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DIAL 3232

AMÉRIQUE LATINE - Théologies indiennes dans les églises chrétiennes : nous, les Indiens, pouvons-nous y gagner la place que nous méritons ?, première partie

Eleazar López Hernández

lundi 11 mars 2013, mis en ligne par Dial

Eleazar López Hernández est né en septembre 1948 et appartient au peuple indien zapotèque d’Oaxaca (Mexique). Il est prêtre du diocèse de Tehuantepec et sert la pastorale indienne du Mexique depuis 1970. C’est l’un des principaux instigateurs de ce qu’on appelle la théologie indienne en Amérique latine [1]. Il est membre du mouvement de prêtres indiens du Mexique, de l’Association œcuménique de théologiens du tiers monde (ASETT), de l’Équipe de théologiens amérindiens, de l’Association internationale de missionologues catholiques (IACM) et de l’Articulation œcuménique latino-américaine de pastorale indienne (AELAPI). Il est aussi assesseur du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) pour les affaires indiennes [2]. Ce texte, que nous publions en deux parties, est issu de son intervention lors du Congrès continental de théologie qui s’est tenu du 7 au 11 octobre 2012 à l’Université do Vale do Rio dos Sinos (Unisinos) (São Leopoldo, État de Rio Grande do Sul) au Brésil. La deuxième partie de ce texte est publiée dans le numéro d’avril 2013.


Centre national d’aide aux missions indiennes, septembre 2012.

Moment d’interrogations transcendantales

Quand, dans le récit du Nican Mopohua, la Vierge de Guadalupe envoie l’Indien Juan Diego rencontrer le premier évêque du Mexique, Juan de Zumárraga – qui s’était déjà installé dans l’ancienne capitale aztèque, devenue après la conquête le siège du pouvoir colonial –, la réaction immédiate de Juan Diego fut : « Dame de mon cœur, tu m’envoies dans un endroit où je ne mets jamais les pieds ! » (Nican Mopohua). Cette conclusion était parfaitement logique chez le vaincu, qui observait comment les missionnaires et les hiérarques de l’Église s’établissaient au même endroit que ceux qui, à coups de canons et de fusils, s’y étaient imposés pour créer des institutions qui le spoliaient de tous ses droits humains, civils, culturels et religieux.

Cette perception critique de Juan Diego concernant la localisation des dirigeants de l’Église perdure de nos jours, malgré les beaux documents conciliaires et les paroles du magistère engageant les plus hautes instances ecclésiastiques – tout cela paraît resté à l’état de souhaits d’une rencontre, qui serait enrichissante pour l’Église, avec les peuples originaires. Elle est patente la contradiction entre les documents et leur concrétisation dans la vie ecclésiale. La pratique théologique, sacramentaire, ministérielle, liturgique et de vie religieuse animée par l’Institution ecclésiastique n’ouvre pas ou ne respecte pas les chemins réels qui surgissent pour faire rentrer dans l’Église la diversité des peuples et des cultures du monde des pauvres. C’est ainsi que nous, frères et sœurs indiennes, le ressentons, nous qui voyons avec effroi quelques agissements récents de la Curie romaine face aux églises particulières qui ont osé prendre au sérieux la proposition évangélique de Jésus et les directives du Concile Vatican II. Je me réfère, et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, à des processus comme celui du Vicariat de Sucumbíos en Équateur [3], et de plusieurs diocèses de l’altiplano péruvien [4] et aussi de la région Pacifique Sud du Mexique [5], sur lesquels la Curie romaine a fait pression pour qu’ils changent radicalement d’orientation, précisément parce qu’ils avaient pris au sérieux la participation indienne en leur sein, avec toutes ses implications [6].

Selon les documents qui justifient l’intervention romaine, la Théologie des peuples indiens ou « Théologie indienne » – que nous élaborons maintenant à partir de la réalité et de la culture de nos peuples – est la cause principale du problème et de la nécessité de réorienter lesdits processus. Pour ce faire, ils ordonnent de faire disparaître cette théologie ou de la corriger en profondeur. C’est que les pasteurs de plusieurs églises particulières d’Amérique latine ont acquis la conviction que le moment est arrivé de surmonter les ravages d’une évangélisation coloniale qui a refusé l’entrée dans l’Église aux peuples, avec leurs luttes et leurs cultures autochtones, en imposant la culture occidentale comme unique vecteur d’expression de la foi chrétienne [7] ; pour reprendre maintenant la proposition que firent quelques missionnaires de la première évangélisation c’est-à-dire d’animer des processus solides d’indianisation ou d’inculturation, afin d’obtenir comme résultat ce que le Concile a souligné (LG6) : l’émergence d’églises particulières autochtones, enracinées dans leurs propres traditions et cultures et avec des serviteurs pastoraux issus de ces mêmes communautés. Voilà ce qui maintenant est sévèrement remis en question par Rome avec ses exigences de rectifications profondes qui, de fait, annuleraient ou réduiraient au minimum la composante indienne de ces processus.

