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DIAL 2396
GUATEMALA - La situation
Communiqué de la Conférence épiscopale
dimanche 16 juillet 2000, mis en ligne par
Trois ans et demi après la signature des Accords de paix mettant fin à une guerre civile de trente-six ans, cinq mois après l’installation d’un nouveau gouvernement, les évêques du Guatemala ont décidé de faire part de leur perception de la situation actuelle de leur pays. Les points sont nombreux sur lesquels ils attirent, de façon critique, l’attention de tous. Communiqué de la Conférence épiscopale, rendu public le 25 mai 2000.
Évêques du Guatemala, serviteurs du peuple de Dieu, nous voulons partager nos réflexions avec les fidèles de l’Église catholique et les personnes de bonne volonté au terme de notre réunion plénière des 18 et 19 mai.
Nous sommes conscients que « la solidarité s’exprime dans l’amour des chrétiens qui recherchent le bien des autres, spécialement des plus nécessiteux » (Jean-Paul II, Exhortation apostolique : Église en Amérique latine, n° 52). Nous sommes convaincus que le bien de tous deviendra une réalité quand sera rétablie au Guatemala la juste hiérarchie des valeurs et, en premier lieu, la dignité de l’homme et de la femme, leur liberté, leur responsabilité et leur participation. Pour cela nous avons examiné dans cette perspective, qui est celle de l’Évangile, la situation de notre pays.
1. Quelques mois après l’installation du nouveau gouvernement, certaines situations conflictuelles ont créé confusion et désarroi dans la population qui, comme cela est normal après les élections, a placé ses espoirs dans le nouveau gouvernement. Heureusement quelques situations ont été résolues provisoirement.
2. Cependant, certains faits nous posent question et nous préoccupent car nous les interprétons comme sources de méfiance et de découragement pour le peuple et comme de sérieux obstacles pour atteindre une société fondée sur la justice, la vérité et une participation libre et responsable de tous les citoyens. À partir de notre mission de pasteurs, nous considérons que,
si ces obstacles persistaient, les Guatémaltèques, hommes et femmes, n’atteindraient pas l’objectif pour lequel Dieu nous a créés : vivre une vie pacifique et solidaire. Parmi eux, nous mentionnons les points suivants :
2.1. L’absence d’un plan national de développement qui engendre le bien-être pour tous, spécialement pour les plus pauvres et les plus exclus.
2.2. La lenteur dans l’application des Accords de paix.
2.3. La priorité donnée aux intérêts partisans sur les intérêts de la nation. Comme exemple, nous pouvons mentionner les manœuvres faites dans l’utilisation du cadre juridique pour changer la Loi du Congrès et permettre ainsi que le président de ce corps législatif suprême puisse prolonger son mandat de quatre années ; le licenciement de personnes qualifiées qui occupaient des postes importants dans l’administration publique afin d’en nommer d’autres pour des raisons purement partisanes. Il est préoccupant que certains fonctionnaires publics oublient que leur mission est de servir le peuple et non pas tel projet politique partisan.
2.4. La priorité accordée à la recherche des avantages économiques sur le bien commun, en maintenant les monopoles et le privilège de certains secteurs.
2.5. Les réactions contraires à l’accomplissement des réformes fiscales nécessaires pour atteindre l’équité et la justice dans la répartition des biens.
2.6. La persistance de l’impunité et la liberté effrontée avec laquelle agissent ceux qui constituent le crime organisé.
2. 7. Quelques assassinats dont la presse a parlé paraissent indiquer que la pratique du « nettoyage social » est de retour. Les forces qui sont effectivement occultes dans le pays, avec la collaboration d’autres forces parallèles, continuent avec les séquestrations, non seulement parce qu’elles génèrent de l’argent facile, mais en plus parce qu’elles fomentent la déstabilisation du pays dans le but d’atteindre un changement dans la situation présente.
3. De même, nous sommes préoccupés par le fait que l’indépendance des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire puisse ne pas être respectée. Une intervention ou n’importe quelle espèce de contrôle qui porte atteinte ou conditionne cette indépendance serait regrettable et ne favoriserait en aucune façon un État de droit réel. Le peuple du Guatemala attend que ceux qui furent légalement élus, accomplissent les obligations et les droits pour lesquels ils ont été élus, recherchant toujours le bien du pays, c’est-à-dire le bien de tous sans exception, sans exclusion et sans aucun privilège.
4. À cela s’ajoute un élément d’incertitude et d’inquiétude dû à certaines actions destinées à entretenir le fanatisme religieux, en en faisant un élément du leadership politique. On perçoit un certain type de harcèlement à l’égard des institutions ecclésiales indépendantes. Il ne faut pas ajouter la persécution pour raison de foi aux problèmes qui déjà nous accablent.
