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DIAL 3104

NICARAGUA - Vivre et travailler sur les navires de croisière du tourisme international, deuxième partie

José Luis Rocha

samedi 1er mai 2010, mis en ligne par Dial

Ce texte de José Luis Rocha décrit la vie des ship-out nicaraguayens, ces jeunes femmes et jeunes hommes qui embarquent sur les navires de croisière avec des contrats de neuf mois. Les salaires offerts, beaucoup plus attractifs que ceux qu’ils peuvent espérer recevoir dans leur région d’origine, les poussent au départ. Cet article a été publié dans le numéro 333 de la revue Envío (décembre 2009). La première partie du texte est publiée dans le numéro d’avril.


« Si on te donne un poor, tu reçois un warning »

Les navires de croisières n’ont pas été les inventeurs de l’externalisation des coûts, mais ils l’appliquent avec une avarice pointilleuse. Les compagnies maintiennent avec leurs employés une relation employé-employeur de basse intensité : contrats qui n’atteignent pas un an, absence de prestations sociales et la proposition que la majeure partie des gains proviendra directement des pourboires des clients, fluctuants, capricieux et frisant souvent la radinerie – on suppose la générosité proportionnelle à la satisfaction pour les services rendus. Les compagnies poussent aussi leurs employés à se transformer en microentreprises responsables de la sous-traitance pour beaucoup de services que réclame le navire. Les ship-out sont responsables devant la compagnie et celle-ci réduit au minimum les obligations patronales et les conflits du travail. La compagnie se transforme en catalyseur de fragiles liens entre travailleurs, à peine perceptibles.

Dans ce contexte, continue Advisor, « tu dois faire très attention à ton poste, parce que ton chef immédiat peut vouloir te déloger pour mettre à ta place quelqu’un avec qui il a eu des relations sexuelles. L’échange relations sexuelles contre postes est assez habituel. Et même si ton chef ne te renvoie pas, le système maintient la pression. Tous les services sont soumis à l’évaluation du client moyennant une enquête où ton travail est classé en plusieurs catégories selon sa qualité : excellent, very good, good, poor [excellent, très bon, bon, médiocre]. Si on te donne un poor, tu reçois un warning et tu as une convocation chez le capitaine. Après deux ou trois warnings, tu peux être renvoyé. Dans ce système de coercition, le Big Brother, c’est l’œil du client. Le client évalue, rétribue par ses pourboires et renvoie. Le tout avec une conscience propre qui ignore son pouvoir discrétionnaire. Dans la ville flottante les syndicats, manifestations et révoltes font défaut. C’est un monde heureux à la Huxley, où les injections de plaisir calment les ship-out turbulents. Les petites fêtes hebdomadaires étouffent le mécontentement dans des gallons d’alcool.

La loi de l’offre et des demandes

Aucun système de domination et d’exploitation n’est parfait. Même le plus méticuleux Harpagon ne peut éviter les fissures et l’éventuel drainage de sa fortune. Les ouvriers de la ville flottante ont opté pour des formes de rébellion silencieusement individuelles et parfois opportunistes. Contre les tactiques de la lumpenbourgeoisie [sous-bourgeoisie], les ruses du lumpenprolétariat [sous-prolétariat]. Les procès pour accidents sont à l’ordre du jour. Berthel Bobb explique comment fonctionnent des actions en justice picaresques : « Seule la Norvegian Cruise Line recrute en ce moment. Parce que la majorité des ship-out n’arrêtent pas d’intenter des poursuites. Et s’ils continuent encore et encore à aller en justice, ils vont ruiner la Compagnie. À chaque fois, ils obtiennent plus de cent mille dollars. Ils intentent une poursuite pour des accidents ou des choses semblables. Certains se coupent le doigt et pour cela en appellent à la justice. Certains font cela par goût. Ils ne veulent pas travailler. Ils veulent seulement être à la maison et boire. L’indemnisation dépend du cas. Quelques- uns obtiennent quelque cent vingt mille dollars, d’autres deux cent mille. Et ils sont nombreux à faire des procès. Ce sont des hommes en majorité. Mais il y a aussi des filles malhonnêtes ».