Mais le plus angoissant à l’heure actuelle est que cette attitude ecclésiastique face à l’altérité culturelle et religieuse des Indiens et des pauvres ne subsiste pas seulement dans les hauts commandements de notre Église. Il y a aussi des signes de sa présence dans les milieux de la théologie et de la vie religieuse et pastorale latino-américaine qui, tout en cheminant avec une certaine autonomie dans leurs propres domaines, n’avancent pas suffisamment pour s’ouvrir pleinement aux filles et fils des peuples originaires et de celles et ceux qui veulent rester différents. Dans beaucoup de schémas prévalent encore des attitudes colonialistes que nous devons bannir pour ne pas mener à la contradiction les grands projets de la rénovation initiée dans l’église latino-américaine.

De sorte qu’il est juste que nous, les descendants des peuples originaires de ce continent, nous nous interrogions avec sérieux, non seulement face à l’autorité suprême de notre Église à Rome, mais aussi dans les instances intermédiaires et de base, si nous pouvons réellement espérer de l’ensemble de l’Église ou plus exactement du christianisme actuel, qu’un jour il y ait pour nous que l’on appelle « indigènes » un lieu digne en son sein, ou si, pour arriver à cet autre monde possible dont nous rêvons, nous devons laisser de côté de telles expectatives car elles manqueraient de racines et fondements.

Ces questionnements radicaux sont ceux auxquels je me suis vu obligé à penser encore et encore, en me connectant à l’angoisse comme à l’espérance de mes frères et sœurs d’origine indienne, qui nous sentons interpellés par les implications de l’époque actuelle, laquelle heureusement ou malheureusement coïncide avec la fin du Baktún 13 du calendrier maya, que certains ont reliée à de supposées prédictions indiennes de fin du monde.

Il y a des raisons à l’interpellation indienne

Il y en a qui, au vu du contexte actuel de la lutte indienne, émettent des doutes raisonnables sur la possibilité que cette trajectoire à contre-courant et totalement désavantagée ait quelque succès, s’agissant de transformations radicales des structures qui soutiennent le pouvoir de la classe dominante et des églises. À tel point qu’il semble qu’il n’y a plus qu’à réaffirmer ce que Jésus dit à un de ses disciples : « Laisse les morts enterrer leurs morts ; toi, viens et suis-moi » (Luc, 9,60) ; ou – ce qui serait plus terrible et drastique – répéter maintenant ce que les sages indiens de l’Anáhuac mexicain soutenaient, désespérés, au milieu de la crise sans précédent que provoquèrent par leur conquête les vainqueurs européens : « Si vous avez tué nos dieux, nous n’avons plus qu’à mourir aussi » (Bernardino de Sahagún, Colloques et doctrine chrétienne, Chapitre V ; Mexico, UNAM, 1986, p. 85).

Personnellement, je parie bien sûr sur l’espérance. Celle-là même que mes ancêtres ont eue dans des circonstances semblables à celles d’aujourd’hui, avec la conviction que les obscurités de la nuit qui nous sont imposées ne dureront pas toujours ; une nouvelle aube est en route, l’étoile du matin l’annonce. C’est le moment de Pachakutic et de Kairós ; et nous les Indiens devons contribuer à ce que le Soleil accélère l’arrivée de l’aube nouvelle de vie. Notre désir, comme croyants et membres actifs d’églises chrétiennes, est que Jésus et son projet du Royaume soient aussi présents, d’une manière constructive et digne, dans cette nouvelle aube.

