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DIAL 2674

BOLIVIE - La crise bolivienne

jeudi 16 octobre 2003, par Dial

La gestion des ressources naturelles fait l’objet de graves conflits en Bolivie. Le gouvernement de Hugo Bánzer avait déjà dû faire face en avril 2000 à une solide opposition à propos de ses projets de privatisation de l’eau. Aujourd’hui, il s’agit du gaz dont les projets gouvernementaux d’exportation se heurtent à un véritable soulèvement, réprimé au prix de nombreux morts et blessés. La simple idée de faire passer par le Chili le gaz naturel pour l’exporter au Mexique et aux États-Unis ne peut que renforcer le ressentiment populaire dans un pays qui n’a jamais accepté que le Chili lui ait supprimé tout accès à l’océan. Au cours de ces dernières années, d’autres motifs de conflit ont mobilisé la population, dont l’éradication de la coca chez les paysans. Plus radicalement, il faut reconnaître que c’est la grande misère qui stimule aujourd’hui la révolte du peuple bolivien.


Défendre les ressources énergétiques

En février de cette année, des milliers de Boliviens se sont levés pour protester contre l’annonce faite par le gouvernement d’un impôt de 12,5% sur les salaires. La mesure, qui a été perçue comme un coup sévère porté au pouvoir d’achat, a entraîné des protestations qui ont été vivement réprimées et qui ont causé 33 morts et 200 blessés.
Les manifestations d’aujourd’hui ont une raison différente : l’opposition à l’exportation du gaz naturel. Le président Gonzalo Sánchez de Lozada, qui a des intérêts dans quelques compagnies boliviennes et chiliennes, prétend développer un méga-projet d’exportation de gaz aux États-Unis par le port Patillos, qui se trouve à 63 km d’Iquique et que notre pays [1] s’est approprié lors de la guerre de 1879.

Cependant, les protestations ont un facteur commun : la lutte pour vaincre la situation d’extrême pauvreté dans laquelle se trouvent les Boliviens depuis plusieurs années et la nécessité d’utiliser les ressources énergétiques en priorité pour leur développement interne en accélérant l’industrialisation du pays.

Le défi du développement et de l’industrialisation en Bolivie est urgent, si l’on considère qu’aujourd’hui 5,6 millions d’habitants sur un total de 8 millions sont pauvres, et que les 20% les plus riches dispose d’un revenu 44 fois supérieur à celui des 20% les plus pauvres.

Ainsi, les milliers de paysans, cocaleros, ouvriers, étudiants, professeurs, chômeurs et les secteurs pauvres de la classe moyenne qui sont descendus dans les rues ces derniers jours, l’ont fait avec la ferme conviction que c’est l’unique moyen dont ils disposent pour défendre leurs intérêts.

Les revendications citoyennes en Bolivie visent aussi à la destitution du président Sánchez de Lozada, accusé par ces groupes d’être le principal précurseur du projet contesté, puisque peu avant de quitter son mandat antérieur, il aurait signé un décret autorisant diverses multinationales à contrôler la totalité de l’extraction et de la commercialisation des hydrocarbures boliviens.

Sara Larraín, directrice du programme Chili soutenable
ALAI, 1 octobre 2003

Vérités et Rumeurs

Le conflit social bolivien (…) a son origine dans le grand refus populaire du projet d’exportation de gaz naturel liquide au Mexique et en Californie, État du sud-ouest des États-Unis, en passant par un port chilien, étant donné que la Bolivie n’a aucun accès direct à l’océan. Les différends historiques entre la Bolivie et le Chili, en raison de la perte du littoral bolivien au cours de la guerre de 1879, demeurent présents dans toutes les couches sociales du pays car, dès l’école, les Boliviens apprennent que « l’usurpateur chilien nous a dépossédé de notre accès souverain à la mer ».

Parallèlement, une campagne de rumeurs a profondément marqué le sentiment bolivien par l’action des partis d’opposition, dirigée par le Mouvement pour le socialisme du cocalero Evo Morales dans une alliance non officielle avec les syndicats et autres organisations sociales.
Ainsi, petit à petit et face à l’inactivité du gouvernement qui n’a jamais fait de campagne d’information, s’est installée dans l’imaginaire collectif l’idée qu’il vaut mieux ne pas vendre le gaz naturel mais le conserver pour la consommation intérieure et l’industrialisation.

Cependant, les techniciens des entreprises pétrolières considèrent que les réserves de gaz naturel de Bolivie sont autour de 1,59 billions de mètres cubes (53 TCF, l’unité nationale de mesure dans le domaine), assez pour couvrir la consommation intérieure des 100 prochaines années, l’industrialisation et aussi l’exportation.

La campagne d’opposition a inculqué la conviction populaire que les transnationales qui contrôlent le commerce du gaz laisseront seulement 18 % de leurs revenus à l’État bolivien, bien que les autorités du secteur énergétique affirment que les revenus de la Bolivie, à travers les impôts et redevances, vont atteindre près du 35 % de ces revenus.

De toutes les façons, la vente du gaz n’est qu’un projet, pour lequel on n’a pas encore signé de contrat. Le gouvernement prévoyait la signature d’un accord pour octobre ou novembre, mais dernièrement on craint que les entrepreneurs se désintéressent de ce commerce important, vu les conditions sociales qui prédominent au pays.

Alejandro Campos
IPS, 9 octobre 2003


Le Point de vue d’Evo Morales

Lettre du député et cocalero bolivien Evo Morales, leader du Mouvement pour le socialisme (MAS) lue à la « Rencontre de résistance et solidarité des peuples indigènes et paysans », réalisée à Caracas, Venezuela, du 11 au 14 octobre 2003.

(...) « Actuellement, le gouvernement (bolivien) prétend exporter le gaz bolivien pour les marchés des Étas-Unis et du Mexique, via le Chili. Cet acte est considéré comme une trahison à la patrie par la majorité des Boliviens qui, depuis les campagnes et les villes, se sont révoltés pour défendre le gaz, les ressources naturelles, les droits humains et la vie même.

Le soulèvement indigène et populaire se réalise depuis quatre semaines avec blocus de routes, mobilisations massives, affrontements sanglants, répression considérable et le recul du gouvernement. Actuellement, le gouvernement a l’appui de seulement 9 % de la population, la grande majorité refuse sa démarche et exige des changements structurels basés sur l’Assemblée constituante et la refondation de la Bolivie. »
(...)

« Quand nous nous rappelons, dans le continent et dans le monde, des 511 années de résistance, nous devons prendre l’engagement ferme d’unir nos peuples, renforcer nos organisations, sauver nos valeurs culturelles, conserver nos langues et nos coutumes, consolider nos territoires et travailler jour après jour pour prendre le pouvoir.
Aujourd’hui, plus que jamais, le rôle joué par nous, peuples indigènes et paysans qui constituons la majorité de la population, sera déterminant pour freiner les tentatives impérialistes et globalisantes comme l’adhésion de nos pays à la Zone de libre échange des Amériques (ZLEA), l’imposition de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les politiques du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM). »

ALAI, 13 octobre 2003


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2674.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : voir chaque texte.

En cas de reproduction, mentionner la source francaise (Dial) et l’adresse internet de l’article.

responsabilite


[1Le Chili.

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