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HONDURAS - Les États-Unis montrent les dents contre la démocratie hondurienne
Santiago Masetti
lundi 30 septembre 2024, mis en ligne par
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4 septembre 2024.
Depuis un certain temps, Washington manœuvre au Honduras pour déstabiliser le gouvernement dans le but de modifier les institutions, décrédibiliser les candidats de la majorité et préparer une nouvelle intervention antidémocratique dans la patrie de Francisco Morazán. Les interventions directes et indirectes des États-Unis au Honduras ont été monnaie courante au cours de tout le XXe siècle et pour ce qui est du siècle actuel elles sont devenues particulièrement agressives.
La plus grave des dernières interventions a eu lieu en 2009. Des agents des États-Unis ont entraîné les forces de sécurité honduriennes à la répression qui s’est déchaînée avec le coup d’État qui a renversé le président Manuel Zelaya. Les preuves abondent aussi de la complicité de Washington dans les fraudes électorales de 2013 et 2017 qui ont fait du Honduras une des régions les plus pauvres, les plus inégalitaires et dangereuses du monde.
Ce processus de détérioration économique, sociale et politique a commencé à s’inverser en 2021, avec l’accession à la présidence de la nation de Xiomara Castro, soutenue par le parti Liberté et Refondation (Libre). Cette semaine a circulé sur différents medias de communication locale l’information que la Chine avait alerté les autorités honduriennes concernant un plan de déstabilisation destiné à provoquer un nouveau coup d’État.
L’information décrit les manœuvres pour s’en prendre à un gouvernement déterminé. La première phase consiste à générer le doute au sein de la population et provoquer ainsi l’instabilité institutionnelle ; la seconde, à émettre un ordre d’extradition contre un fonctionnaire haut placé sans les capacités nécessaires et en dernier lieu à prendre le commandement principal de l’État-major conjoint des Forces armées et fomenter une insurrection des troupes contre le pouvoir exécutif.
L’opération putschiste orchestrée par les États-Unis et révélée par les autorités chinoises a débuté mercredi dernier après la réunion qu’ont tenue le ministre de la Défense d’alors et le chef de l’État-major conjoint du Honduras, José Manuel Zelaya et Roosevelt Hernández, respectivement, avec le ministre de la Défense du Venezuela Vladimir Padrino López. Moins de 24 heures après la rencontre entre les hauts fonctionnaires du Honduras et du Venezuela, l’Ambassadrice des États-Unis à Tegucigalpa, Laura Dogu, a remis en question la réunion et taxé le ministre vénézuélien de « narcotrafiquant ».
La présidente du Honduras, Xiomara Castro, a interprété le message de Dogu comme une ingérence dans les affaires intérieures et a appelé à mettre fin au Traité d’extradition que son pays a signé en 1912 avec les États-Unis, époque qui s’est caractérisée par les interventions armées états-uniennes en Amérique centrale, élément central de la diplomatie nommée « diplomatie du gros bâton », appliquée par Washington dans toute l’Amérique latine et la Caraïbe.
Les remises en question et les déclarations relevant de l’ingérence de la diplomate états-unienne contre le gouvernement actuel du Honduras ne sont pas nouvelles. Le 3 mai 2022, Dogu a condamné la réforme des services de l’énergie selon laquelle les autorités les décrétaient biens publics et participant des droits humains. Dans ses arguments qui relèvent de l’ingérence la diplomate états-unienne parlait d’un supposé effet négatif sur les investissements, prétendant que cela aurait un effet négatif sur les investissements privés étrangers.
En mars 2023, Dogu a déclaré que selon elle étaient négatifs les effets de la réforme tributaire sur les investissements et l’emploi, lancée par les députés de Libre au Congrès. En novembre de cette même année elle a interpellé le Ministère public sur les accusations de fraude contre les autorités du Parti national de droite et en juillet de cette année elle s’est opposée publiquement à la construction d’une prison sur l’île Swan.
Opérations, accusations et renoncements
Quand, à la fin de juin dernier, a été connue la sentence de la justice états-unienne qui a condamné à 45 ans de prison l’ex président du Honduras, Juan Orlando Hernándéz (JOH) pour narcotrafic, tout laissait supposer que le panorama pour les élections présidentielles de novembre 2025 et l’arrivée de la candidate Libre, Rixi Moncada, à la présidence bénéficieraient d’une certaine accalmie, que tout était question de temps.
Cependant, la droite et les virtuoses de la politique états-unienne concernant le Honduras se sont lancés dans une opération médiatique qui cherche à décrédibiliser la majorité, générer le chaos, produire une division au sein des Forces armées et s’attaquer aux institutions démocratiques. Cela a consisté à faire circuler de façon virale une vidéo filmée en 2013 où apparaissait le député de la majorité, Carlos Zelaya, dans une réunion avec un narcotrafiquant lié à la DEA.