Nouvelle présence indienne dans des cadres cléricaux et officiels des églises

C’est un fait indéniable que la présence indienne dans les églises chrétiennes a maintenant de nouvelles connotations, tant sur le plan du nombre que de la combativité en théologie et en pastorale. Nous autres, indigènes, sommes maintenant nombreux à occuper des postes de direction, de formation ou de service dans nos églises, qui nous placent bien au-delà de ce qui nous était assigné traditionnellement, c’est-à-dire le porche des temples et les espaces de la religiosité populaire, réduits à des sujets périphériques ou marginaux de la vie ecclésiale et ecclésiastique. Maintenant nous pouvons parler d’égal à égal avec ceux qui ont été nos missionnaires et maîtres, et même les interroger sur les schémas occidentaux avec lesquels ils ont construit et implanté les christianismes particuliers que nous vivons maintenant. Il est évident qu’en nous gagne du terrain le désir de ne plus être à leur image et à leur ressemblance, mais d’être des croyants en Jésus-Christ qui ne renoncent pas à l’identité indienne héritée de nos aïeules et de nos aïeux, mais plutôt la conduisent à sa plénitude au sein de l’Église. Ce qui nous pousse à reprendre des éléments fondamentaux de ces racines ancestrales de nos peuples pour les recréer à l’intérieur de l’Église et dans les nouveaux contextes civils où nous avons à vivre désormais.

Cette attitude indienne a été cause de beaucoup de malentendus, soupçons et reproches d’un secteur de frères et sœurs dans la foi chrétienne, surtout de ceux qui sont nos autorités ecclésiastiques. Mais elle a aussi suscité solidarité et compréhension d’autres qui se sont joints à nous pour lancer des transformations audacieuses et novatrices des structures ecclésiales afin de faire place à ces cris et exigences qui sont les nôtres mais aussi ceux d’instigateurs et instigatrices de rénovations radicales. Voilà les signes d’espérance qui nous font croire que l’Église aussi peut bouger dans un sens favorable à notre cause ; ainsi, ce que Galilée disait au sujet de la terre, quand l’Inquisition le menait au bûcher « e pur si muove » (et pourtant elle tourne), nous aussi nous l’affirmons à propos de l’Église.

Désir de décolonisation de la mentalité ecclésiastique

L’une des raisons principales pour lesquelles des membres de nos églises ne peuvent avancer vers les transformations que nous voyons nécessaires aujourd’hui, en relation avec les peuples indiens et les pauvres en général, est que persiste dans la grande majorité un mode de pensée et d’action qui vient du modèle colonial imposé à ce continent depuis plus de 500 ans. Dans ce modèle, on part de l’idée que le vainqueur européen – ainsi que ses clones fabriqués en Amérique – est en tout meilleur ou supérieur à l’Indien ou le pauvre vaincu. Il en résulte le persistant complexe de supériorité du ladino ou latin étranger face à l’infériorité induite du natif du lieu ; l’indigène ne peut avoir raison en rien simplement parce qu’il n’a pas gagné la guerre.

Cette attitude, qui a prévalu à presque tous les niveaux, a rendu impossible dans le milieu ecclésial tout effort de dialogue interreligieux, vu que l’on postule que le christianisme européen, avec ses expressions et institutions inculturées dans la matrice occidentale, se tient au-dessus des croyances populaires érigées en mythes, rites et symboles des peuples. En conséquence le Credo et la pratique théologique et pastorale de l’Église romaine ne peuvent donner lieu à discussion avec l’autochtone évangélisé, lequel doit les accepter tels que le missionnaire les présente puisque ce sont la concrétisation de l’« Unique Religion véritable ».

Aujourd’hui, si nous ne franchissons pas cette montagne que constitue cette manière de procéder, la lutte des peuples n’a aucune possibilité d’obtenir de grandes transformations, ni dans les sociétés nationales ni dans les églises. Nous avons tous besoin, comme l’ont déclaré les évêques à Aparecida (Ap. 96), de décoloniser notre esprit et notre cœur par rapport aux Indiens, aux pauvres et aux personnes différentes. Les pasteurs confessent dans ce document que l’histoire de l’évangélisation en Amérique latine enregistre une dette de l’Église vis-à-vis des peuples originaires, puisqu’au lieu de reconnaître leurs cultures et leurs religions comme le lieu où nous devions identifier et accueillir les « Semences du Verbe », celles-ci furent satanisées et attaquées par les missionnaires. Conséquence de cette pratique coloniale : ni on a permis que surgissent des églises particulières indiennes, ni on est venu à bout des croyances populaires, appelées par les missionnaires « idolâtries et superstitions ». Celles-ci survivent aujourd’hui dans ce que l’on appelle la « religiosité populaire », qui est l’expression majoritaire de la religion en Amérique latine. En d’autres termes, le fruit de cette manière colonialiste de procéder est que ni nous ne sommes les Indiens que les missionnaires ou agents de pastorale veulent que nous soyons, ni nous ne pouvons désormais être ce qu’étaient autrefois nos ancêtres. Nous restons Nepantla, – comme l’a dit pertinemment, durant la première évangélisation, un Indien mexicain à Frère Diego de Durán dans l’Histoire des Indes de Nouvelle Espagne et des îles de terre ferme (XVIe siècle), c’est-à-dire nous restons entre deux mondes culturels et religieux qui n’ont pu se réconcilier, précisément parce qu’ils en sont empêchés par les schémas coloniaux présents chez nos pasteurs mais aussi dans bien des bases ecclésiales, y compris chez quelques frères et sœurs indiennes.

