Accueil > Français > Dial, revue mensuelle en ligne > Archives > Années 2000-2009 > Année 2007 > Juillet 2007 > GUATEMALA - Les mines de métaux menacent la citoyenneté

DIAL 2946

GUATEMALA - Les mines de métaux menacent la citoyenneté

Leonor Hurtado

dimanche 1er juillet 2007, mis en ligne par Dial

Depuis la colonisation espagnole, l’Amérique Latine a toujours été perçue comme un continent propice pour l’installation de mines de métaux. Dans cet article, publié dans le numéro 51 de la revue Voces del Tiempo , Leonor Hurtado s’interroge sur la légitimité et la légalité des mines de métaux que les grandes compagnies minières internationales exploitent au Guatemala.


L’or est comme les bras de la montagne

Lors d’une conversation avec un dirigeant de la communauté indigène de Sipakapa, celui-ci m’a expliqué : « l’or est plus utile et a plus de valeur là où il se trouve, dans nos montagnes. L’or est comme les bras de la montagne ; il la soutient, lui donne forme, lui donne son énergie et son équilibre pour que la vie existe. Si on le retire d’ici, on détruit la montagne et même si après on remet la terre, ce ne sera pas la même chose. En plus, l’or sera emmené hors du Guatemala. C’est pourquoi l’or a plus de valeur ici ».

J’ai été touchée par ce raisonnement si clair et si frappant. Quand je suis revenue de ce long voyage à la capitale, la première chose que j’ai faite a été d’aller voir mes parents pour partager avec eux cette découverte. A la fin de la conversation, mon père m’a fait le commentaire suivant : c’est une belle métaphore, mais pour bien voir le problème, il faut penser à la dimension politique, économique, sociale, et à la détérioration de l’environnement.

Je me suis sentie déçue parce que pour moi cette image était plus qu’une métaphore, c’était une vérité irréfutable qui me permettait de voir la vie d’une manière intégrale, de me savoir et me sentir comme faisant partie de la montagne, de reconnaître que tous les éléments de la planète nous sommes interdépendants. C’est une vérité joliment exprimée, mais la forme ne lui retire pas son caractère de vérité.

Par la suite, j’ai eu l’occasion de parler avec un géologue et je lui ai commenté l’image qu’avait employée le dirigeant de la communauté de Sipakapa. Le géologue m’a dit :
« ce monsieur a tout à fait raison. L’or fait partie de la structure de la montagne et la structure est indispensable à la vie. Dire que ce n’est pas comme ça revient à rassembler tous les décombres des tours jumelles de New York et dire : rien de matériel ne s’est perdu, ici se trouve tout ce qui formait les tours, ici se trouvent les tours. Evidemment, nous savons que c’est une absurdité parce que la structure des tours a été détruite et que sans elle les tours ne sont rien. C’est la même chose pour les montagnes et pour la vie. »

On peut comprendre alors, que les mines de métaux à ciel ouvert sont une menace pour notre vie.

Pourquoi veut-on exploiter l’or et d’autres métaux au Guatemala ?

Cette exploitation ne répond pas aux intérêts de notre pays, mais à ceux des pays développés qui ont besoin de métaux pour leurs industries et qui ont des problèmes pour en trouver sur leur propre territoire.

Ils ont des problèmes parce que le coût de la main-d’œuvre dans leurs pays est très élevé ; les organisations écologiques sont puissantes et bien informées et s’opposent aux mines de métaux parce que celles-ci détruisent toute la flore et la faune dans la zone d’extraction ; de plus la législation est très sévère. Ce sont là quelques-unes des raisons pour lesquelles les pays développés viennent chercher les métaux dans nos pays du tiers-monde. Ils le font aussi parce que le coût de la main-d’œuvre dans nos pays est très bon marché ; parce que les organisations écologistes sont faibles et parce que la législation favorise les compagnies minières en leur assurant 99 % des bénéfices sans aucune obligation d’investissement. Ni le ministère de l’Energie et des Mines, ni le ministère de l’Environnement, ni le ministère de la Santé et de l’Assistance sociale du Guatemala, ont la capacité de superviser l’exploitation minière.

