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DIAL 3102

BOLIVIE - Esclavage et lutte pour la terre

Sergio de Castro Sánchez

lundi 5 avril 2010, mis en ligne par Dial

Pendant la seconde moitié du vingtième siècle, de grands propriétaires terriens ont maintenu en esclavage les membres des communautés guarani vivant dans la région du Haut Parapeti, au sud-est du pays. Le peu d’accessibilité de la région a facilité le maintien de cette situation : les villages se situent à au moins une heure de Camiri, petite ville située elle-même à 4 heures de voiture de la capitale du département, Santa Cruz. La lutte du peuple guarani a pu bénéficier ces dernières années du soutien du président Evo Morales. Article de Sergio de Castro Sánchez publié dans la revue Desinformemonos n° 1 (octobre 2009).


Humberto Fuentes Arena a commencé à travailler dans l’hacienda quand il avait 8 ans. « Nous partions travailler à 4h du matin et nous revenions la nuit. Mais nous n’avions même pas de maison. Seulement un endroit où nous abriter pour dormir un moment avant de retourner travailler » explique-t-il lors d’une pause de l’assemblée de la communauté El Arenal (Alto Parapeti) où se discutent les avancées et les difficultés du processus d’assainissement des terres guarani de la zone.

Humberto raconte un passé qui est encore le présent de beaucoup : « La nourriture qu’ils nous donnaient n’était pas de la nourriture. C’était de l’eau de calebasse qui ne suffisait pas pour les 30 à 40 journaliers que nous étions. Quelques-uns ne mangeaient pas de toute la journée. » Lui et sa famille recevaient de nombreuses punitions physiques sous forme de coups de fouet. Et si un jour ils n’allaient pas travailler, les trois patrons – Democrito, Manuel et Manuelito, noms que jamais il n’oubliera – venaient sur des chevaux, tirant des coups de feu en l’air.

Ce que raconte Humberto est plus dur que l’exploitation dans le travail et même que la violence patronale. Il s’agit d’esclavage : « Mes parents, le patron les payait seulement avec des vivres et des vêtements pour l’année. Jamais on n’avait d’argent. Et même, il leur disait qu’après avoir travaillé toute une année ils lui devaient encore quelque chose et qu’ils devaient donc travailler un an de plus. Mais jamais on aurait pu finir de payer. C’est pour cela que je devais m’enfuir. Je suis donc parti pour l’Argentine. »

Humberto est rentré libre en Bolivie, après avoir passé 12 ans à l’étranger : « Nous avons alors commencé à nous organiser et nous avons cherché la manière de vivre en travaillant pour nous et pas pour les patrons. Maintenant, nous avons déjà la demande de la TCO (Terre communautaire d’origine) et nous sommes en train de faire l’assainissement de nos terres ».

La lutte pour la terre

La lutte légale du peuple guarani pour son territoire a commencé en 1996 quand des leaders des différents départements du Chaco bolivien ont sollicité les titres de propriété d’une Terre communautaire d’origine dans la zone, incluant le mont Parapeti.

Selon José Yamangay, responsable de Terre et territoire du bureau du mont Parapeti : « les propriétaires n’ont pas permis le travail dans la zone parce qu’ils savaient qu’on allait découvrir beaucoup d’injustices. Ils se sont organisés et ont engagé des étrangers pour empêcher le processus, ils ont séquestrés des autorités nationales et des autorités indiennes, pour le simple fait de réclamer nos droits ».

Le 18 avril 2009, Evo Morales a remis 36 000 hectares au peuple guarani, terres qui avaient été confisquées par des propriétaires terriens qui pratiquaient l’esclavage et qui étaient liés aux groupes de pouvoir comme Roland Larsen.

Le processus d’assainissement que mène le vice-ministre des terres, Alejandro Almaráz, a le soutien et l’accord total du peuple guarani.

Le démantèlement d’un groupe de mercenaires et les attentats contre Evo Morales et d’autres membres de son cabinet laissent penser que les propriétaires terriens continueront à essayer d’empêcher que le processus aille de l’avant. À cela s’ajoute le manque de ressources, la complexité du processus et la conjoncture politique.

Pour Osvaldo Rojes, le processus de remise de titre de propriété « n’est pas seulement donner un papier. Il y a un engagement du gouvernement de donner cette terre mais aussi une assistance technique, des prêts, etc. Cela avance lentement, mais c’est en train de se faire ».


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3102.
 Source (français) : version française de la revue Desinformemonos, n° 1, octobre 2009.

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