Chemin ecclésial ouvert aux Indiens au milieu des épines

De toute évidence, nous ne pouvons nier que le processus de décolonisation a déjà commencé dans les églises chrétiennes. Preuve en est que la Pastorale indienne s’est étoffée dans beaucoup de nos églises particulières, surtout en ce qui concerne l’attention et la défense des droits des peuples originaires, exigeant des autorités civiles des transformations profondes et audacieuses des structures politiques et économiques. Un autre indice est l’existence de dialogues de haut niveau qui sont menés à bien tant dans l’Église catholique que dans le Conseil mondial des Églises et dans beaucoup d’autres instances ecclésiales, régionales ou locales, où apparaît clairement le désir de maintenir en activité ces espaces de rencontre et de recherche de propositions théologiques qui ne portent pas atteinte à l’intégrité de la foi chrétienne héritée de la tradition apostolique et postérieure.

De plus les documents pastoraux de beaucoup d’églises insistent régulièrement sur la nécessité de prendre au sérieux la parole et l’action des Indiens au sein des églises ; ils répètent encore et encore qu’il faut passer des actions indianistes, faites par des personnes non indiennes en faveur des peuples originaires pris comme objet d’attention et d’assistance, à des processus sérieux d’inculturation de l’Évangile, de l’Église, de sa liturgie, de sa théologie et de ses programmes ecclésiaux. On dit fréquemment qu’il ne suffit pas d’incorporer les natifs dans la vie ecclésiale comme des « corps présents » sans la vie qui provient de leurs cultures et de leurs expériences religieuses propres. Et en ce sens il y a certainement quelques pas significatifs qui ont été faits, comme d’utiliser les langues indiennes dans les célébrations liturgiques et dans la lecture de la Bible ; ou collaborer à des initiatives civiles pour la promotion et la défense des droits individuels et collectifs indiens.

Mais comme nous sommes loin de dialoguer vraiment avec les propositions culturelles et religieuses des peuples dans le but d’incorporer avec joie dans l’Église ce qu’il y a de bon et noble en elles comme patrimoine du Christ et de l’humanité. Souvent, les mots inspirés lancés par le Concile comme rencontre, dialogue, inculturation se sont réduits peu à peu dans l’Église d’aujourd’hui à des euphémismes ou à des manières nouvelles de conserver la même attitude anti-dialogue et impérative de toujours. C’est ainsi qu’il ne manque pas de pasteurs qui continuent de penser que plus nous, les Indiens, revendiquons notre origine ancestrale, plus nous nous éloignons du christianisme et devenons même antichrétiens. C’est sûrement ce qui a motivé les paroles du Pape Benoit XVI lors de l’ouverture de la Conférence de l’Épiscopat latino-américain à Aparecida (2007) : « L’utopie de retourner aux religions précolombiennes, en les séparant du Christ et de l’Église universelle, ne serait pas un progrès, mais un recul. En réalité ce serait une involution vers un moment historique ancré dans le passé » (Aparecida, Discours inaugural).

La deuxième partie de ce texte est publié dans le numéro d’avril.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3232.
 Traduction de Sylvette Liens pour Dial.
 Source (espagnol) : intervention de l’auteur lors du Congrès continental de théologie qui s’est tenu du 7 au 11 octobre 2012 à l’Université do Vale do Rio dos Sinos (Unisinos) (São Leopoldo, État de Rio Grande do Sul) au Brésil.

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[1Sur ce point, on peut se reporter à la synthèse proposée par Alain Durand, « AMÉRIQUE LATINE - La théologie indienne latino-américaine », ou à l’ouvrage d’Alain Durand et Eleazar López Hernández, Sagesse indigène : la théologie indienne latino-américaine (Paris, Cerf/Dial, 2002) – note DIAL.