Dès la connaissance de cette vidéo le législateur de la majorité a anticipé l’opération et expliqué que la rencontre était une parmi de nombreuses autres qui ont lieu habituellement en période de campagnes électorales, qu’il était effectivement « tombé dans un piège ». Il a renoncé à son poste et s’est mis à la disposition de la justice. Comme geste de bonne volonté et dans le but de ne pas ralentir l’investigation, le ministre de la Défense du Honduras et fils du député qui venait de renoncer, José Manuel Zelaya a annoncé sa mise en retrait de sa charge samedi dernier.
À travers le réseau social X il a publié : « Pour que l’investigation se fasse en toute liberté j’ai présenté mon retrait en tant que Ministre de la Défense à la Présidente @XiomaraCastroZ pour soutenir l’intégrité et l’honneur de mon père@CarlosZelayaR” ».
Dans l’après-midi de mardi, peu de temps après la publication de la vidéo sur les réseaux sociaux, la présidente du Honduras aux côtés de la flamboyante ministre de la Défense et d’autres hauts fonctionnaires, sont apparus sur une chaîne nationale sur laquelle la mandataire a déclaré avec fermeté : « Je condamne toute négociation entre des narcotrafiquants et des politiques. Comme je l’ai déclaré antérieurement, après les menaces de l’ambassadrice des États-Unis qui accusait le chef de l’État-major, les Forces armées et l’ex-ministre de la Défense d’être des narcotrafiquants, je confirme que la paix et la sécurité intérieure de la République sont en danger ».
« Le projet de destruction de mon Gouvernement, socialiste démocratique et le prochain processus électoral sont en préparation. Les mêmes forces obscures, internes et externes, de 2009, avec leur complicité, la collaboration nationale et internationale médiatique sont en train de s’organiser dans notre pays pour fomenter un nouveau coup d’État que le peuple doit condamner », a déclaré Xiomara Castro.
Le ministre de la Sécurité, Gustavo Sánchez, a ensuite pris la parole. Il a énuméré les 33 accusations de narco trafique en cours aux États-Unis contre des figures du Parti National de droite et du Parti Libéral, parmi lesquels se distinguent entre autres Porfirio Lobo Sosa, Juan Orlando Hernández, Fredy Nájera et Roberto Micheletti.
À la fin de l’émission sur la chaîne nationale, Rixi Moncada a rappelé qu’après le coup d’État en 2009 « tout le système de sécurité de l’État a été démantelé, notre territoire utilisé comme un pont pour introduire la cocaïne aux États-Unis, le transformant en paradis des narcotrafiquants au cours des 12 ans et 7 mois de narco-dictature »
Dans le même sens, la titulaire du portefeuille de la Défense a rappelé que « Les radars ont été mis hors d’usage » et elle a expliqué ensuite « ‘La notitia criminis’ sur la route et les traçages du trafic de drogues, utilisant nos mers et le transport aérien, est contrôlé depuis Key West aux États-Unis ».
Rixi Moncada et la résistance militante
Avec le renoncement de Zelaya au portefeuille de la Défense, l’ex-fonctionnaire hondurienne et actuelle candidate à la présidence de Libre, Rixi Moncada, a pris la tête de ce Ministère stratégique quand elle a prêté serment ce dimanche au Palais présidentiel. Le parcours de Moncada a commencé avant le coup d’État quand elle a été ministre du travail en 2006, durant les premières années du gouvernement de Manuel Zelaya. Quelques années plus tard elle a dirigé l’Entreprise nationale de l’Énergie électrique. Au cours des années de persécution et d’emprisonnement des membres de la « résistance », elle a été l’avocate qui a défendu les militants poursuivis emprisonnés et exilés.
Elle a aussi été la coordinatrice légale lors de la création de Libre, déléguée de cette force politique au Conseil national électoral (CNE) et ministre des Finances au cours des premières années de Xiomara Castro, charge qu’elle a dû abandonner pour se consacrer pleinement à la campagne électorale de 2025.
De leur côté, les organisations politiques et sociales qui soutiennent la majorité ont appelé à une mobilisation massive, le 15 septembre prochain, à Tegucigalpa, en soutien à la présidente Xiomara Castro pour la défense de l’indépendance, la construction du socialisme démocratique et contre les actes d’ingérence qui visent le chaos et la déstabilisation.
Les menaces proférées par la cheffe du Commando Sur du Pentagone, la générale Laura Richardson, ont des répercussions sur notre continent et tentent de dynamiter les gouvernements qui ne sont pas soumis aux intérêts de Washington.
Face à cela, il y a un peuple qui construit son présent et son futur. Se souvenant qu’ils ont été (et sont) une force de résistance les Honduriens travaillent en faveur d’une société libre et indépendante.
Santiago Masetti est journaliste, licencié en Histoire de l’université de La Havane. Il a été éditeur en chef de la revue internationale Correo del Alba (La Paz Bolivie), rédacteur de l’Agence de presse de Buenos Aires (Agepeba) et directeur du site (www.portaldelsur.info). Collaborateur de Prensa latina et du Centre latino-américain d’Analyse stratégique (CLAE).
Traduction française : Françoise Couëdel.
Source (espagnol) : https://estrategia.la/2024/09/04/estados-unidos-le-muestra-los-dientes-a-la-democracia-hondurena/.