non alimentaires.
Les données de l’Indec ont confirmé qu’en dépit de la croissance économique (10,3%) en 2021, la pauvreté a baissé d’à peine 3,3%. Qui a mis la main sur les gains de la récupération ? se demandent les analystes car si le chômage baisse la pauvreté devrait diminuer. Mais l’Indec a démontré qu’il est possible que les chiffres de l’emploi s’améliorent et que dans le même temps s’aggravent les données de la pauvreté.
La comparaison avec le second semestre 2017 est brutale. Les niveaux de chômage sont pratiquement identiques à ceux relevés actuellement, mais la pauvreté est passée de 25,7% à 37,3% et l’indigence de 4,8% à 8,2%.
Au cours du second semestre 2021, en moyenne, 10,9 millions de personnes vivaient dans des foyers pauvres dans les agglomérations urbaines recensées par l’enquête officielle, ce qui, projeté sur le total de la population, atteint presque le chiffre de 17,1 millions de personnes. En un semestre sont parvenues à sortir d’une situation de pauvreté un peu plus d’1,5 million de personnes qui s’ajoutent aux 460 000 qui y étaient parvenues au cours du premier semestre de l’année, comparé au dernier semestre de 2020, selon les données officielles.
L’indigence par ailleurs a reculé à 8,2%, alors qu’elle était de 10,7% au premier trimestre 2021 et 10,5% au second semestre 2020. 3,8 millions de personnes vivent ainsi dans des foyers qui ne parviennent pas à dépasser le niveau d’indigence établi en fonction d’une alimentation offrant le nombre de calories nécessaires pour éviter la dénutrition.
Les statistiques ont été publiées après le rapport sur le marché du travail qui a révélé une amélioration sensible du taux d’activité et d’emploi. Selon l’Indec, le chômage est tombé à 7% au second semestre de cette année grâce à la réintégration dans le marché du travail de 1,8 millions de personnes.
Au cours des derniers trois mois de 2021, les paniers qui sont la mesure de la pauvreté et de l’indigence ont subi des augmentations inférieures à celles qu’a enregistrées l’Indice des prix au consommateur au cours de l’année (50,3%) : le panier définissant la ligne de pauvreté a augmenté de 40,5% et celui de l’indigence de 45,3%. La réduction de la pauvreté, selon le rapport officiel, a même été plus élevé que les pronostics les plus optimistes.
Si l’on analyse l’impact de la pauvreté et de l’indigence sur les enfants, les chiffres montrent que 51,3% des mineurs de 14 ans vivent dans des foyers pauvres alors que six mois plus tôt le pourcentage atteignait 54,3% et un an avant 57,7%.
Vers le plein emploi avec la pauvreté ?
Il est significatif et contradictoire qu’une économie qui évolue vers une situation de plein emploi virtuel (entre 3 et 4% de chômage) révèle en même temps des indices de pauvreté supérieurs à 37%. L’explication est à chercher dans la détérioration des revenus des travailleurs salariés formels et informels et à l’extension de l’emploi informel et de ce qui est appelé l’économie sociale.
Le spécialiste de l’Observatoire du droit social de la Centrale des travailleurs d’Argentine (CTA) – Autonome, Luis Campo, a expliqué que le problème de la pauvreté va en s’aggravant et a affirmé que si on le compare à celui de 2017 : « Les niveaux de chômage sont pratiquement identiques aux niveaux actuels, mais la pauvreté est passée de 25,7% à 37,3% et l’indigence est montée de 4,8% à 8,2% »
En dépit du sursaut de l’activité économique et de la baisse du chômage, 37,3% de la population n’a pas eu accès au panier de base défini par l’Indec. Même si cela implique une baisse de 3 points du pourcentage de la pauvreté comparé au premier semestre de 2021, le nombre de personnes dont les besoins essentiels ne sont pas satisfaits est passé de 11,3 millions en 2017 à 17,4 millions en 2021.
Les pronostics d’inflation pour le mois de mars indiquent une tendance de même nature qui pourrait entraîner une situation de pauvreté pour une grande partie de ceux qui sont parvenus à en sortir dans les derniers six mois de l’année dernière.
Le rapport sur la pauvreté a été rendu public le jour même où des milliers de travailleurs sans emploi cherchent à camper aux portes du ministère du développement social pour réclamer une augmentation du montant de l’allocation du programme Potenciar Trabajo, qui est aujourd’hui d’un peu plus de 16 000 pesos (soit moins de 80 dollars au change parallèle) et son universalisation.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3614.
– Traduction de Françoise Couëdel pour Dial.
– Source (espagnol) : Estrategia.la, 31 mars 2022.
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