Il y a des incitations évidentes à demander en justice. La loi de l’offre et des demandes fonctionne. L’offre des services juridiques pour conseiller les procès légaux contre les compagnies stimule et multiplie les requêtes. Les avocats engloutissent un pourcentage élevé des indemnisations et pour cette raison se sentent stimulés à donner le meilleur – et le pire – d’eux-mêmes et à arracher dans la bataille des indemnisations atteignant des centaines de milliers de dollars.

Les trésors de ces îles flottantes

Même s’il existe des témoignages qui parlent d’indemnisations atteignant le demi-million de dollars, ils ne proviennent jamais des bénéficiaires eux-mêmes. Le plus probable est que les témoignages gonflent les trésors de la piraterie des demandes en justice. Il n’y a aucun doute que les compagnies ont des avocats plus habitués à ces joutes. Wilbert Gordon connaît par ouï-dire des butins respectables : « Un garçon m’a raconté qu’il y a eu le cas d’une fille victime de discrimination, par racisme, car elle était noire. Je ne sais pas si c’était un gringo [États-unien] qui l’a offensée. La loi a pu être plus juste envers elle. Pour ce préjudice, elle a porté plainte et je crois qu’on lui a payé 500 000 dollars. La fille fut débarquée, renvoyée dans son pays et le bateau ne l’a plus engagée. »

Wilbert lui-même n’eut pas autant de chance dans son propre cas. « J’ai été victime d’un accident et je suis parti en 2003. Ensuite, j’ai eu trois contrats. Au cours du quatrième, j’ai eu un accident et j’ai porté plainte contre la compagnie. Mais les avocats me mettaient des bâtons dans les roues. Il semble qu’ils travaillaient pour la compagnie ou la compagnie leur a donné quelque dessous de table pour que se complique le cas. À la fin, j’ai obtenu seulement 43 000 dollars. J’ai été opéré de la colonne. Les comptes-rendus que l’on m’a donnés disent que peut-être à 40 ans je vais souffrir d’une déformation de la colonne. »

Les bateaux de croisières ne sont pas une île flottante au trésor. Withsel Hooker sait que les indemnisations ne sont pas si gonflées que le dit la légende : « Il y a des gens qui reviennent malades du dos. Moi, je suis serveuse de restaurant. Durant mes dix heures de travail je tiens douze assiettes en même temps dans la paume de ma main au prix d’un grand effort de l’épaule. Je cours le risque de me casser le poignet. J’ai une payse qui est encore ici à Bluefields parce qu’elle est tombée malade. La compagnie lui envoie de l’argent, mais pas le montant qu’elle gagnait. Si elle guérit, la compagnie va chercher à la renvoyer pour qu’elle ne lui coûte plus d’argent. Même si l’on t’indemnise, tu ne vas pas toucher une somme d’argent qui suffise à te faire vivre toute ta vie. Tu peux acheter un terrain ou une maison ou acheter une voiture et c’est tout. Ensuite, comment travailler avec une épaule handicapée, des mains qui ne peuvent plus rien soulever ? Mon amie est revenue ici. Elle gagnait 1000 dollars et avec les boissons qu’elle vendait, elle arrivait à 1200 dollars ou 1500, mais maintenant la compagnie lui en envoie seulement 600, voire 500. Elle a le bras cassé. Elle voudrait repartir, mais la compagnie cherche comment la renvoyer, pour qu’elle ne lui coûte pas davantage. »

Il existe une autre stratégie. Il s’agit d’une vengeance contre les véritables maîtres : les clients. Les ship-out, par la rumeur, font connaître quels sont les clients radins et leur appliquent des pénalisations. Des employés crachent dans leur verre d’alcool et rincent les pichets d’eau dans la cuvette des WC. Ce n’est pas une pratique fréquente. Mais c’est un risque que courent ceux qui décident de se balader comme des magnats et de donner des pourboires misérables. Il y a beaucoup de stratégies de vengeance et beaucoup d’histoires. Advisor est très conscient de cela après avoir navigué sur l’Enchantment of the Seas, Monarch of the Seas, Radiance of the Seas, Liberty of the Seas et Brilliance of the Seas, entre autres. « Il y a des gens qui ont vingt ans de travail sur les navires de croisières, explique-t-il. Les gens sont comme un livre. Ils ont beaucoup d’histoires. Des pages disent une chose et d’autres pages disent autre chose. Il faut toutes les lire ».

