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DIAL 2895
AMÉRIQUES - Indigènes de tous les pays, unissez-vous
Haider Rizvi
mercredi 1er novembre 2006, mis en ligne par
La mondialisation ne se réduit heureusement pas à une « mondialisation des problèmes ». Le coût plus réduit des transports aériens et le développement des moyens de communication, et notamment de l’internet, facilitent le développement des liens et des luttes, malgré les distances. Cet article d’Haider Rizvi, publié par IPS le 30 septembre 2006, ouvre une fenêtre sur cet autre aspect de la mondialisation en décrivant le resserrement en cours des solidarités entre peuples indigènes d’Amérique du sud et du nord et leur lutte pour la reconnaissance et le respect de leurs droits.
La rencontre entre le président de Bolivie, Evo Morales, et des responsables de plusieurs groupes indigènes d’Amérique du Nord marque un nouvel essor de la lutte d’un demi-millénaire pour l’autodétermination des peuples autochtones de tout le continent.
La première chose que fit Morales – premier président indigène de l’histoire de l’Amérique du Sud – le lendemain de son arrivée à New York, il y a deux semaines, fut de demander une entrevue aux fils et filles des peuples autochtones d’Amérique du Nord.
Le mandataire se trouvait dans la ville des Etats Unis pour participer aux instances inaugurales de la session annuelle de l’Assemblée générale de l’Organisation des nations unies (ONU).
Les aborigènes nord-américains lui souhaitèrent la bienvenue avec leur chaleur traditionnelle.
« Ce fut une réunion entre l’aigle et le condor », a dit Tonya Frichner, fondatrice de l’Alliance pour le droit des indigènes des États-Unis, organisation responsable, avec le Forum permanent pour les questions des peuples indigènes de l’ONU, de la réunion du 18 de ce mois.
« Ce fut une réunion très significative pour notre lutte », ajouta-t-elle. « Qu’il nous ait honorés en se joignant à nos responsables traditionnels est une autre preuve de l’indéniable présence des peuples indigènes dans le contexte international, spécialement pour ce qui touche à la défense des droits humains. »
Avant de se réunir avec les responsables des nations haudenosaunee, lakota et cree, entre autres, Morales demanda à rencontrer seulement un petit nombre de personnes afin d’avoir un échange « franc et substantiel » sur les problèmes communs aux peuples autochtones de toute l’Amérique.
Les responsables tribaux d’Amérique du Nord racontèrent à l’élu bolivien la lutte que depuis des générations ils livrent pour la préservation de leur identité, de leurs ressources et de leurs droits.
En outre, ils lui demandèrent ce qu’ils pouvaient faire pour soutenir les indigènes du sud du continent.
Pour sa part, le président, membre de la communauté aymara, souligna la nécessité de poursuivre les contacts entre les peuples autochtones des deux hémisphères, déclarant : « L’heure de la résistance face au pouvoir est arrivée. »
« Me retrouver avec vous aujourd’hui, ici, m’oblige à m’engager encore plus avec notre Mère la Terre », dit-il à ses hôtes.
Le chancelier bolivien, David Choquehuanca, signala que si le terme « liberté » renvoie habituellement aux êtres humains, « la société doit aussi inclure le monde naturel, les plantes, les animaux, l’eau ».
« Cela doit être un complément de tout le reste, cela va au-delà de la liberté. Ce que nous recherchons est un équilibre de la vie », expliqua t-il.
Les participants à la réunion ont décidé de réaliser de nouvelles rencontres entre les peuples indigènes du nord et du sud de l’Amérique, et échangé des invitations.
Morales se référa devant ses interlocuteurs au projet de Déclaration universelle des Droits des peuples indigènes, dont l’adoption se discutera durant la session de l’Assemblée générale.
L’initiative a commencé à être discutée à l’ONU dans les années 70, mais c’est seulement lors de la décade suivante qu’est créée une commission spéciale chargée de la rédaction d’un premier projet.
Le document, préparé en consultation avec les organisations indigènes est achevé en 1993.
Deux années plus tard, il est transmis à la Commission des droits de l’homme de l’ONU, qui a été dissoute en avril 2006 et remplacée en juin par le Conseil des Droits de l’homme.
La Déclaration a été approuvée le 29 juin par cet organisme dont le siège est à Genève et par d’autres agences de l’ONU, malgré les fortes objections des États-Unis et de quelques-uns de ses alliés.
Le texte, mis au point par le Forum permanent au début de cette année, établit que les gouvernements doivent reconnaître le droit à l’autodétermination des peuples autochtones et compter avec leur « consentement, accord préalable et pleine connaissance » pour les activités à développer sur leurs territoires traditionnels.
Les dirigeants indigènes considèrent que la Déclaration est cruciale pour en finir avec les énormes violations des droits humains que les peuples aborigènes du monde entier ont endurées depuis des siècles.
Le contenu de la Déclaration ne présente pas un caractère obligatoire pour les gouvernements, mais les indigènes espèrent qu’elle contribuera à augmenter la pression en faveur du respect des principes universels de justice, démocratie, respect des droits humains et équité.
Les peuples autochtones comptent 370 millions de personnes sur toute la planète, selon l’ONU. Leur participation dans les milieux internationaux de prise de décisions est indispensable pour préserver l’environnement et promouvoir un développement durable.
Plusieurs pays de l’ONU paraissent disposés à adopter la Déclaration telle qu’elle est, alors que d’autres font pression pour en changer sa rédaction.
Mais ces efforts ne sauraient aboutir, selon les dirigeants indigènes.
« J’ai confiance en l’issue des débats à l’Assemblée générale » dit Frichner, qui a participé activement à la préparation de la Déclaration. « Nous avons reçu des promesses de soutien de gouvernements de nombreuses régions du monde. »
Mais l’Australie, les États-Unis et la Nouvelle Zélande, entre autres, s’opposent systématiquement à la demande d’ « autodétermination », avec l’argument que cela mine les « valeurs démocratiques ». Ils rejettent aussi le concept de « consentement, accord préalable et pleine connaissance ».
Pour sa part, le président bolivien s’est engagé à promouvoir le soutien à la Déclaration dans les pays du sud en développement, qui constituent une large majorité parmi les 192 pays qui composent l’ONU.
Dans son discours devant l’Assemblée générale, Morales, de la même façon que son homologue vénézuélien, Hugo Chávez, a durement critiqué le rôle des États-Unis dans l’économie et la politique mondiales.
Ce pays n’a pas le droit d’imposer son modèle de développement « néolibéral » aux peuples indigènes et pauvres du monde a déclaré le président bolivien.
« Il est honnête, il est brillant et fidèle à la cause des peuples indigènes », a indiqué Frichner, qui appartient au peuple onondaga. « Nous savons qu’il ne peut réparer ce qui s’est passé dans les 500 dernières années, mais il est de notre responsabilité de le soutenir. »
– Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2895.
– Traduction : Jean-Luc Fourel pour Dial.
– Source (espagnol) : IPS, 30 septembre 2006.
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, le traducteur, la source française (Dial) et l’adresse internet de l’article.