5. Cette année jubilaire, selon les paroles du pape Jean-Paul II « nous invite à affronter les déséquilibres économiques et sociaux existant dans le monde du travail, en rétablissant la juste hiérarchie des valeurs... et [nous] conduit de plus à porter remède aux situations d’injustice, en sauvegardant les cultures propres de chaque peuple et les divers modèles de développement » (Homélie du 1er mai 2000).
6. En réponse à cette invitation, nous demandons à tous ceux qui vivent sur cette terre chérie d’assumer leur responsabilité historique avec courage et décision, sans craindre l’avenir, mais avec l’espérance mise dans le Seigneur de l’histoire, Jésus-Christ, en appuyant les changements profonds dont le pays a besoin, orientés par les principes de la vérité, de la justice et du bien commun.
7. Pour cela il est indispensable que tous les secteurs de la société civile s’engagent dans des initiatives et des décisions qui favorisent la transformation du Guatemala en recherchant le bien de tous et de toutes sans exclure personne, en maintenant une attitude critique, réfléchie et source de propositions.
8. Dans ce contexte, le renforcement de la société civile et du caractère institutionnel de l’armée continue d’être urgent, pour que soit acquittée la nouvelle mission historique que les temps actuels appellent de façon urgente, dans le respect du cadre constitutionnel. À l’intérieur de ce cadre et de celui des orientations des Accords de paix, il faut réformer la loi qui règle son fonctionnement car l’armée a sa place à l’intérieur de l’ordre démocratique. Sa fonction est la défense du territoire national. Comme institution faisant partie de l’ordre institutionnel du pays, elle devra bannir tout antagonisme et résister à toute provocation à subvertir l’ordre constitutionnel.
9. Nous espérons vivement que le président constitutionnel poursuive le démantèlement de l’état-major présidentiel, qu’il élimine des privilèges dans le domaine économique, qu’il soutienne les secteurs les plus pauvres et qu’il puisse accomplir de la meilleure manière possible les Accords de paix.
10. Nous exhortons le secteur économique à poursuivre l’effort pour aider à ce que le bien-être économique atteigne véritablement les plus nécessiteux en créant des sources de travail. Nous demandons à Dieu qu’il les aide à ne pas tomber dans la tentation de faire de l’argent une valeur absolue.
11. Nous sommes convaincus de l’importance des moyens de communication sociale dans la construction d’une société pacifique et solidaire. Nous demandons à ceux qui travaillent dans les médias qu’ils recherchent toujours à être témoins de la vérité pour informer avec objectivité, en évitant les exagérations, les propos alarmistes ou partisans de toutes sortes.
12. Nous demandons à la communauté internationale qu’elle continue de nous accompagner sur ce chemin difficile, en restant attentive à ce que les droits humains soient respectés et en vérifiant qu’il y ait transparence dans l’utilisation des dons octroyés.
13. Nous renouvelons l’appel à la réconciliation qui exige que soient assumés les faits et les responsabilités, dans le but de projeter et de réaliser un avenir de paix fondé sur la justice et la solidarité. Il est nécessaire que tous, laissant derrière nous les rivalités propres aux campagnes politiques, nous collaborions en apportant notre effort à la construction d’un avenir meilleur pour tous ceux qui vivent au Guatemala. La richesse de nos cultures et la bonne volonté des hommes et des femmes de notre pays nous permettent de faire face avec confiance aux défis qui se présentent à nous. De notre côté, nous voulons vous dire à tous que vos peines sont nos peines, que vos joies sont nos joies et que, à l’exemple de Jésus, le Bon Pasteur, nous voulons donner notre vie pour vous dans l’accomplissement quotidien du ministère épiscopal.
Nous terminons ce communiqué en demandant à la Très Sainte Trinité que, avec sa grâce puissante, elle fasse du Guatemala un pays de paix, de réconciliation et de solidarité.
Que la très sainte Vierge Marie, sous l’invocation de Notre-Dame du Rosaire, intercède pour nous.
Guatemala, 25 mai 2000
Víctor Hugo Martínez Contreras
Archevêque de Los Altos : Quetzaltenango - Totonicapán
Président de la Conférence épiscopale du Guatemala
Pablo Vizcaíno Prado
Evêque de Suchitepéquez-Retalhuleu,
Secrétaire général de la Conférence épiscopale du Guatemala.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2271.
– Traduction Dial.
– Source (espagnol) : Communiqué de Conférence épiscopale, mai 2000.
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