Transferts d’argent : un trésor envoyé au compte-gouttes

À la différence d’autres ship-out, Advisor ne cherche pas des aventures ni à connaître le monde. Il cherche la prospérité familiale, un moteur qui a apporté beaucoup d’argent à Bluefields et ses environs : « Je ne le fais pas pour visiter des lieux, mais pour l’argent. Je ne cherche pas des expériences, mais l’argent. J’ai une famille à faire vivre. J’aime la vie à la ferme. Si j’avais beaucoup de vaches, je pourrais avoir de quoi vivre et rester à la maison. Être loin de la famille est un problème que l’on supporte grâce à un effort mental. Tu es exilé de ta famille, mais tu te dis que tu le fais pour les tiens et pour être avec eux à l’avenir. C’est pour cela que j’envoie de l’argent ».

Il n’existe pas de registres fiables de la totalité de l’argent injecté par les ship-out dans l’économie de la Côte. Mais il n’y a aucun doute que leur contribution a connu une croissance vertigineuse. En 2001, les trois principales agences de transferts d’argent de toute la Région autonome de l’Atlantique Sud ont déclaré l’envoi de 7,3 millions de dollars. Depuis lors, quelques chercheurs sur le sujet étaient conscients que les ship-out profitaient des vacances de collègues de travail pour envoyer l’argent, évitant ainsi de payer la commission aux compagnies dédiées aux transferts. En tout cas, ce montant s’est élevé à 12 900 000 dollars en 2005 pour la seule ville de Bluefields : 4 800 000 transférés par Money Gram, 420 000 par Pelican Express, 5 400 000 par les deux succursales de Western Union, 780 000 par Bancocentro et 1 500 000 par Banpro. Quelques chercheurs estiment que le montant réel à Bluefields pourrait friser les 37 500 000, ce qui donnerait une moyenne de 750 dollars par habitant.

L’estimation la plus modeste (12 900 000) donne une moyenne de 258 dollars par habitant, chiffre bien supérieur aux 180 dollars par habitant qu’atteint la moyenne nationale. Voilà qui nous donne une idée de l’impact des transferts d’argent dans la petite économie de Bluefields, surtout dans les foyers créoles, dont proviennent 74% des migrants.

Fête, fête, fête !

L’impact des envois d’argent est palpable dans les rues de Bluefields. Dans chaque rue circulent en même temps trois taxis au moins. Leur prolifération est attribuée à l’investissement des remesas (envois d’argent) provenant des ship-out. La majorité des interviewés parle de revenus atteignant 2 500 dollars par mois. Cela signifie qu’on arrive à envoyer à la famille 200 à 300 dollars par mois et à revenir avec quelques économies. Ces dernières années, des voix se sont élevées pour critiquer le maniement et la volatilité de ces économies. Brother Rayfield explique comment sont dilapidées ces petites fortunes : « La mentalité d’aujourd’hui est fête, fête, fête. Tu vois un Noir revenir du bateau avec peut-être 3 ou 4 000 dollars en poche et que fait-il ? Il cherche de la musique à plein volume et il se balade avec dans les rues. Il cherche des vêtements chers et extravagants. Il cherche à boire chaque soir jusqu’à ce qu’il n’ait plus d’autre moyen que mendier pour payer son billet de retour au travail. Il ira de maison en maison mendier un prêt et engagera sa parcelle ou sa maison ou quelqu’une de ses acquisitions pour retourner au bateau. C’est une société mal informée et nous sommes donc des gens sans orientation. C’est très triste ».