Les mines de métaux sont une nouvelle forme d’exploitation et de pillage que les pays développés prétendent instaurer dans le tiers-monde. Ils cherchent à s’approprier des ressources naturelles NON-renouvelables et sont prêts à détruire notre territoire.

Que sont les mines de métaux ?

C’est l’ensemble des activités qui servent à découvrir et à extraire les minerais de métaux de la roche dure qui se trouve sous la surface de la terre.

Pour y arriver, ils procèdent d’abord à l’abattage des arbres et à la destruction de la végétation, supprimant toute forme de vie à cet endroit. Ensuite, ils utilisent des explosifs pour fragmenter la roche ; de cette manière, ils détruisent collines et montagnes car pour obtenir une once d’or, il faut pulvériser approximativement une tonne de roche. Cette information se trouve dans l’Étude d’impact environnemental de la mine Marlin dans le département de San Marcos, présentée par Montana Exploradora, filiale de Glamis Gold C.O.

Les roches fragmentées ou pulvérisées sont traitées avec des produits chimiques très toxiques. Pour isoler (lixivier) les métaux, ils utilisent de l’acide sulfurique pour le cuivre, du chlore pour le nickel, du cyanure et du sodium pour l’or. Ensuite il faut laver les métaux et pour cela ils utilisent 250 000 litres d’eau par heure. Avec cette quantité d’eau, on pourrait approvisionner 8 300 citoyens ruraux durant une journée.

Si nous, les citoyens et citoyennes, nous étions pleinement informés de ce que représentent les mines de métaux, nous nous sentirions obligés de nous opposer à ce que l’on pratique cette activité dans notre pays et nous serions davantage prêts à résister et à utiliser tous les recours légaux qui nous protègent.

Les compagnies minières transnationales et le gouvernement d’Oscar Berger nous mentent

Le négoce des mines répond au désir de gain et à la volonté de pouvoir des membres du gouvernement et du secteur privé. Pour nous faire croire que les mines bénéficient au pays et à la population, les compagnies minières et le gouvernement nous disent beaucoup de mensonges. Voyons-en quelques-uns.

 Premier mensonge : les mines créent pour l’État d’importantes sources de rentrées fiscales qui pourront être investies dans le secteur social.

Les rentrées fiscales résultent du paiement des impôts. Selon une étude du Fonds Mondial de la Nature, ce n’est pas vrai parce que quand l’on compare la croissance économique des pays sous-développés miniers et non-miniers, le taux de croissance économique est plus lent dans les pays miniers. De plus, les niveaux de protection sociale et de redistribution des revenus sont bas. Cela signifie que les mines ne sont pas une aide pour le secteur social.

 Deuxième mensonge : les mines modernes ne sont pas une source de pollution et n’ont pas d’impact majeur sur l’environnement.

Les mines suppriment tous les arbres, tuent toute forme de vie sauvage et détruisent avec les explosifs les collines et les montagnes. Pour séparer les métaux, les mines utilisent des produits chimiques toxiques comme le mercure et le cyanure. De plus, les mines demandent beaucoup d’eau et l’eau après avoir été utilisée est contaminée. Oui, les mines détruisent et polluent l’environnement.

 Troisième mensonge : les mines créent des emplois.

C’est seulement dans la première phase, lors de la construction, que les mines créent des emplois. Au moment où on commence à extraire le métal, les travailleurs sont peu nombreux. La mine Marlin offrira 800 emplois pour 31.000 habitants, ce n’est pas une offre significative.

 Quatrième mensonge : les mines bénéficient aux communautés.

Les mines modifient les droits de propiété sur la terre, nuisent à la santé et à la sécurité, violent les droits humains, génèrent alcoolisme et prostitution, et changent le mode de vie des communautés qui sont situées à proximité de la zone d’exploitation. D’autre part, la majorité des employés viennent d’ailleurs et investissent leurs salaires en dehors de la communauté. Les mines génèrent aussi des conflits avec les communautés indigènes parce qu’elles détruisent leurs valeurs culturelles et spirituelles.

 Cinquième mensonge : les mines nous sortiront de la pauvreté.

