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DIAL 3738
GUATEMALA Le village Ak’ul à Nebaj récupère les terres dont il a été dépossédé au cours du Conflit armé intérieur
Prensa Comunitaria
mercredi 30 avril 2025, mis en ligne par
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Il y a des luttes qui durent longtemps : il aura fallu plus de 40 ans à la communauté ixil d’Ak’ul à Nebaj pour finalement récupérer ses terres. Article de Prensa Comunitaria (Guatemala) publié le 19 février 2025.
Le village résilient d’Ak’ul récupère une partie de ce qu’il a perdu durant la guerre civile guatémaltèque quand il a été accusé de participer à la guérilla et que l’armée a tout détruit, les familles, le bétail, les récoltes, les animaux de compagnie.
Il y a plus de 40 ans, la communauté ixil d’Ak’ul à Nebaj, Quiché, a tout perdu et a dû se réfugier dans les montagnes pour fuir la politique de la terre brûlée mise en œuvre par l’armée, dans le contexte de la guerre civile guatémaltèque. Mais, grâce à son combat et sa résilience, sa population est parvenue à récupérer les terres qui, une fois saccagées, avaient été divisées en 500 propriétés.
Tout cela a été obtenu grâce au travail du B’oq’ol Tenam Naab’a’, la municipalité indienne ancestrale maya ixil de Nebaj qui, après des années d’efforts, est parvenue à récupérer la terre communale, qui appartient au peuple, et non à la municipalité ou à un particulier.
Miguel de León, principal de la municipalité indienne de Nebaj, a déclaré que la restitution des terres, qui deviendra officielle ce 20 février, n’est pas un cadeau du gouvernement ou du président mais la reconnaissance d’un vol et des autres crimes endurés dans les années 80.
« C’est comme lorsqu’un voleur dérobe un portable et le rend plusieurs années plus tard, on ne le remercie pas. Il y a un ressentiment de la part de la population non seulement parce qu’on nous a volé notre terre mais aussi parce qu’une famille est morte, que les récoltes, le bétail et même les petits chiens ont été exterminés par l’armée », a expliqué de León.
Le représentant de la municipalité indienne a ajouté qu’en 1982 l’armée a déclaré que la communauté participait à la guérilla et que, pour cette raison, un groupe de militaires a été envoyé pour en finir avec toute forme de vie dans cette zone.
Le principal a expliqué que les habitants ont dû fuir dans les montagnes et se cacher pour éviter d’être assassinés par les soldats mais que, plus d’un an et demi plus tard, ils sont retournés sur leur terre car ils n’avaient plus de quoi se nourrir.
De retour à Ak’ul ils ont essayé de reprendre le cours de leur vie, mais quelques années plus tard ils ont appris que le chef de l’État, Óscar Mejía Víctores, au pouvoir d’août 1983 à janvier 1986, après la destruction opérée par les forces armées dans la localité a simulé l’achat de ces terres pour le compte de l’État.
Selon le principal, le général Mejía Víctores a pu voler cet argent car la vente n’a été que fictive. L’État s’est approprié les terres qui leur appartenaient et le gouvernement a ensuite fait circuler l’information que les personnes qui sont retournées sur les lieux n’étaient que des envahisseurs venues d’autres zones et qui voulaient s’approprier les terres.
La lutte pour la restitution des terres communales
Le 9 décembre 1983, l’État guatémaltèque a irrégulièrement démembré une fraction des terres communales de Nebaj, d’une superficie de plus de trois caballerías [116 hectares], sans la participation de la population, ce qui a donné lieu à de nouvelles constructions enregistrées comme bien national. Les autorités avaient l’intention de faire de ces constructions un village modèle dans le cadre du plan anti-insurrectionnel de l’époque.
« Une lotification a été réalisée, jusqu’à 500 propriétés différentes ont été créées au nom de la nation – toutes ont dû être annulées », a déclaré Juan Carlos Peláez, avocat et conseiller de la municipalité indienne ancestrale maya ixil de Nebaj.
Cependant, la municipalité indienne de Nebaj a déposé un recours de protection en 2018 et, en 2020, la Cour constitutionnelle (CC) a statué en sa faveur, ordonnant la restitution des terres. Bien que la sentence leur soit favorable, il leur restait encore un long chemin à parcourir pour récupérer les terres qui appartenaient à leurs ancêtres.
Malgré la décision de la CC, les autorités judiciaires et du registre de Quetzaltenango ont retardé l’exécution de la sentence pendant quatre ans, exigeant le paiement de 23 650 quetzales [environ 2700 €], que, selon l’avocat, la communauté n’avait pas à payer. « S’il y a violation d’un droit collectif, l’État doit cesser de causer cette violation, sans conditions », a-t-il expliqué.
La communauté a dû recourir à une procédure judiciaire supplémentaire pour imposer le respect de la loi, se tournant à nouveau vers la CC qui, en 2024, a ordonné l’exécution sans conditions, selon un rapport de l’avocat Peláez.
Finalement, après des années de lutte et de résistance, en octobre 2024, ils ont réussi à annuler les inscriptions illégales et à restaurer la propriété communale.
C’est pourquoi, ce jeudi 20 février à 9 heures, dans la salle communale du village d’Ak’ul, se tiendra une cérémonie au cours de laquelle seront remis le rapport et la sentence d’annulation des opérations d’enregistrement anormales réalisées par l’État sur la ferme d’Ak’ul et l’ejido de Nebaj, ce qui sera comme « la fermeture d’une plaie ouverte en 1983 », a souligné l’avocat Peláez.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3738.
– Traduction de Françoise Couëdel pour Dial.
– Source (espagnol) : Prensa Comunitaria, 19 février 2025.
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