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DIAL 2421
BRÉSIL - Un manifeste de solidarité avec le mouvement des sans-terre
Dom Tomás Balduíno et al.
jeudi 16 novembre 2000, mis en ligne par
La déclaration ci-dessous exprime la colère et l’indignation de différentes personnalités brésiliennes parmi lesquelles on notera particulièrement la présence de Dom Tomás Balduíno, président de la Commission pastorale de la terre. Elles n’hésitent pas à déclarer n’avoir encore jamais vu un gouvernement condamner, comme c’est le cas aujourd’hui, 250 000 familles « à l’extrême misère pour des raison politiques ». Cette déclaration est datée du 25 octobre 2000, São Paulo. De son côté, le prix Nobel de la paix Rigoberta Menchú vient de réagir également avec la plus grande fermeté contre une telle politique.
En dechaînant de manière coordonnée une action répressive et démoralisatrice contre le Mouvement des sans-terre (MST), le gouvernement fédéral a finalement décidé d’abandonner le simulacre de réforme agraire qu’il exhibait au plan international devant les autorités politiques et religieuses.
Rien que depuis le début de l’année, dix membres du MST ont été assassinés, tandis que des procédures pénales étaient engagées contre 180 dirigeants du mouvement. En outre, six militants accomplissent la peine inhabituelle de huit ans de réclusion pour un délit de dommage à bien public (contre les installations d’un poste de péage sur l’autoroute de São Paulo).
Le gouvernement fédéral ne s’est pas contenté de cela, il vient de condamner à la misère 250 000 familles de travailleurs déjà installés sur des terres - c’est-à-dire plus d’un million de personnes -, en leur refusant en temps utile le crédit indispensable pour la plantation et la récolte de canne à sucre 2000-2001, qui avait été demandé depuis le début de l’année. C’est seulement le 20 octobre, c’est-à-dire une fois passé le temps de la plantation, que le gouvernement a annoncé l’attribution de ce crédit. Il s’agit, avant tout, d’une ruse. De telles ressources ne sont pas disponibles dans la pratique, parce que les nouvelles modalités de crédit ont été méticuleusement organisées afin d’empêcher que la grande masse des paysans installés dernièrement (asentados) et des petits paysans ait accès à l’argent. Le gouvernement en est venu à exiger que les demandes de crédit soient individuelles et que les banques s’en occupent seulement dans la mesure où elles ont en caisse des ressources disponibles, et il en a toujours été ainsi.
En raison de cette mauvaise foi gouvernementale, la Conférence nationale des évêques du Brésil, le Conseil national des églises chrétiennes et l’Ordre des avocats du Brésil se sont retirés de la table de négociations.
Nous pouvons affirmer que jamais au cours de notre histoire nous n’avons vu un gouvernement condamner 250 000 familles à l’extrême misère pour des raisons purement politiques.
Pour soutenir cette action répressive, le gouvernement a orchestré, avec la collaboration opportune de journalistes bien placés, une campagne de démoralisation du MST, en accusant ses dirigeants de détournement de fonds publics pour leur profit personnel. Aussitôt, la police fédérale a été chargée d’ouvrir des dizaines d’enquêtes dans tout le pays sur ces dénonciations.
L’objectif évident de cette opération stratégique est de liquider le MST, comme ont été liquidées les Ligues paysannes dans les premiers mois du régime militaire.
Le moment n’est plus aux tergiversations. Les signataires sont sûrs que tous les partis politiques corrects, toutes les organisations religieuses et les organisations de défense des droits humains vont se mobiliser pour désavouer le comportement indigne du gouvernement fédéral dans ce problème et défendre le droit à la survie pour les familles de travailleurs dans tout le Brésil.
Saõ Paulo, le 25 octobre 2000
Fábio Konder Comparato,
docteur honoris causa
de l’Université de Coimbra,
docteur en Droit de l’Université de Paris
et professeur titulaire
de l’Université de São Paulo
Milton Santos,
docteur, géographe et professeur émérite
de l’Université de São Paulo
Plínio de Arruda Sampaio,
professeur, ancien député fédéral constituant et consultant du Programme des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
Dom Tomás Balduíno,
évêque et président national
de la Commission pastorale de la terre (CPT)
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2421.
– Traduction Dial.
– Source (espagnol) : déclaration, 25 octobre 2000 .
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