1 % seulement des bénéfices que déclare la Compagnie minière internationale revient à l’Etat du Guatemala ; les 99% restants profitent exclusivement à la compagnie minière. Ces bénéfices ne nous sortiront pas de la pauvreté.

 Sixième mensonge : les mines favorisent le développement.

Les mines procurent seulement la richesse aux entreprises minières. Elles ont un impact négatif sur le tourisme et l’agriculture, activités qui génèrent plus d’emplois que les mines.

 Septième mensonge : les mines sont compatibles avec le développement durable.

Les mines ne sont pas une activité durable puisqu’elles s’achèvent avec l’épuisement du minerai et détruisent le milieu d’où il est extrait. Le développement durable doit satisfaire les nécessités matérielles de notre génération et des générations futures. Quand le minerai s’épuise, le développement basé sur ce minerai se termine aussi, et les mines détruisent ou polluent les ressources renouvelables : bois, eau, air et terre.

Devant cette terrible menace, quelles lois nous protègent dans notre juste lutte ?

Plusieurs lois nous protègent et nous donnent, à nous citoyennes et citoyens, des instruments pour nous opposer aux mines de métaux. Ces lois sont les suivantes : la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (O.I.T.), l’Accord sur l’identité et les droits des peuples indigènes, le Code municipal, la Loi de décentralisation, la Loi des conseils de développement urbains et ruraux. Toutes ces lois reconnaissent le droit des citoyennes et des citoyens à l’autonomie, à la décision, à jouer un rôle dans les affaires qui concernent directement leur vie économique, politique, sociale, culturelle et spirituelle.

En accordant les licences d’exploration et d’exploitation minière, le gouvernement, à travers le ministère de l’Energie et des Mines (M.E.M.), viole les lois de notre pays. C’est pourquoi il est indispensable que nous, les citoyennes et citoyens, nous nous informions et nous nous organisions pour défendre nos droits.

Examinons deux articles de la Convention 169 de l’O.I.T., ratifiée par le Guatemala en 1996.

  • Art. 6 : les gouvernements doivent consulter les peuples intéressés, par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que seront prévues des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement.
  • Art. 7 : les peuples intéressés doivent avoir le droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus de développement, dans la mesure où celui-ci a une incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur bien-être spirituel et les terres qu’ils occupent….

Examinons maintenant deux articles de l’Accord sur l’identité et les droits des peuples indigènes.

  • III.3 : Les peuples maya, garífuna et xinca sont les auteurs de leur développement culturel. Le rôle de l’État est d’appuyer ce développement en supprimant les obstacles à l’exercice de ce droit.
  • D.2 : Les peuples maya, garífuna et xinca ont droit à la création et à la direction de leurs propres institutions, au contrôle de leur développement et à la possibilité réelle d’exercer librement leurs droits.

Enfin, signalons les articles de la Constitution politique de la République du Guatemala qui nous protège en stipulant que les citoyennes et les citoyens n’ont pas l’obligation de respecter les ordres ou les dispositions illégales de l’autorité (Art. 5) et établit le droit à la résistance du peuple pour préserver ses droits fondamentaux (Art. 45).

Cela signifie que comme citoyens, nous avons les instruments légaux pour nous opposer aux dispositions illégales instaurées par le gouvernement d’Oscar Berger en faveur des compagnies transnationales et pour le bénéfice de personnes ambitieuses et sans scrupules, disposées à vendre notre pays pour leur enrichissement personnel.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2946.
 Traduction de Bernard & Jacqueline Blanchy pour Dial.
 Source (espagnol) : revue Voces del tiempo, n°51.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteure, la traductrice, la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

Les opinions exprimées dans les articles et les commentaires sont de la seule responsabilité de leurs auteurs ou autrices. Elles ne reflètent pas nécessairement celles des rédactions de Dial ou Alterinfos. Tout commentaire injurieux ou insultant sera supprimé sans préavis. AlterInfos est un média pluriel, avec une sensibilité de gauche. Il cherche à se faire l’écho de projets et de luttes émancipatrices. Les commentaires dont la perspective semble aller dans le sens contraire de cet objectif ne seront pas publiés ici, mais ils trouveront sûrement un autre espace pour le faire sur la toile.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.