Orinoco : une petite bourgade mondialisée par les ship-out

Convertis en investissements raisonnables ou évaporés en dépenses futiles, les transferts d’argent envoyés par les ship-out transforment peu à peu le paysage urbain et rural. À Orinoco, petit village du peuple garifuna [1] dans la Caraïbe Sud, les envois font sentir leur poids. Les maisons en dur, spacieuses et avec une décoration moderne, se multiplient. Ce n’est pas du tout dédaignable, si l’on considère que chaque sac de ciment doit voyager en bateau et payer un fret coûteux. D’orgueilleux ship-out parcourent les rares chaussées d’Orinoco sur de gigantesques motocyclettes. Et lors du festival, le 19 novembre, qui célèbre l’arrivée des Garifunas au Nicaragua, abondent la nourriture, les bières, les ensembles musicaux venus de terres lointaines ainsi que les atours colorés de style africain. Orinoco se mondialise sous l’effet des ship-out mondialisés.

Selon l’anthropologue jésuite José Idiáquez, le mot « garifuna » vient du vocable « caribe » qui a dérivé en karibena, galibi, caribana, galibina et galibuna, pour terminer en « garifuna ». La côte atlantique du Belize, du Honduras et du Nicaragua abritait environ 90 000 Garifunas en 2001. Au Nicaragua, les Garifunas n’étaient que 2500. Ils commencèrent à peine à arriver sur les côtes nicaraguayennes en 1832, comme migrants saisonniers, travaillant pour les compagnies bananières et celles qui extrayaient du bois. En 1860 quelques-uns s’installèrent à Greytown et en 1880 un petit groupe s’établit de manière permanente dans les environs immédiats de Laguna de Perlas, dans un village que son fondateur, Juan Sambola, baptisa San Vicente, en souvenir de la petite île des Petites Antilles où firent naufrage, au milieu du XVIIe siècle, deux navires négriers qui transportaient le groupe d’esclaves africains à l’origine du peuple garifuna.

Les Garifunas a la recherche de leurs racines

Les migrants garifunas, migrants temporaires – qui venaient de la côte atlantique hondurienne, surtout du port de Trujillo – commencèrent à s’implanter dans la zone nicaraguayenne quand quelques-uns moururent sur notre territoire. L’attachement aux défunts enterrés sur le sol nicaraguayen leur fit s’approprier la nouvelle patrie.

Selon Idiáquez, le culte des ancêtres est au cœur de la cosmovision garifuna. Les morts sont toujours présents et aimés. Les ancêtres sont bons et ne font que le bien. Cette cosmovision s’est aboutée – peut-être, en partie, de fait d’une rencontre – avec le catholicisme et sa cohorte de saints, miracles et prières pour les défunts. Les Garifunas substituèrent « en grande partie à la vénération pour “les saints officiels” du catholicisme, généralement lointains et inconnus des Garifunas, les visages chéris et connus de leurs ancêtres ».

À l’heure actuelle, beaucoup d’entre eux, en un mouvement revendicatif de leurs racines, se sont tournés vers la religion rastafari et le culte quotidien – et très gai – de ses deux icônes sonores : le Jamaïquain Bob Marley et le Sud-Africain Lucky Dube. Assassiné en 2007, à 43 ans et après 20 ans de carrière artistique, Dube a laissé une abondante production musicale de reggae pleine de thèmes sociaux. Dans l’un de ses 21 albums, on trouve « Back to my roots » (Retour à mes racines), dont les paroles expliquent sa déception dans une fête où « All we could hear there was their crackadoo » (« tout ce que nous pouvions y entendre était leur caquetage ») parce que « the music they played there / was not good for a rasta man yeah » (« La musique qu’ils jouaient là / n’était pas bonne pour un rasta »). Le chœur explique le programme : « I’m going back to my roots yeah yeah / Reggae music is all that I need » (« Je retourne à mes racines / La musique reggae est tout ce dont j’ai besoin »).

Ce retour aux racines rencontre un écho dans une population qui a été isolée et discriminée par les ethnies qui l’entourent et exhibent fièrement leur supériorité numérique et leurs proclamations d’être d’authentiques Nicaraguayens. « Ils nous appelaient de trujilliens (de Trujillo). Même Somoza a dit que nous n’étions pas nicas mais trujilliens. Il nous a humiliés et nous a appelés étrangers – m’a expliqué Frank López, artisan et leader d’Orinoco. Nous vivions entourés de peuples qui ne nous respectaient pas : métis, Miskitos et créoles. Nous, les Garifunas, n’existions que pour être l’objet de blagues. Ils nous appelaient avec mépris « mange-poissons-chats » parce que dans nos plats abonde le poisson-chat, un poisson délicieux, dont tout le monde mange aujourd’hui avec plaisir ».