[3En 2010, alors que Mgr Gonzalo López Marañón, évêque du Vicariat de Sucumbíos, avait atteint l’âge de 75 ans, la Curie romaine décida non seulement de le relever de sa charge mais aussi d’ôter les Carmélites du Vicariat pour donner celui-ci aux Hérauts de l’Évangile, nouveau mouvement religieux clairement défini par une ligne missionnaire et pastorale à l’opposé de ce que Mgr Gonzalo et ses coreligionnaires avaient animé pendant tant d’années. Cela provoqua une crise très forte dans les bases indiennes du Vicariat et aussi dans l’Église équatorienne ; celle-ci a cherché à la résoudre en demandant le départ des Hérauts du Christ comme des Carmélites. En fin de compte les plus affectées ont été les communautés indiennes catholiques du Vicariat, qui se demandaient, découragées : « Pourquoi Rome agit-elle ainsi envers nous ? Quel mal lui avons-nous fait ? Quel pêché avons-nous commis ? » L’affaire s’est compliquée au point que Mgr López Marañón s’enhardit à poser publiquement le problème au moyen d’un jeûne prolongé qu’il mena à son terme sur une des plus grandes places de Quito. Jusqu’à présent, le problème n’a pas été résolu de manière satisfaisante pour les communautés catholiques. [Pour plus de détails sur cette question, voir DIAL 3155 - « ÉQUATEUR - « Hiver ecclésial » en Amazonie équatorienne » – ajout DIAL.]

[4Sur l’altiplano péruvien, durant les années 1950 à 1980, sont nées des expériences riches et paradigmatiques de rapprochement missionnaire et pastoral de la vie des peuples andins de cette région, qui se manifestaient par des matériaux théologiques, catéchétiques et liturgiques produits par lesdites églises engagées auprès des pauvres et des Indiens aymaras et quechuas. Mais, à partir des années 80, tout ce cheminement fut systématiquement bouleversé par des changements contrastés de pasteurs et par l’inclusion de nouveaux mouvements ecclésiaux qui firent virer à presque 180 degrés le travail missionnaire et pastoral réalisé là. [Pour plus de détails sur cette question, voir DIAL 2978 - « PÉROU - Situation de l’Église sud-andine » et DIAL 3107 - « PÉROU - Situation de l’Église en 2010 » – ajout DIAL.]

[5Dans les années 80, on imposa à Mgr Bartolomé Carrasco Briseño, archevêque d’Oaxaca, le « Tata des peuples indiens », un coadjuteur doté de pouvoirs spéciaux pour changer l’orientation de la pastorale qu’il avait animée dans cette église et dans la région. La même chose se passa en 1996 pour le diocèse de Tehuantepec, présidé par Mgr Arturo Lena Reyes, à qui on imposa un coadjuteur avec les pleins pouvoirs afin de modifier radicalement sa ligne de travail dans cette Église particulière.

[6Dans le diocèse de San Cristóbal de las Casas, au Chiapas, la Congrégation pour le clergé vient d’envoyer quelques observations au Directoire diocésain pour le diaconat indien permanent, qui concluent par l’exigence « de se corriger en profondeur » car on considère qu’il subit une « évidente influence pernicieuse de la théologie de la libération de type indianiste » (Lettre de la Congrégation pour le clergé au diocèse de San Cristóbal, juillet 2012).

[7Mgr Samuel Ruiz, évêque de San Cristóbal de las Casas, au Mexique, s’est exprimé ainsi en 1999 : « L’urgence de ce passage est absolument requise par 500 ans d’action évangélisatrice ; par le message de Guadalupe qui demande de construire une église auprès des Indiens vaincus, Sainte Marie de Guadalupe étant un exemple d’évangélisation parfaitement inculturé (Saint Domingue. Jean-Paul II : Discours inaugural n° 24 § 2) ; mais aussi par l’émergence actuelle des Indiens sur le continent comme sujets de leur histoire, comme l’a affirmé le Pape Jean-Paul II en mai 1993 au Yucatán. En ces circonstances, si l’avancée de l’action pastorale indienne repousse encore plus son but, qui est d’arriver à implanter fermement les Églises autochtones sur le continent, on ne réalisera pas l’unité des communautés indiennes autour du christianisme, où se vit une dichotomie (entre une culture propre qui survit encore et la culture occidentale imposée comme vecteur d’expression de la foi) mais on retournera, et cela a déjà commencé, à la religion préhispanique, où il y a unité entre la religion précolombienne et la culture, imposant, après 500 ans, la nécessité d’un dialogue interreligieux entre les religions indiennes et le christianisme, dialogue qui n’a pas eu lieu au temps de la conquête. » (Directoire diocésain pour le diaconat permanent, présentation).

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