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DIAL 3127

HONDURAS - Le pays est isolé et polarisé

Dilcia Figueroa & Gilda Rivera

mardi 2 novembre 2010, mis en ligne par Dial

Ces textes ont été publiés dans le numéro 257 de la revue Brennpunkt Drëtt Welt (septembre 2010).
Dilcia Figueroa, l’autrice du premier texte, est membre de l’association luxembourgeoise ASTM (Action solidarité tiers monde). Gilda Rivera, qui a rédigé le deuxième, est directrice du Centre des droits des femmes (CDM) et membre du collectif Féministes en résistance.


Plus d’un an après le coup d’État et huit mois après la prise de pouvoir du gouvernement de Porfirio Lobo Sosa, le Honduras n’a toujours pas surmonté son isolement externe et la polarisation interne générée par le putsch du 28 juin 2009, qui avait été largement condamné par la communauté internationale. Pour renouer avec les flux de fonds internationaux interrompus par la rupture constitutionnelle, Lobo Sosa fait des efforts pour légitimer son « gouvernement d’unité et de réconciliation ».

La majorité des pays, notamment en Amérique latine, refusent de reconnaître le gouvernement hondurien et de lui permettre sa réinsertion dans les instances internationales comme l’OEA (Organisation des États américains). Ils considèrent que ce gouvernement est le résultat d’un processus électoral réalisé dans un contexte de rupture constitutionnelle et de répression et que, par conséquent, il n’est pas légitime. Cette situation empêche à son tour l’appui des institutions financières internationales à un pays dépendant de la coopération internationale pour 20% de son budget, ce qui aggrave encore davantage la situation déjà précaire du pays.

En même temps, de nombreuses organisations continuent à dénoncer de graves violations des droits humains pendant et après le coup d’État. La Commission interaméricaine des droits humains, dans son rapport de visite de mai dernier, a dénoncé la répression et l’assassinat de journalistes et de membres de mouvements de résistance. Selon le COFADEH (Comité de Familiares de Detenidos Desaparecidos en Honduras [1]), il y a eu plus de 700 violations des droits humains depuis la prise de pouvoir du gouvernement de Lobo Sosa, y compris
11 assassinats. Il a également dénoncé la militarisation du pays par la nomination de militaires et de personnes impliquées dans le coup d’État à des hauts postes de l’administration publique, ce qui démontre un manque de volonté politique ou même de pouvoir réel du gouvernement actuel.

Sur le plan interne, le Front national de résistance populaire (FNRP) – alliance des organisations sociales sympathisantes du président déchu Zelaya qui avait été formée à la suite du coup d’État – refuse lui aussi de reconnaître le gouvernement de Lobo Sosa et continue à demander une Assemblée constituante pour réorganiser le pays. D’après les organisations sociales, il ne peut pas avoir de réconciliation nationale sans la volonté politique de prendre au sérieux la demande pour un changement social, provenant d’une grande partie de la population. Les gens sont révoltés contre les structures politiques caduques avec des élites au pouvoir qui ne s’intéressent pas au sort de leurs concitoyens, alors que 70% de la population vit dans la pauvreté. Cette partie de la population, historiquement exclue du pouvoir, cherche de plus en plus à participer aux décisions affectant leurs vies. Se basant sur cette volonté de changement, le FNRP est entre temps devenu un acteur politique fort qui est difficile à contourner si l’on veut gouverner le pays. L’Honduras d’aujourd’hui n’est plus le même pays qu’il y a un an.

Alors que le gouvernement montre qu’il veut, dans son propre intérêt, calmer les tensions à l’intérieur du pays, il se rend compte qu’il n’a pas le pouvoir de contrôler l’alliance conservatrice qui lui a permis d’accéder au pouvoir. Constituée par les grands entrepreneurs, l’église et les élites les plus traditionnelles du pays, cette alliance est prête à tout pour défendre ses propres intérêts économiques et politiques. Ainsi, Lobo Sosa a récemment exprimé la crainte que son gouvernement pourrait à son tour faire l’objet d’un coup d’État, alors qu’il avait fait des déclarations en faveur de la réconciliation, ainsi que sur un retour éventuel du président exilé Zelaya et sur l’Assemblée Constituante. La situation de crise au Honduras pourrait donc bien perdurer encore quelque temps, isolant le pays sur la scène internationale et polarisant sa population en deux camps antagonistes.


Honduras : un coup d’État qui perdure

Gilda Rivera, militante hondurienne en faveur des droits civiques des femmes, nous livre ses impressions de la situation actuelle.

Le coup d’État, perpétré le 28 juin 2009 contre la jeune démocratie hondurienne, cherchait entre autres à éviter que des propositions du Président Manuel Zelaya Rosales, qui auraient pu bénéficier à la majorité de la population historiquement exclue, se concrétisent. Ces propositions avaient l’appui du mouvement social et populaire national, alors qu’elles étaient contraires aux intérêts des groupes de pouvoir du Honduras. Ce sont ces groupes oligarchiques qui sont derrière le coup d’État et qui organisent la répression violente de la résistance populaire, qu’on voit depuis plus d’un an. Ils veulent à tout prix garder leurs privilèges, s’enrichissant de l’exploitation des ressources naturelles qui appartiennent au peuple et empêchant tout changement du statu quo, si minuscule soit-il.

À plus d’un an du coup d’État, l’échec de la fragile démocratie nationale devient de plus en plus apparent. Elle présente de graves lacunes en ce qui concerne le respect des droits humains, la gouvernance et la capacité du nouveau gouvernement à donner des réponses aux demandes toujours plus pressantes de la population. Il répond uniquement avec la répression et la criminalisation de la contestation sociale, comme il l’avait déjà fait avec les paysans de Bajo Aguan et de Zacate Grande, ainsi qu’avec les professeurs et les étudiants de l’Université nationale autonome du Honduras.

Les groupes fondamentalistes religieux et autres se sont positionnés du côté des instances étatiques et se montrent aujourd’hui décidés à initier tout type d’action leur permettant de contrôler la vie et le corps des femmes. Leurs messages ne sont pas nouveaux, mais dans un contexte où le système institutionnel n’existe plus ou du moins est fortement divisé, il est beaucoup plus facile de violer les droits des femmes et les lois nationales y référant. De plus, la violence et la militarisation de la société hondurienne est un terrain propice pour s’en prendre aux droits des femmes en général, y compris le droit à la vie, puisqu’on remarque une augmentation des assassinats de femmes.

Ce que le pays vit depuis l’avènement du gouvernement Porfirio Lobo Sosa il y a huit mois, c’est une augmentation des inégalités sociales, la consolidation du militarisme et des réponses militaires aux demandes sociales des citoyens. Le Président ne semble pas avoir perdu sa devise de la « main de fer » et s’attaque à tout ce qui pourrait remettre en question les intérêts des groupes de pouvoir en place. On parle de « réconciliation nationale » et en même temps les crimes restent impunis et l’on enlève aux victimes le droit à la vérité et à la justice.


Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3127.
 Source (français) : revue Brennpunkt Drëtt Welt, n° 257, septembre 2010.

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[1« Comité des parents de détenus disparus au Honduras » – note DIAL.

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