Les Garifunas ont été discriminés aussi dans l’historiographie. Dans l’unique paragraphe – douze lignes au total – que Germán Romero Vargas consacre aux Garifunas dans son Histoire de la Côte atlantique, est à peine condensée l’information la plus générale sur les Garifunas dans les Caraïbes et il se termine en 1860 avec l’établissement des Garifunas au Nicaragua.

Les Garifunas en quête du monde

La discrimination et l’isolement ont renforcé la cohésion entre les Garifunas. Ces derniers temps, les liens avec les communautés garifunas du Honduras et du Belize ont été resserrés. Le quinzième anniversaire des festivités mises en place pour célébrer l’arrivée des Garifunas au Nicaragua a accueilli des visiteurs de presque toute la Côte Caraïbe centraméricaine, ainsi que la presque totalité des Garifunas d’Orinoco, La Fe et Marshall Point qui veulent récupérer et célébrer leur culture : plats, chansons, danses, médecine… La leader garifuna Kensy Sambola pense que « la réhabilitation des traditions garifunas est importante pour tous parce que les Garifunas ont besoin à la fois de s’unir et de se diversifier. Pour cette raison, les douze anciens qui parlent encore garifuna enseignent la langue aux autres. Pour cette raison, nous travaillons sur les croyances religieuses, les coutumes et l’interprétation des danses pour comprendre la signification de la culture garifuna. Pour cette raison, en 1997, les groupes garifunas se sont constitués en organisation. Pour cette raison encore, via Internet, nous favorisons la communication avec les Garifunas de New York et du Honduras ».

Maintenant, à Orinoco, seul le reggae résonne, la bonne musique pour un rasta man. Un an après leur arrivée, les Garifunas durent accepter l’hégémonie linguistique de l’anglais créole pour bénéficier des opportunités économiques et survivre. Non seulement ils ont maîtrisé la langue, mais la langue est aussi devenue leur maître ; c’est pourquoi les communautés garifunas du Nicaragua sont dans un processus de récupération de leur langue. Mais, par ces retournements qu’opère l’histoire, par ces tours culturels coperniciens, cette stratégie les a transformés en ship-out, leur a ouvert les portes des navires de croisières et les a insérés dans le monde globalisé, qui maintenant les connecte davantage avec le reggae, la religion rastafari, les habits et autres coutumes africaines.

Avec le monde dans les yeux

Le style rasta, ce n’est pas leurs racines. Mais c’est une des versions actuelles de leurs racines. C’est le fruit d’un mouvement centrifuge et centripète des traditions culturelles, qui s’ouvrent et se ferment comme les personnes, comme les peuples. « Spanish men are not allowed to be here. You are not legal here » [« Les hispaniques n’ont pas le droit d’être ici. Vous êtes hors la loi ici »], m’a dit un habitant d’Orinoco quand il m’a vu entrer dans le sancta sanctorum [le saint des saints] d’une petite fabrique et débit de guífity – peut-être une déformation du mot whisky –, l’eau-de-vie typique des Garifunas que certains –de manière injuste et inappropriée – appellent cususa. À l’extrême opposé, son pays Derwin Kingsman, ship-out en vacances, ne me repousse pas et veut me raconter sa vie d’une bière à l’autre. Et il a beaucoup à me raconter parce que son horizon et ses regards se sont dilatés jusqu’à l’indicible à bord d’un bateau, d’un navire de croisières.

Tandis que la barque s’éloigne du quai et que je prends congé d’Orinoco, je pense : de ce petit village des gens partent parcourir le monde, écouter du français et du chinois, travailler aux côtés de philippins et se promener dans les rues d’Amsterdam. Et Kingsman reste là, peut-être avec Barcelone encore gravée dans ses yeux.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3104.
 Traduction de Sylvette Liens pour Dial.
 Source (espagnol) : Envío, n° 333, décembre 2009.

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[1Sur l’histoire de ce peuple, voir DIAL 3056 - « HONDURAS - Les Garifunas sont confrontés à leur propre déclin ».

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